un barbillon, bouquet de
filaments attaché à la mâchoire inférieure. C'est un poisson
malacoptérygien, c'est-à-dire à nageoires molles. On en distingue
plusieurs espèces. La plus commune est la morue franche, qu'on appelle
aussi cabillaud ou cabéliau quand elle est fraîche. Sa longueur varie de
soixante-dix centimètres à un mètre. Une tête grosse et comprimée, une
bouche énorme, des yeux très gros à fleur de tête et voilés par une
membrane transparente, une cuirasse d'écailles grises sur le dos et
blanches sous le ventre avec des taches dorées, des nageoires jaunes et
grises, tels sont les principaux caractères extérieurs de cet habitant des
mers. Joignez-y des dents simplement implantées dans les chairs et
susceptibles de se mouvoir à la volonté de l'animal, un estomac très
volumineux et très vorace et une prodigieuse fécondité, et vous pourrez
vous faire une idée des hécatombes de petits poissons que la morue
engloutit avant d'être elle-même la proie de ce terrible destructeur, de
cet omnivore qu'on appelle l'homme.
La morue atteint quelquefois un poids de cent livres; mais petite ou
grande, pesante ou légère, elle est toujours pour les humains une
ressource précieuse, une nourriture des plus saines. J'ai parlé tout à
l'heure de sa fécondité. Jugez plutôt: les femelles portent de 4 à 8
millions d'oeufs dans leurs flancs; quel rêve de romancier peut se
comparer à cette réalité vivante. Un de ces savants qui ne respectent
rien et qui forcent la nature à leur dévoiler ses arcanes les plus
mystérieux, évalue à 150,000,000 le nombre des animacules contenus
dans la laite d'une seule morue mâle. Cette espèce est répandue dans
toutes les mers septentrionales de l'Europe et de l'Amérique, à l'entrée
de la Manche, en Irlande. Sur les côtes de l'Irlande, de la Suède, de la
Norwége, de l'Ecosse, elle donne lieu à une exploitation importante,
mais c'est sur les bancs de Terre-Neuve ou aux environs que cette
pêche se fait tout-à-fait en grand.
La saison favorable s'étend de février à novembre. Au grand banc de
Terre-Neuve, elle commence en mai. Après avoir pris les morues, on
les sale ou on les fait sécher. Dans le premier cas on les éventre, et on
leur ôte le foie ou les oeufs après avoir coupé la tête et la langue que
l'on met à part. Elles portent alors le nom de morues vertes. Il est
essentiel d'avoir à bord un homme qui ouvre le poisson et coupe la tête
avec habileté. On appelle morues blanches celles qui ont été salées,
mais séchées promptement, et sur lesquelles le sel a laissé une sorte de
croûte blanchâtre. Pour achever le séchage on les expose au soleil et
ensuite à la fumée; ces dernières prennent le nom de morues séchées ou
parées; on les confond aussi fort souvent sous le nom de merluche avec
le merlan préparé de la même manière sur les côtes de Provence. La
pêche de la morue se fait soit sur les rivages rocheux, soit sur des bancs
de sable où les plus grosses sont prises à des profondeurs variant de 25
à 50 toises.
Quant aux origines de la pêche à la morue, il est impossible de les
assigner d'une façon exacte. Quelques uns voudraient en faire honneur
au Portugais Gaspard de Cortereal, au commencement du 16e siècle:
mais on pense avec beaucoup plus de raison que les pêcheurs Basques,
en poursuivant les baleines, découvrirent le grand et le petit banc de
Terre-Neuve, un siècle avant l'expédition de Christophe Colomb. Ces
hardis pêcheurs avaient exploré les côtes du Canada et connaissaient à
coup sûr Terre-Neuve, la terre des Bacalaos, comme il l'avaient appelée,
avant que le grand navigateur génois eût fait bouillonner la mer des
Antilles sous la proue d'un navire européen. Les Hollandais et les
Anglais paraissent aussi s'être livrés à la pêche de la morue, dès le
14ième siècle, les derniers sur les côtes d'Islande; et les pêcheurs de la
Rochelle et de la Bretagne avaient jeté leurs lignes dans les eaux du
golfe Saint-Laurent, longtemps avant que Jacques-Cartier eût fait voir
aux hurons de Stadacona l'étendard aux fleurs de lis d'or....
* * * * *
On peut pêcher la morue de différentes manières, avec des lignes
ordinaires, des lignes de fond et des seines, filets d'une grande
dimension. Mais le premier de ces moyens, tout en donnant de très
beaux résultats, est préférable au point de vue de l'avenir des pêcheries.
Bien des faits le prouvent surabondamment. Quelle que soit la
fécondité de la morue, l'avidité aveugle de l'homme parviendrait, sinon
à détruire l'espèce, du moins à rendre son exploitation insignifiante, si
une sage législation ne venait par des dispositions prévoyantes, mettre
obstacle à la cupidité insatiable de ceux qui ne considèrent que le
présent. Il est un fait bien connu dans ce pays-ci, c'est que les pêcheurs
des États-Unis, après
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