sa place dans la science par des découvertes originales; il était élu en 1856, à l'age de trente-quatre ans, membre de l'Académie des sciences, en remplacement de Sturm: il fut nommé la même année que son beau-frère Hermitte. Il devint successivement professeur à l'école polytechnique en 1856 et au Collège de France en 1862, puis correspondant et associé d'une multitude d'académies et sociétés scientifiques étrangères. En 1874, il succéda à élie de Beaumont comme secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences; en 1884, il rempla?a Dumas à l'Académie fran?aise.
On voit que sa carrière publique fut rapide et heureuse, sans grandes péripéties. Le succès en était légitime, car son oeuvre est considérable, tant au point de vue scientifique qu'au point de vue littéraire. Le moment est venu de résumer cette oeuvre avant de parler de l'homme privé, de son caractère et de l'influence qu'il a exercée autour de lui.
Le mérite d'un membre de l'Académie fran?aise consiste essentiellement dans ses créations littéraires; mais celui d'un membre de l'Académie des sciences est d'un ordre différent. Malgré le mot de Buffon: ?Le style, c'est l'homme même?, le plus puissant génie scientifique peut être un littérateur médiocre; j'en trouverais plus d'un exemple parmi les savants que nous avons connus. Mais tel n'était pas le cas de Bertrand; il avait des titres acceptés de tous, dans l'ordre littéraire comme dans l'ordre scientifique.
Commen?ons par ces derniers; ce sont les titres qui ont fait sa gloire: mais on ne saurait en exposer ici tout le détail. Ils se sont manifestés sous trois formes: mémoires originaux, enseignement personnel au Collège de France, livres destinés: les uns, à développer les grandes théories des mathématiques pures et de la physique mathématique; les autres, consacrés à l'enseignement élémentaire. Le premier de ces mémoires originaux date de 1843: il fut l'objet d'un rapport favorable adopté par l'Académie des sciences. Bertrand avait alors vingt et un ans. Puis se succédèrent des recherches géniales, dont je ne puis énoncer ici que les sujets. Surfaces isothermes et orthogonales, théorèmes relatifs à l'intégrabilité des fonctions différentielles, à la similitude en mécanique, au calcul des variations, au calcul des probabilités et aux propriétés des intégrales des problèmes de la mécanique, etc.; on voit qu'ils touchent aux branches fondamentales de l'analyse. Ses cours au Collège de France étaient par destination consacrés aux plus hautes questions de la physique mathématique: ils ont laissé des traces profondes dans l'esprit des auditeurs volontaires auxquels de telles questions sont accessibles. Trois de ces cours, consacrés à la thermodynamique, à l'électricité, au calcul des probabilités, ont été imprimés par J. Bertrand sous une forme définitive; je citerai surtout le premier. A l'instar des mathématiciens les plus distingués, il a consacré un volume publié en 1887 à la thermodynamique. De l'aveu unanime, c'est un des traités les mieux faits, et les plus solides, sur cette science, créée de notre temps. Il avait aussi entrepris un grand ouvrage d'ensemble sur les calculs différentiel et intégral, ouvrage qu'il s'est complu à composer pendant les années de son age m?r. Les deux premiers volumes seuls, très remarqués, ont été imprimés: le troisième était prêt en manuscrit, lors du siège de Paris en 1870, après une longue élaboration. Sa perte n'a peut-être pas été l'un des moindres parmi les désastres de l'année terrible. En effet, il fut br?lé par les incendiaires de la Commune, avec l'appartement et la maison de Bertrand, située rue de Rivoli, au voisinage de l'H?tel de ville. Bertrand supporta ce malheur avec une douleur sto?que, mais il ne recommen?a jamais son travail.
Quoi qu'il en soit, l'ensemble de l'oeuvre scientifique de Bertrand: mémoires originaux, le?ons du Collège de France et traités élémentaires, présente certains caractères généraux, communs à tous ses travaux. Ils se distinguent par la netteté et la concision du style, la solidité des preuves, la fécondité des aper?us. Bertrand n'avait pas suivi en vain les le?ons de son oncle Duhamel, célèbre par la précision un peu sèche de ses démonstrations, dont la certitude rivalise avec celle des géomètres grecs. La rigueur varie avec les temps et les conceptions, même dans le domaine du calcul: le jour n'est plus où l'on se contentait, en analyse mathématique,--plus d'un homme célèbre l'a fait au dix-huitième siècle, --d'invoquer les analogies et la généralité de l'algèbre. Ce genre de preuves, emprunté à la critique historique, est fallacieux en algèbre et en géométrie. Le doute de notre époque est même remonté plus haut: le caractère relatif de ces vérités, que l'on regardait autrefois comme des axiomes en géométrie, a été mis en évidence par les discussions relatives à la théorie des parallèles et à la géométrie non euclidienne. Les énoncés fondamentaux qui servent de base à la mécanique rationnelle ont été atteints plus gravement encore par le même scepticisme logique; on s'accorde aujourd'hui à les envisager comme empiriques: ce qui n'enlève
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