commune, le maire en t��te, se mit en branle, et commen?a �� faire un tel vacarme qu'on n'entendait pas le son des cloches qui appelaient les paroissiens �� v��pres.
Pour moi, je dansais de mon mieux avec Bernard sans que personne s'occupat de nous, tant le tumulte et les cris de joie emp��chaient de rien remarquer.
Quant au p��re de Bernard, il ��tait d'une gaiet�� folle; le vin et la danse avaient r��joui sa vieillesse, il parlait de ses petits-enfants et chantait des chansons �� boire. Enfin la nuit vint, et nous retournames �� la ville.
Comme nous arrivions, nous v?mes une grande flamme s'��lever au-dessus du faubourg. C'��tait la maison de Bernard qui br?lait. Sa m��re, rest��e seule et infirme, avait, sans y penser, mis le feu aux rideaux de son lit. On l'avait sauv��e �� grand'peine. La rivi��re ��tait loin, on n'eut pas d'eau pour l'incendie, et la maison fut br?l��e tout enti��re sans qu'on put en retirer une chaise.
?Allons, dit le p��re Bernard, plus de maison, plus d'hypoth��que; plus d'hypoth��que, plus d'argent; plus d'argent, plus de rempla?ant, plus de Bernard. Mes enfants, il faut vous s��parer, Bernard partira dans dix jours. Ma pauvre Rose, vos amours sont finies pour l'��ternit��, �� moins que vous n'attendiez ce gar?on pendant sept ans; et sept ans, croyez-moi, c'est beaucoup.?
Bernard ne dit pas un mot: on aurait cru que le tonnerre venait de tomber sur sa t��te. Pour moi, je me sauvai dans ma chambre, et je pleurai toute la nuit.
Le vieux _Sans-Souci_, qui s'inqui��tait d'entendre mes sanglots �� travers la cloison, se leva au milieu de la nuit et m'embrassa en disant:
?Pauvre Rose!?
Il ��tait loin de conna?tre tout mon malheur! H��las! madame, �� l'insu de nos parents, nous ��tions d��j�� mari��s devant Dieu, et, depuis quelques jours, je n'avais plus rien �� refuser �� Bernard.
IV
Jusque-l��, madame, je n'avais jamais eu l'ombre d'un regret ni d'un remords. A partir de cette fatale journ��e, je n'eus pas un moment de repos int��rieur. Je voyais mon bonheur d��truit, mon mari perdu, et, ce qui ��tait pire encore, je n'avais m��me pas la consolation d'une bonne conscience. Ma vie ��tait gat��e, je le voyais, je le sentais, et quoique personne ne le s?t, except�� Bernard, je n'osais lever les yeux sur personne; il me semblait qu'on y aurait lu ce que je voulais me cacher �� moi-m��me. Enfin, je commen?ai �� avoir honte de moi-m��me. Avoir honte, madame, n'est-ce pas le pire tourment qu'on puisse souffrir en ce monde?
Cette douleur ��tait d'autant plus vive que Bernard, son p��re et sa m��re ��tant sans asile �� cause de l'incendie de leur maison, furent oblig��s de venir habiter pendant quelque temps dans celle de mon p��re, et que je me trouvai tous les jours, matin et soir, en face de Bernard. Moi, si vive autrefois, si gaie, je me sentais triste �� tout moment et je ne disais pas trois paroles par jour. Mon p��re lui-m��me finit par s'en ��tonner et par en chercher la cause, car il voyait bien qu'il y avait au fond de ce silence quelque chose de plus que la tristesse de voir partir Bernard. Il me fit plusieurs questions, mais je n'osai r��pondre, je n'osai surtout lui dire la v��rit��. Et d'ailleurs, quel rem��de?
Ce qui vous ��tonnera peut-��tre, c'est que Bernard lui-m��me paraissait presque aussi confus que moi de la faute que nous avions commise. Soit qu'il commen?at d'en craindre les suites, soit qu'il devinat ma tristesse et ma honte et qu'il se reprochat d'en ��tre cause, soit enfin qu'il f?t enti��rement occup�� de l'id��e de partir et de me quitter peut-��tre pour toujours, il reprit avec moi le ton et les mani��res d'un fr��re, comme auparavant.
Enfin, il re?ut l'ordre de partir et de rejoindre son r��giment. Cette nouvelle, que nous attendions tous les jours, fut cependant pour nous comme le coup de la mort. Sa vieille m��re poussait des cris d��chirants:
?Ah! malheureuse! disait-elle, c'est moi qui l'��gorge et qui le tue! C'est moi qui ai br?l�� la maison, c'est moi qui envoie mon fils �� la mort!?
Et s'adressant �� son mari:
?C'est ta faute aussi vieux fou, vieux propre �� rien, qui ne penses tout le long du jour qu'�� boire, manger, dormir et te promener! Tu avais bien besoin d'inventer cette promenade de Saint-Sulpice et ces d?ners, et de courir les cabarets, et de vider les bouteilles, et de danser comme un pantin, �� ton age! Quand on pense qu'il a cinquante-cinq ans, l'age de Mathusalem, et que monsieur veut encore danser dans les pr��s avec toutes les filles du canton! Sans-coeur, va!
--Ma femme, dit le vieux Bernard, je n'ai que cinquante-trois ans.
--Cinquante-trois ou soixante-dix, n'est-ce pas la m��me chose, vieux sans cervelle, vieux mange-tout!
--Eh! pauvre m��re! dit Bernard.
--Tais-toi, dit-elle, ce n'est pas �� toi de m'apprendre �� parler. Je ne suis pas
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