Sacountala (1858) | Page 3

Théophile Gautier
tomber sur un banc
de gazon: ses compagnes l'entourent et tâchent de la rassurer; elles la
complimentent sur l'amour qu'elle a inspiré au roi; mais Sacountalâ,
oppressée et brûlante, cache sa tête dans ses mains. Pour calmer la
fièvre laquelle elle est en proie, ses amies l'éventent doucement, lui
jettent des fleurs fraîches, et, voyant le sommeil descendre sur ses yeux,
s'éloignent avec précaution sur la pointe du pied.
SCÈNE VII.
Après avoir tué l'éléphant, le roi revient; inquiet de ne pas voir
Sacountalâ, il parcourt la scène à grands pas. Il aperçoit à la fin celle
qu'il aime, endormie sur les fleurs. Il se rapproche, s'agenouille,
l'admire dans une contemplation passionnée, tend les mains vers elle et
lui envoie des baisers; à travers son sommeil, Sacountalâ semble avoir
conscience du retour de son royal amant: elle soupire, elle tressaille et
se lève comme en extase, se rapprochant toujours de Douchmanta qui
l'attire; au bout de quelques pas, elle finit par se trouver entre les bras
du roi et se réveille avec un mouvement d'effroi et de pudeur. On
pourrait les voir. Les jeunes brahmes errent dans la forêt.
Douchmanta, sans l'écouter, lui dit qu'il l'aime éperdûment; mais
Sacountalâ ne veut pas croire à ses protestations. Un trop grand
intervalle les sépare, toute union est impossible entre eux; elle essaye
de se dégager des étreintes du roi, lui échappe, et va se réfugier dans le
temple. Douchmanta la détache de l'autel, la ramène près du banc de
mousse, se jette à ses pieds, l'entoure de ses bras et lui promet de
l'épouser. Elle sera reine dans le beau palais d'Hastinapourou, la ville
sainte. La jeune fille, comme enivrée, penche sa tête sur l'épaule du roi,
qui lui met un baiser au front; en même temps, il lui passe au doigt son
anneau qui lui ouvrira les portes du palais et la fera reconnaître pour
une fiancée royale.
SCÈNE VIII.

Pendant la fin de cette scène, le mouni (ermite) Durwasas, personnage
très-orgueilleux de sa science, et connu dans les poëmes de l'Inde pour
son extrème irascibilité, traverse la forêt sacrée avec un air de fatigue et
d'accablement; il est las, il a faim, il a soif, et demande l'hospitalité. Il
s'incline à plusieurs reprises auprès du groupe amoureux, qui ne prend
pas garde à lui et reste comme perdu dans son extase. Durwasas, déjà
mécontent qu'on ne lui rende pas les hommages voulus, est en outre
choqué de voir profaner de la sorte par un amour coupable la retraite
des dieux et des sages, et adresse des reproches aux deux amants qui se
réveillent comme d'un songe. Sacountalâ se précipite aux pieds de
Durwasas et tâche de le fléchir, mais en vain. Le roi joint ses prières à
celles de Sacountalâ; mais le courroux du farouche personnage ne
s'apaise pas. Se laissant aller à un mouvement de colère, Douchmanta
menace l'ermite, qui se redresse de toute sa hauteur et prononce avec
des gestes magiques une terrible formule d'imprécation.
Sous le coup de cette malédiction, la tête du roi paraît se troubler, ses
yeux deviennent hagards; il repousse Sacountalâ. La puissance de
Durwasas bouleverse la nature: le ciel se couvre, des lueurs rouges
brillent, les feuillages de la forêt sacrée s'agitent, et à travers les
branches on voit se dessiner les formes monstrueuses de rakkasâs
(mauvais génies) qui grimacent, ricanent et désignent du doigt comme
maudits le roi et Sacountalâ.
SCÈNE IX.
Douchmanta a perdu la raison et la mémoire. Il ne reconnaît plus celle
qui tout à l'heure il offrait la couronne. C'est ainsi que Durwasas se
venge de ceux qui le dédaignent ou qui le bravent.
Les courtisans à la recherche du roi entrent et le trouvent en proie au
délire. Il se débat entre leurs mains et ils l'emmènent en donnant des
signes de respect et de douleur. Sacountalâ est tombée évanouie au pied
d'un arbre.
SCÈNE X.
Durwasas, satisfait de son commencement de vengeance, s'approche de

Sacountalâ; profitant de son évanouissement, il retire du doigt de la
jeune fille l'anneau que le roi lui a remis et va le jeter au loin dans
l'étang sacré; les jeunes filles, les brahmatcharis, les gourous rentrent
ayant en tête le sage Canoua. Ils aperçoivent Sacountalâ évanouie, la
relèvent et la font revenir à elle. Du doigt elle désigne l'ermite dont la
physionomie exprime toujours le courroux, et raconte Canoua, son père
adoptif, qu'elle est aimée du roi, qu'elle l'aime et qu'il lui a juré de
l'épouser; mais Durwasas, offensé involontairement, a, par ses
maléfices, fait perdre la raison et le souvenir au roi
Douchmanta.--Durwasas, qui a écouté ce récit, se rapproche du groupe
et dit:--Jamais ta fille ne sera la femme du roi.--Et qui l'empêcherait?
répond Canoua.--Moi, réplique Durwasas, les yeux brillants de haine,
sans se laisser attendrir par les supplications de Sacountalâ
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