trois petites
îles qui, physiquement, n'offrent rien d'extraordinaire? Mais j'éprouve
pour elles un sentiment d'affection tout particulier. Cela ne
proviendrait-il pas précisément de leur petitesse? Le Canada avec ses
champs sans limites m'inspire un sentiment d'admiration. Mais il est
plus facile de concentrer son affection sur un objet d'étendue restreinte
que l'esprit peut, pour ainsi dire, embrasser sans effort. Le célèbre
Burke dans son ouvrage sur le sublime et sur le beau: "On the sublime
and beautiful" fait remarquer que, généralement, l'admiration se porte
sur des objets grands ou terribles, l'amour sur des objets relativement
petits et agréables.
Comme je l'ai dit, les îles Saint-Pierre et Miquelon sont tout ce qui reste
à la France d'un empire qui comprenait les possessions britanniques
actuelles de l'Amérique du Nord et la vallée du Mississipi, c'est à-dire
la moitié du continent Nord Américain. Les fleurs de lys durent
successivement se retirer de Terre-Neuve en 1713, du Cap-Breton et de
l'île du Prince-Edouard en 1745, du Canada et de la Nouvelle-Écosse en
1763 ainsi que du territoire à l'Ouest du Mississipi, et le léopard
britannique ne laissa à la vieille monarchie française que le droit de
pêche sur les côtes de Terre-Neuve et les îles Saint-Pierre et Miquelon.
Elles sont situées à l'entrée de Fortune Bay, golfe qui s'enfonce
profondément dans la côte sud de Newfoundland, à proximité du banc
de Saint-Pierre fréquenté par les morues, et non loin du grand banc de
Terre-Neuve. Une distance de 135 milles les sépare du cap Ray et du
cap Race qui forment respectivement les extrémités Sud-Ouest et
Sud-est de la terre des Bacalaos, comme on l'appelle en Espagnol.
Elles se trouvent à 6470 kilomètres de Brest, le point le plus rapproché
de la mère patrie. Suivant le géographe français Onésyme Reclus, les
îles Saint-Pierre et Miquelon ont une superficie de 21,000 hectares et
une population sédentaire de 3000 habitants. Il y a de cela 2 ou 3
lustres. Mais actuellement, suivant mon intelligent subordonné aux
dites îles, elle s'élève à 5000 âmes. Le petit archipel se compose, au
Nord, de la grande-Miquelon, sise par 47° 4' de latitude Nord et 56° 20'
de longitude Ouest, au Sud, de la petite Miquelon ou Langlade et au
Sud-Est de cette dernière, de Saint-Pierre, beaucoup plus petite, mais
trois fois plus peuplée que les précédentes.
Il est presque superflu de mentionner quelques îlots insignifiants,
simples rochers de granit sans végétation et sans habitants. La grande
Miquelon et la petite sont, depuis 1783, réunies par une langue de
sable.
Saint-Pierre renferme le chef-lieu du même nom, résidence du
gouverneur de tout l'archipel. Cette modeste capitale a pour horizon des
collines basses portant un bois de résineux lilliputiens dont la cime
arrive à peine à l'épaule d'un enfant. Dans la saison commerciale la
population flottante de pêcheurs et de marins venus de France et
d'autres pays y surpasse de beaucoup le nombre des résidents. Le
mouvement des navires, la pêche, la salaison, donnent alors une
prodigieuse animation à ces pauvres îles au sol indigent, au climat dur,
mais très sain.
Les cultures de Saint-Pierre et Miquelon ont peu d'étendue; quelques
pommes de terre, des choux, un peu de foin, voilà tout ce que le regard
de l'agronome pourrait y découvrir. La végétation y est généralement
chétive. Las hauteurs atteignent 500 pieds en certains endroits. Les
parties basses abondent en étangs et en marais. En somme la pêche est
l'occupation principale, sinon exclusive, des habitants. Vu la rareté du
bois, on y brûle surtout du charbon qui vient principalement de la
Nouvelle Ecosse et du Cap Breton. Le climat ressemble beaucoup à
celui des ports du golfe Saint-Laurent. Les côtes sont souvent couvertes
d'épais brouillards qui s'élèvent soudain et persistent durant plusieurs
jours. St. Pierre, au Nord-Est de l'île du même nom, possède un
excellent port qui peut contenir un grand nombre de navires, et leur
assurer un très bon mouillage. On y voit jusqu'à 60 bâtiments pêcheurs
à la fois. Les autres anses de l'archipel n'offrent ni les mêmes avantages
ni la même sécurité. Lorsque certains vents soufflent, les navires qui y
ont jeté l'ancre, sont souvent obligés de prendre la haute-mer, pour
éviter d'être brisés contre le roc par les poussées formidables de la
tempête.
Comme conclusion à ces quelques données sur les îles Saint-Pierre et
Miquelon, je dirai que la nature semble les avoir spécialement destinées
à être d'excellentes stations de pêche.
* * * * *
Les flots qui environnent les îles Saint-Pierre et Miquelon recèlent un
grand nombre de poissons d'espèces différentes. Le hareng s'y montre
quelquefois en colonnes profondes, mais comme les pêcheurs français
qui exploitent ces parages s'attachent presque exclusivement à la morue,
je ne m'occuperai en détail que de cette dernière.
Les naturalistes l'appellent gadus morrhua; ses principaux caractères
sont trois nageoires dorsales, deux anales et
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.