Saint-Pierre Miquelon | Page 5

Comte de Premio-Real
elle n'est pas de mon ressort.
Le corroyeur et le chamoiseur font usage de l'huile de foie de morue,
pour donner aux cuirs de la souplesse et du brillant.

Les succédanés de l'huile de foie de morue ou substances qui ont les
mêmes propriétés médicales sont nombreux; on les emprunte aux
cétacés, aux poissons, aux amphibies, aux mammifères, aux oiseaux,
aux reptiles, aux crustacés, aux insectes et même au règne végétal. Pour
ne citer que les plus connus, je nommerai: l'huile de foie de raie, celle
de requin; celle de hareng; les huiles de baleines et de phoque; le lait, le
suif, l'huile de pied de boeuf et de veau; le jaune d'oeuf; la graisse de
serpent; le bouillon d'écrevisse; les huiles d'oeillette, de lin, de noyer,
d'amandes douces, etc., etc. Je laisse aux Hippocrates présents ou futurs
le soin de décider du degré de confiance qu'il faut accorder à ces divers
substituants de l'huile de foie de morue, et je leur cède la place avec la
douce satisfaction d'un homme qui n'a jamais éprouvé le besoin de
recourir ni à cette glorieuse substance, ni à ses succédanés.
* * * * *
J'ai dit que la France tire des îles Saint-Pierre et Miquelon la plus
grande partie de la morue qu'elle consomme.
Pour s'expliquer l'affluence des pêcheurs français dans ces eaux
lointaines, il faut avoir une idée des profits qu'on peut en retirer. Il me
suffira d'en citer deux exemples. On a vu des hommes prendre sur les
bancs de Terre-Neuve de 400 à 550 morues dans 10 ou 11 heures. Une
fois, 8 hommes en ont pris dans leur journée de pêche 80 vingtaines sur
le Dogger Bank.
D'ailleurs il existe un autre stimulant. Le gouvernement français qui a,
dès l'origine, compris la haute importance de ces pêches, donne à
chaque bâtiment pêcheur une prime d'encouragement au prorata de sa
prise. Ces primes, sont de quinze, seize et vingt francs par quintal
métrique, suivant les destinations. En outre chaque bateau pêcheur
reçoit cinquante francs par homme d'équipage, pour la pêche, avec
sécherie, soit à la côte de Terre-Neuve, soit à Saint-Pierre et Miquelon,
soit sur le grand banc de Terre-Neuve. D'ailleurs les navires engagés
qui ont un peu de chance peuvent faire plus d'un voyage en Europe
dans la même saison, puisqu'elle commence en mai et finit en
novembre.

La partie de la mer réservée aux pêcheurs français est très étendue.
Vers le nord, elle s'étend jusqu'à 3 milles des côtes de Terre-Neuve.
La valeur annuelle moyenne de toutes les pêcheries françaises est de L
3,500,000, soit à raison de 25 francs par livre sterling, 87,500,000
francs. En 1876, leurs produits ont représenté la somme de 88,990,591
francs, soit environ de 16 millions de dollars. 21,263 vaisseaux ou
bateaux de pêche, montés par 79,676 hommes, étaient employés sur les
différentes pêcheries.
La capture de morue dans la colonie de Saint-Pierre et Miquelon,
suivant les rapports officiels, a été en moyenne, pour les cinq années
finissant en 1871, de 15,425,086 kilogrammes. Les mêmes rapports
montrent que pour les cinq années finissant en 1874, le nombre moyen
des navires employés était de 76 et celui des bateaux de 590, jaugeant
tous ensemble 12,386 tonneaux et montés par 5,335 pêcheurs.
La France pêche 25,000,000 de kilogrammes de morue par an et
souvent plus. Plus des trois cinquièmes, quelquefois les quatre
cinquièmes viennent des eaux de Saint-Pierre et Miquelon. Et n'allez
pas croire que cette proportion date d'hier. Si je remonte à l'année 1863,
je trouve 25,349,681 kilogrammes de morue représentant une valeur de
12,281,073 francs importés en France. En 1864 il y a augmentation et
la pêche du même poisson donne 27,795,392 kilogrammes représentant
une valeur de 19,733,700 francs.
Ajoutons en terminant que les français prennent dans les mers d'Islande
plus de poisson que les Islandais eux-mêmes, et emportent chaque
année en France pour une valeur de £270,000 ou 6,750,000 francs de
morue. Ils ont une flotte de 290 vaisseaux montés par 4,400 hommes,
chaque bateau jaugeant en moyenne 90 tonneaux.
Les pêcheurs des mers d'Islande aussi bien que ceux de Terre-Neuve
reçoivent des primes d'encouragement. Vous voyez, Mesdames et
Messieurs, qu'un pays place bien l'argent qu'il emploie à développer
une industrie de ce genre, et je ne considère ici que le profit pécuniaire.
Mais il ne faut pas oublier que la pêche développe les aptitudes
maritimes de l'homme des côtes et le prépare, par son rude

apprentissage, à faire un excellent marin de guerre.
* * * * *
On a cherché depuis quelques années à contester en Angleterre et au
Canada même les droits de la France aux pêcheries de Terre-Neuve.
Mais l'examen des différents traités intervenus entre la France et
l'Angleterre démontre le bien fondé des droits de la première, droits
qu'elle n'a cessé de revendiquer en toute occasion avec la
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