Rose dAmour | Page 9

Alfred Assollant
force et une tendresse extraordinaires.
?Oui, je t'aime assez pour t'aimer ��ternellement, dis-je �� mon tour.
--Pense, reprit-il, que j'ai vingt ans aujourd'hui, et que j'en aurai vingt-sept et toi vingt-quatre �� mon retour. Pense que ce temps est bien long, qu'il viendra peut-��tre beaucoup de gens pour te regarder dans les yeux, pour te dire que tu es belle, que je suis loin et que je ne reviendrai jamais; pense...
--J'ai pens�� �� tout, lui dis-je. Mais toi, veux-tu jurer de m'��tre toujours fid��le, d'avoir en moi une confiance enti��re, non pas seulement aujourd'hui, ni demain, mais tous les jours de l'ann��e, et dans deux ans, et dans dix ans, et durant la vie enti��re? Veux-tu jurer de ne croire personne avant moi, quelque chose qu'on puisse te dire de ma conduite, quelque parole qu'on puisse te rapporter?
--Je le jure!
--Pense �� ton tour qu'il est bien facile de dire du mal d'une honn��te fille, qu'il ne faut qu'un mot d'une mauvaise langue et qu'un mensonge pour la d��shonorer, qu'il se fait bien des histoires dans le pays et qu'on pourra me mettre dans quelqu'une de ces histoires. Es-tu bien r��solu et d��termin�� �� n'��couter rien de ce qu'on pourra te dire contre moi, �� moins que tu ne l'aies vu de tes deux yeux; et veux-tu jurer, si l'on te fait quelque rapport, quand ce rapport viendrait de ton p��re ou de ta m��re, ou des personnes que tu respectes le plus, de me le dire �� moi avant toute chose, afin que je puisse me justifier et confondre le mensonge?
--Je le jure! Et maintenant, Rose, nous sommes mari��s pour la vie. Prends cet anneau d'or que j'ai achet�� aujourd'hui pour toi; et si je manque �� mon serment, que je meure!?.
Je ne r��p��terai pas, madame, le reste de notre conversation. Nos parents m��mes auraient pu l'��couter sans nous faire rougir, et Bernard ��vita avec soin tout ce qui aurait pu me rappeler la faute que nous avions commise. Moi-m��me je n'osai y faire la moindre allusion, par un sentiment de pudeur que vous comprendrez ais��ment. H��las! il ��tait bien tard pour me garder.
Le lendemain, Bernard partit avec les conscrits de sa classe et alla rejoindre son r��giment.
D��s qu'il fut parti, je me trouvai seule comme dans un d��sert. Je sentais que mes vrais malheurs allaient commencer.

V
Cependant, comme apr��s tout il faut vivre, et comme les pauvres gens ne vivent pas sans manger, et comme ils ne mangent pas sans travailler, et comme il fait froid en hiver, ce qui oblige d'avoir des robes de laine, et chaud en ��t��, ce qui oblige d'avoir des robes de coton, et comme les robes de laine co?tent fort cher, et comme on ne donne pas pour rien les robes de coton, je me remis �� travailler comme �� l'ordinaire, d��s le lendemain du d��part de Bernard.
Ce ne fut pas sans une am��re tristesse. Bien souvent je baissais la t��te sur mon ouvrage, et je m'arr��tais �� r��ver de l'absent, et �� me rappeler les derni��res paroles qu'il m'avait dites et les derniers regards qu'il m'avait jet��s en partant le sac sur le dos; mais le contre-ma?tre de l'atelier ne tardait pas �� me r��veiller, et je reprenais mon travail avec ardeur.
Car il faut vous dire, madame, que je travaillais dans un atelier avec trente ou quarante ouvri��res. Chacune de nous avait son m��tier et gagnait �� peu pr��s soixante-quinze centimes. Pour une femme, et dans ce pays, c'est beaucoup; car les femmes, comme vous savez, sont toujours fort mal pay��es, et on ne leur confie gu��re que des ouvrages qui demandent de la patience.
Quinze sous par jour! pensez, madame, si nous avions de quoi mener les violons; encore faut-il excepter les dimanches, o�� l'on ne travaille pas, les jours de march��, o�� l'on ne travaille gu��re, et les jours o�� l'ouvrage manque, ce qui arrive au moins trois semaines par an. Quand nous avons pay�� le propri��taire, le boulanger, le beurre, les l��gumes et les pauvres habits que nous avons sur le corps, jugez s'il nous reste grand'chose et si nous pouvons faire bombance.
Et ce n'est rien encore quand on vit seule ou qu'on n'a pas des enfants �� ��lever et des parents infirmes �� soutenir; mais s'il faut ��lever les enfants (et peut-on les laisser seuls avant l'age de douze ans?) et travailler en m��me temps, l'argent du m��nage sort presque tout entier de la poche du mari.
Pour moi, qui n'avais ni parents �� soutenir, puisque mon p��re ��tait encore droit et vigoureux, ni enfants �� ��lever, je me trouvais encore l'une des plus riches et des plus favoris��es de l'atelier. Quoique la besogne que nous faisions ne f?t pas des plus propres, et que parmi la laine et la poussi��re il y e?t bien des occasions de se salir, je savais m'en
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