encore folle, n'est-ce pas, ni imb��cile, pour recevoir des conseils de mes enfants.
--Allons, voisine..., interrompit mon p��re.
--Et vous aussi, vieux _Sans-Souci_, qui avez toujours la pipe �� la bouche et qui avez fait mourir votre femme de chagrin, faut-il encore que vous veniez vous m��ler des affaires de tout le monde? C'est assez d'avoir renvers�� votre soupe, voyez-vous; il ne faut pas venir encore cracher dans celle des autres. Ce n'est pas parce que nous ne sommes plus riches comme auparavant qu'il faut croire que vous me ferez la loi. Pauvret�� n'est pas vice, voyez-vous, vieux _Sans-Souci_, et les Bernard ont toujours eu la t��te pr��s du bonnet; et il ne faut pas croire qu'il n'y a qu'une fille ici et que Bernard n'en trouverait pas d'autre �� ��pouser: car, pour les filles, nous en avons, Dieu merci, par douzaines, et, toute br?l��e qu'est ma maison, Bernard n'est pas encore un parti �� d��daigner, et je connais des filles d'huissier qui s'en l��cheraient les doigts bien volontiers; mais il n'est pas fait pour leur nez.?
A ces mots, mon p��re se mit �� bourrer tranquillement sa pipe en faisant signe du coin de l'oeil au p��re Bernard.
?Oui, oui, j'entends bien vos signes, vieux sans-coeur, vieux _Sans-Souci_, dit-elle. Vous avez l'air de dire �� Bernard: Laisse couler l'eau, ou: Autant en emporte le vent, car vous vous entendez tous entre hommes comme larrons en foire. Au lieu de pleurer comme moi mon pauvre Bernard et de le tirer d'embarras et du service militaire, vous fumez l�� vos pipes comme des va-nu-pieds. Eh bien! c'est moi qui le sauverai, moi, sa m��re.
--Comment? dit le vieux Bernard.
--J'irai chez le maire, j'irai chez le sous-pr��fet, j'irai chez le pr��fet, chez le g��n��ral, s'il le faut, mais je ne laisserai pas emmener mon enfant, car ils vont me l'emmener et me le faire tuer en Afrique, pour s?r.
--Va! dit le p��re.
--Oui, va, c'est bient?t dit. Et comment veux-tu que j'aille? Est-ce que je les connais, moi, ces gens-l�� et ces seigneurs? Mais tu me laisses toujours la besogne sur le dos, grand fain��ant, et tu engraisses l�� au coin du feu, les mains dans les poches, pendant que je trotte et que je cours par les chemins, sous la pluie, le vent et la neige; cherchant le pain de la famille.
--Alors n'y va pas, reprit le vieux Bernard.
--Oui, n'y va pas! Et si je n'y vais pas, qui donc ira? Est-ce toi, vieille poule mouill��e, homme de carton, boeuf au paturage? Et tu auras le coeur et le front de laisser partir notre enfant, notre dernier enfant, le seul qui nous soit rest�� de quatre que j'ai nourris! Pauvre Bernard, pauvre ami, soutien de ma vieillesse, qui donc t'aimera, puisque ton p��re te jette l�� au coin de la borne comme une vieille casquette??
Les deux hommes se lev��rent et all��rent s'asseoir sur un banc devant la porte pour fumer tranquillement leurs pipes; mais leur tranquillit�� ne fit qu'irriter davantage la pauvre femme, qui se mit �� dire que tout le monde l'abandonnait, qu'elle le voyait bien, qu'on ne lui parlait m��me plus, qu'elle ��tait bonne �� porter en terre, que le plus t?t serait le meilleur, et qui, finalement, fondit en larmes et embrassa Bernard en sanglotant pendant plus d'une heure.
A ce moment, les forces lui manqu��rent. Elle se jeta sur son lit et s'endormit. C'��tait le moment que nous attendions, Bernard et moi, sans nous le dire. Nos p��res ��taient rentr��s et s'��taient couch��s aussi; car le chagrin m��me ne pouvait pas leur faire oublier le travail du lendemain, et les pauvres gens, par bonheur, ont trop d'affaires pour se lamenter ��ternellement, comme ceux qui ont des rentes et du loisir.
Je menai Bernard dans ma chambre. Il s'assit sur la table et moi sur une chaise �� c?t�� de lui. Si vous trouvez, madame, que c'��tait une d��marche bien hardie, il faut penser que cette entrevue ��tait la derni��re, que nous ne devions pas nous retrouver avant sept ans, que nous avions mille choses �� nous dire pour lesquelles il ne fallait pas de t��moin, et qu'enfin je lui avais, par malheur, donn�� des droits sur moi. Au reste, il n'��tait pas dispos�� �� en abuser ce soir-l��, car nous nous sentions tous deux le coeur serr��, et nous retenions �� peine nos larmes.
?Rose, ma ch��re Rose, me dit-il d��s que nous f?mes assis, c'est la derni��re fois que je te parle, il ne faut pas que tu me caches rien. M'aimes-tu comme je t'aime et comme je t'aimerai toujours? M'aimes-tu assez pour attendre mon retour sans inqui��tude, et de me jurer de ne pas te marier et de n'��couter les discours de personne pendant tout ce long temps? Dis, m'aimes-tu assez pour cela??
Tout en parlant il serrait mes mains dans les siennes avec une
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