Rouge mémoire, poésie | Page 4

Huguette Bertrand
à n'en plus finir
faut-il croire que l'hiver peut incendier l'amour
sur une chair de poule

durant une sieste longue comme le jour
faut-il croire que le nombril est un trou
inventé par la vie
où
prolifèrent les pensées du jour
et les bleus en fleurs
visions sorties
tout droit de nos croyances

RAILS
Avez-vous vu le grand train bleu
passer sur l'onde
une fumée
électrique entre les jambes
des passagers clandestins
leurs visages
découpés
dans une feuille de papier
regards d'acier aussitôt essuyés

par les vagues abouties
c'était à cause du rêve
ou peut-être de la mer
enroulée entre nos
yeux

DEUX FOIS PLUTÔT QU'UNE
Il était une fois une femme
en dehors du paysage
peut-être même
deux fois
on ne sait plus
mais ça n'a pas d'importance
puisqu'elle
était là sans y être
si vous ne la voyez pas
on vous traitera d'incroyants
parce que vous
n'avez pas vu
ce qu'on tentait de vous montrer
sans trop y croire

IMPASSE
Le rêve n'était pas au rendez-vous
il s'est excusé très poliment
n'est

pas venu nous rencontrer
tel que prévu
avait à faire ailleurs

n'importe où
n'importe quand
à cheval sur ses principes
il filait à vive allure
sur les dalles d'un
imaginaire
mais hélas a trébuché
s'est cassé la gueule sur le futur

lié à l'intimité des pierres
sa réalité

VUE D'ENSEMBLE
La vie bohème
la vie je t'aime
la vie des petites semaines
la vie
qui apprend à vivre
étalée de tout son long
sur les espaces perdus

au bout des cris anatomiques en mouvement
quand le silence
en
otage
vient surprendre la mort
amoureusement

EMPRISE
Si lourds sont les rêves
qu'il faut lécher la nuit
ses torrents
ses
clairs-obscurs
et marcher pieds nus
sur des étoiles
jusqu'à la
naissance de l'aube
le jour respire la lumière
le sommeil des enfants
et les émotions

étalées sur une petite table inerte
en attendant le retour de la sève

d'un printemps bien coiffé
et toujours l'emprise du feu sous nos
ongles

MYSTÈRE
Quand l'amour fait l'amour
que la mort fait la mort
il est temps
d'appeler un mystère
comme un cri partagé
entre l'aurore
et la
liberté des yeux
pour que naissent des mots
de toutes grandeurs

des rêves incandescents sur le monde
sur la peur du monde
sur le

monde vivant au creux du monde
esclave des mythes
jetés sur ses
épaules

TOUR À TOUR
Les yeux font un tour de table
en une seconde
pour mieux suivre

le sens de la lumière
sur la peau
des yeux insolents sur les plis d'une vieille peau
des yeux solaires
autour du cou
ils rôdent autour de la nuit
leurs sourires perpétuels

dans l'indiscrétion des vêtements
au réveil
les yeux font un tour de taille
et puis s'en vont

ÉVASION
Pourquoi noyer nos blessures
au fond d'une baignoire
quand au
dehors
il y a pire
le dégoût des fièvres
les plaintes de l'aube
sans
parler du temps qu'il fait
à travers les muscles
et la pédale douce de
nos réveils
dormons
dormons pendant qu'il est encore temps
car le vent se lève

du bout des lèvres
et nous devrons explorer des placards
minuscules
qui sentent bon la terre
sans parler de nos frères
au
prochain chapitre
le temps se perd
dans la luxure des cimetières

INSOLENCE
De malheureuses feuilles
tombent des nues
en vociférant des injures

à l'automne

le feu au coeur
les arbres demeurent
muets

INFORTUNE
En toute froidure
il est permis d'allumer des feux
pour faire fondre
les mots
bus à même la tendresse
et les idées qu'on se fait
de
l'empreinte du soleil
sur la séduction
comme un appui au printemps
en attendant
l'amour
essoufflé
essuie ses larmes
en secret

FAILLITE
L'hiver
de ses deux yeux de glace
nous observe
nous

empourprés de désirs gelés
sous un manteau de métal
nos traits
dans les nuages
effrayés
par le fouet de nos vengeances
par le
goût du vide sur la peau
s'éternise la vie
au pied du ciel
en faillite

SYNCHRONISME
Les nuits sont rouges
comme une masse de soleil fondu
paresseusement
le lit dévore les multiples visages
de satin rose

que le jour a saccagés
le flot des corps s'épuise
sur le sable fin
des nuits endormies
la lumière secoue ses ailes
et nous nous réveillons tous
en même
temps

ROUGE MÉMOIRE
Les dieux ont enfilé leurs sous-vêtements de laine
pour se protéger de
la raideur de nos corps
du givre de nos mémoires
et du pôle nord
à travers le cristal de nos épouvantes
ils ont rêvé d'un chaud duvet

plus doux que le coeur
plus moelleux qu'un ventre
plus délirant que
le désir
d'être
dans le silence d'un baiser d'oiseau
une éternité d'hommes
marqués au fer rouge

IMMOBILITÉ
Un point minuscule s'estompe
entre les formes imprécises des gestes

la lune boit la nuit à plein verre
dehors il a encore neigé
comme
au premier jour
et le ciel s'est moqué de nous
parce que nos mains
se sont entendues avec le vent
pour distraire les oiseaux
jusqu'à
l'égalité des pierres
le silence croise les mots
puis s'immobilise

DORMIR À PEINE
Quand l'innocence se fait jour
les fleurs poussent des cris de couleurs
il faut dormir sur la mousse
comme des psaumes
pour affronter les
plus hauts feuillages
mirage bleu
sous un ciel trop vert
le monde est dépeuplé
sortir de sa vie
comme on sort de son lit
sans bavure

GRISAILLE
Gris et silencieux
le ciment luit
entre les voix imperceptibles des
voisins
que le vent perpétue sur les toits
rite des douleurs

glorioles du jet-set
temples et rythmes dans l'ombre mortelle
de nos
pas
le coeur ne répond plus

À FORCE DE CRIS
Une neige douce transparente
tombe
sur la nuit
elle tombe
il neige des transparences
sur des cris trop morts
précieusement
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