Rimes familières | Page 5

Camille Saint-Saëns
pas br?lé des diaboliques flammes,
Se contentent des Cieux!
L'Homme règne en vainqueur sur la Terre sublime.?Il vit: les Dieux sont morts ou se taisent, lassés:?Son front touche le ciel, son pied fouille l'ab?me:
Lui seul, et c'est assez.
SONNETS
CHARLES GOUNOD
Son art a la douceur, le ton des vieux pastels.?Toujours il adora vos voluptés bénies,?Cloches saintes, concert des orgues, purs autels:?De son oeil clair il voit les beautés infinies.
Sur la lyre d'ivoire, avec les Polymnies,?Il dit l'hymne pa?en, cher aux Dieux immortels.??Faust? qui met dans sa main le sceptre des génies?égale les Juans, les Raouls et les Tells.
De Shakspeare et de Goethe il dore l'auréole;?Sa voix a rehaussé l'éclat de leur parole:?Leur oeuvre de sa flamme a gardé le reflet.
échos du mont Olympe, échos du Paraclet?Sont redits par sa Muse aux langueurs de créole:?Telle vibre à tous vents une harpe d'éole.
à M. HENRI SECOND
Réponse à son sonnet?_Peines d'amour perdues._
Si nous nions le jour pour la lueur fugace,?C'est que depuis l'aurore on égare nos pas,?Avec un soin jaloux nous dérobant la trace?Du droit chemin, qu'hélas! nous ne connaissons pas.
Le poison du mensonge a nourri notre race,?Le venin dans la coupe abreuve nos repas:?En nos veines il coule et du sang prend la place;?Le pain de vérité nous donne le trépas.
L'esprit faussé depuis la première jeunesse,?Comment go?terions-nous les vrais biens? notre coeur?A senti du Serpent la trompeuse caresse;
Il prend pour l'Idéal une impossible ivresse,?Méprisant la Nature et le simple bonheur:?Le Vrai voile sa face et le Faux est vainqueur.
à M. GEORGES AUDIGIER
Non, _loin des yeux_ n'est pas _loin du coeur_! le contraire Pour les ames d'élite est plut?t vérité.?Quand d'amis sérieux il s'est fait une paire,?L'un ne trahit pas l'autre après l'avoir quitté.
L'éloignement détruit l'amitié du Vulgaire?Pour qui coule toujours l'eau du fleuve Léthé;?C'est un sable mouvant: Bien fol et téméraire?Qui se fierait jamais à sa solidité!
à nous qui caressons la divine chimère?Et dont les hauts pensers se rencontrent aux cieux,?Que font en plus, en moins, quelques pas sur la terre?
Loin de l'Antiquité, nous adorons ses dieux,?Nous chérissons Virgile et vénérons Homère;?Désirant nous revoir nous nous aimerons mieux.
à M. R. DE LA B***
En Espagne, mais loin du Tage?Quand je me promène en chantant,?Avez-vous retrouvé Carthage?Aussi belle qu'en la quittant?
Vous êtes fidèle à l'image?D'un passé bien vague pourtant.?Vous accuser d'être volage?Serait un mensonge éclatant.
Jeune homme, vous êtes un sage!?Vous ne suivez pas le mirage?D'un prisme mobile et changeant:
Vous marchez droit, avec courage,?Guidé par le pas diligent?De Minerve au casque d'argent.
CADIX
Blanche, verte et rosée,?Ignorante des maux,?Cadix, perle irisée?Dans le reflet des eaux,
Par la chaleur lassée?Préfère aux durs travaux?Du corps, de la pensée,?Les courses de taureaux.
La baie immense creuse?Sa coupe radieuse?Pleine d'azur subtil;
Cadix, joie et délice,?De l'énorme calice?Est l'éclatant pistil.
LE FOUJI-YAMA
La solitude sied à l'ame endolorie?Lasse de tout plaisir et veuve du bonheur?Qui n'a plus rien à craindre et se sent aguerrie?Contre l'apre destin par l'excès du malheur.
Vous qui souffrez et qui pleurez, n'ayez pas peur?D'être seuls; de vos maux il se peut que l'on rie?Si vous vous asseyez près du joyeux viveur,?Et la foule banale est aux lieux où l'on prie.
Ce mont fut un volcan: le temps l'a dévasté,?Il est éteint. Les jours sont passés, où la lave?Le long de ses beaux flancs ruisselait comme un gave.
Maintenant revêtu d'immortelle beauté,?Seul dans le ciel, géant de neige à l'aspect grave,?Il n'est plus que silence et qu'immobilité.
POéSIES DIVERSES
ADIEU
_à M. Louis Gallet._
Je pars. Le vaisseau superbe?Qui m'emportera demain?Comme un sanglier dans l'herbe?Dort, puissant, calme et hautain.?Trouverai-je la tempête??Le cyclone, cet enfer??Qu'importe! c'est une fête?De s'évader sur la mer.?Je vais dans une ?le verte?Que couronnent les volcans;?Cette ?le n'est pas déserte:?On y vit plus de cent ans.?Là sont des plantes énormes,?Des feuillages d'ornement.?Vous m'attendrez sous les ormes?En disant: quel garnement!?Les succès et les déboires?Des artistes du moment,?Les batailles oratoires?Des membres du Parlement,?L'Opéra, temple des gloires?Et des ennuis mêmement,?Je vous laisse ces histoires:?Jouissez-en largement!?Moi, j'aurai pour nourriture?De mon ame et de mon coeur?Le calme de la Nature,?L'oubli, père du bonheur!?Ce sont voluptés réelles;?Et je m'embarquerai sur?Les triomphantes nacelles,?Bercé par la mer d'azur?Où les poissons ont des ailes!
EN ESPAGNE
Guitares et mandolines?Ont des sons qui font aimer.?Tout en croquant des pralines?Pépa se laisser charmer?Quand jetant dièzes, bécarres,?Mandolines et guitares?Vibrent pour la désarmer.
Mandoline avec guitare?Accompagnent de leur bruit?Les amants suivant le phare?De la beauté dans la nuit;?Et Juana montre, féline,?(Guitare avec mandoline)?Sa bouche et son oeil qui luit.
LE JAPON
_à Madame Judith Gautier_
Rêve de laque et d'or, le Japon merveilleux,?Planète inaccessible, étonnement des yeux,?Brillait là-bas. Ce qu'il accomplissait naguère,?Aucun peuple n'a su ni ne saura le faire;?C'était surnaturel à force d'être exquis;?Son génie éclatait dans le moindre croquis.?Il avait sa fa?on de comprendre les choses;?Les oiseaux, les poissons, l'arbre, les lotus roses.?La lune même, avaient des aspects inconnus?Dans son art fantastique et vrai pourtant. Corps nus,?Ou vêtus comme nul n'est vêtu sur la terre,?Les Japonais vivaient ga?ment et sans mystère?Dans leurs maisons de bois aux cloisons de
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