pots de chambre aux beuveurs.
XIV. Angrimus Jonas traite cete raillerie d'imposture, & s'emporte avec
colere contre Blefkenius, pour l'outrage qu'il dit avoir fait à l'honneur
des filles Islandoises. Le bon homme ne peut soufrir, qu'on parle avec
mespris de ses compatriotes, & qu'on les traite de barbares. Sur tout, là
où le mesme Blefkenius dit, que les Islandois se gargarisent tous les
matins de leur urine, & s'en frotent les dents. Catulle a dit la mesme
chose des Celtiberes.
Nunc Celtiber in Celtiberiâ terrâ, Quod quisque minxit, hoc sibi solet
mane Dentem, & russam defricare gingivam.
Pour vous dire, Monsieur, ce que j'en pànse. Je croy que les Islandois
ne sont pas maintenant si sauvages qu'il ont esté. Mais il est à
presumer que des peuples si esloignez des climâs tàmperez, ne sont pas
des plus polis, ni des plus raisonnables du monde. Je parle pour le
commun, dans lequel je ne compràns pas les honnestes gens qui y
peuvent estre, & qui y sont sans doute. Car il y a par tout des honnestes
gens. Et il n'y a pour cela de la differànce, que du plus au moins.
XV. Blefkenius dit, que les Islandois ont des Esprits familiers. Que ces
Esprits les servent comme des valets, & les avertissent la nuit, quand il
fait bon le làndemain aler à la chasse, ou à la pesche. Ortelius va plus
avant, & nous aprànd, que les Islandois apelent cete sorte de Demons:
Drollos. Ce qui a du raport à ce que Troll, en Danois, est un Diable en
françois; Et me persuade que ce que l'on apele en France un bon drole,
est mesme chose qu'un bon Diable, en Islandois, & en Danois.
Blefkenius dit aussi, que les mesmes Islandois vàndent le vànt, &
l'asseure, comme l'ayant, à ce qu'il dit, experimànté. De quoy le bon
Angrimus se moque plaisamment. Car il dit, que le Matelot Islandois
connoît le soir par la disposition de l'air, quel temps, & quel vànt il
fera le làndemain; Et que quand il conjecture qu'il doit faire le vànt
que l'Estranger atànd pour partir, il le va trouver, & s'engage de luy
vàndre ce vànt. Ce qu'il fait de cete sorte. Il demànde à l'Estranger son
mouchoir, dans lequel il fait sàmblant de murmurer quelques paroles;
& noüe promptement le mouchoir, comme de peur que les paroles qu'il
a prononcées ne s'envolent. Il luy rànd apres cela son mouchoir noüé,
& luy recommande de le garder tel qu'il le reçoit avec grand soin:
l'asseurant qu'il aura le vànt bon, durant tout son voyage. Or il arrive
quelque fois, que ce vànt soufle le làndemain. Mais le plus souvent ce
mesme vànt change apres que l'Estranger est party, & qu'il est engagé
en pleine mer. Ou s'il est assailly de quelque tàmpeste, comme il arrive
bien souvent aussi, l'Estranger se trouve fort ambarassé des Diables
qu'il croit porter dans sa poche: Car il n'ose les jeter dans la mer, &
fait consciànce de les garder. Que si, dit Angrimus, il est arrivé de cent
fois une, que le vànt ait conduit l'Estranger là où il devoit aler; cete
seule fois autorise l'erreur contre cent autres experiànces contraires.
Et l'erreur se respànd par celuy qui dit hardiment, parce qu'il le croit
ainsi, qu'il a acheté le vànt en Islande, & que ce vànt l'a mené à bon
port chez luy.
XVI. Quoy que ces sortes de contes ne fassent aucune impression sur
des Esprits raisonnables, ils ne laissent pas d'estre divertissâns. Et il y
a du plaisir d'entàndre ce que l'on en dit, & ce que l'on en croit. Car on
ne le diroit pas, si on ne le croyoit. Blefkenius raconte, qu'il y a des
Magiciens en Islande, qui ont le pouvoir d'arrester en pléne mer, des
vaisseaux qui vont à plénes voiles. Il narre aussi, que ceux qui sont
arrestez, se servent pour contrecharme, de certaines sufumigations
puantes, dont il fait les descriptions; avec lesqueles, dit-il, ceux qui
sont retenus chassent les Demons qui les retiennent; & les vaisseaux
desenchantez reprenent leur cours. Si le charme est bien invànté, le
contre-charme ne l'est pas moins. Revenons à ce qui est de plus serieux
dans l'histoire de l'Islande.
XVII. L'anciéne Islande estoit divisée en quatre Provinces, selon les
quatre parties du monde. Chaque Province estoit divisée en trois
Bailliages, que les Islandois apelent Repes: excepté la Province
Septàntrionale, laquelle comme la plus grande, & la plus importante,
en avoit quatre. Et chaque Bailliage estoit subdivisé en six, sept, huit,
ou dix Judicatures, selon son estàndüe. Chaque Province assàmbloit
ses Bailliages une fois l'année. Et la convocation se faisoit par de
petites croix de bois, que le Gouverneur de la Province envoyoit à ses
Baillifs, que les Baillifs distribuoient à leurs Juges, & que les Juges
faisoient courir
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