rien d'ailleurs à la force des déductions qu'on en tire et dont l'encha?nement rigoureux sert de fondement à la physique mathématique; je dis n'enlève rien, à la condition de ne pas sortir dans les applications aux phénomènes naturels du cercle étroit tracé par les définitions absolues, que l'abstraction des géomètres a tirées des faits d'expérience.
Mais c'est assez nous étendre sur les découvertes de Bertrand en mathématiques, quoiqu'elles constituent la partie principale de sa gloire: d'autres les rappelleront bient?t avec plus de compétence que moi au nom de l'Académie des sciences.
Le moment est venu de parler de l'oeuvre littéraire. J. Bertrand débuta, dans la carrière des lettres, par un livre intitulé: les Fondateurs de l'Astronomie, oeuvre essentiellement destinée au grand public, par sa clarté et l'intérêt de ses expositions: l'appareil des démonstrations mathématiques s'y trouve simplifié et réduit au minimum. A première vue et en apparence, il semble s'agir seulement dans ce livre de biographies: c'est le récit de la vie et de l'oeuvre de cinq grands astronomes d'inégal génie: Copernic, Tycho-Brahé, Képler, Galilée, Newton. Ce récit se développe dans le livre de J. Bertrand, comme dans l'histoire des sciences, à la fa?on d'un drame en cinq actes: exposition, péripétie, crise de violence et de trahison, enfin dénouement triomphant. L'exposition est l'oeuvre de Copernic, qui soulève le problème du système du monde, centralisé pour tout le moyen age autour de la terre immobile, d'après la tradition de la science antique et celle du dogme catholique. Copernic prétend faire mouvoir tout ce système, et la terre elle-même autour du centre solaire, comme l'avaient soutenu les Pythagoriciens, non suivis par Ptolémée. Cependant Copernic, redoutant sans doute pour lui-même les conséquences de son innovation, retarde la publication de son livre jusqu'à sa mort, et le problème demeure simplement posé; les données connues à cette époque ne suffisaient pas pour lever toute contradiction.
Tycho-Brahé, artisan scientifique patient, accumule au siècle suivant les données nécessaires, sans entrer dans la théorie.
Képler, génie supérieur à Copernic, tire de ces données, en les combinant avec des vues mystiques sur l'harmonie des mondes, les trois lois fondamentales de l'astronomie.
A ce moment, il semble que le drame touche à son dénouement; les preuves sont groupées, la conclusion certaine. C'est alors qu'éclate le conflit entre la certitude scientifique et l'affirmation dogmatique. Ce conflit se complique d'éléments moraux. Jusque là tout s'était passé dans un domaine ignoré des puissants qui gouvernent les Etats et des docteurs qui enseignent la théologie. L'italien Galilée introduit avec éclat dans le cercle officiel les vérités nouvelles de l'Astronomie, en même temps qu'il révolutionne par l'invention du télescope la connaissance physique du monde sidéral. Galilée n'hésite pas à proclamer bien haut ses découvertes et celles de ses prédécesseurs, dans un langage compris de tous. Il fait appel à l'opinion publique; mais les autorités conservatrices de l'époque ne l'entendaient pas ainsi. La liberté de penser était proscrite en Italie, dès que le dogme semblait mis en jeu. Aussi la riposte ne tarde guère, donnée par l'Inquisition. Le bras séculier intervient pour étouffer la vérité scientifique, traitée d'hérésie et d'impiété: Galilée est persécuté, obligé de se rétracter. Vains efforts! la force est impuissante contre une vérité démontrée. Si Descartes se tait, redoutant l'oppression, tout ce qui pense et sait alors en Europe n'en demeure pas moins convaincu par les preuves de Galilée.
Enfin Newton vient, le grand Newton, qui découvre la loi de l'attraction universelle et en déduit la démonstration mathématique des lois de Képler. J. Bertrand, élevant sa pensée avec celle des astronomes dont il raconte l'histoire, proclame leur réussite avec une ardeur et un enthousiasme croissants: son chapitre sur Newton est le plus beau du volume, et peut-être de toute son oeuvre littéraire.
En 1869, Bertrand publia un nouveau volume, intitulé: l'Académie des Sciences et les Académiciens de 1666 à 1793; volume très intéressant, mais d'un caractère moins général que les Fondateurs de l'Astronomie. Il ne s'agit pas en réalité dans cet ouvrage de l'histoire complète des sciences en France au dix-huitième siècle, comme le titre semblerait le promettre. L'auteur déclare tout d'abord dans sa préface qu'il n'a pas entrepris une tache si vaste et si difficile: ce qu'il expose avec sa clarté ordinaire, c'est l'organisation de l'ancienne Académie, les changements qui l'ont portée, dès le temps de Louis XV, de seize membres à cinquante, coordonnés par une hiérarchie systématique. Il y joint quelques-uns des traits les plus frappants de la vie et du caractère des principaux de ses membres, sans oublier que le mot biographie n'est pas synonyme d'éloge, c'est-à-dire en y mêlant quelques-uns de ces traits fins et spirituels qui devaient prendre par la suite une importance majeure dans son oeuvre littéraire. Il relève entre autres cette idée étrange des premiers organisateurs de l'Académie que, pour atteindre la perfection dans une partie, il suffit de la faire exécuter par
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