Réflexions sur le sort des Noirs dans nos colonies | Page 6

Daniel Lescallier
des Nègres journaliers, ou en possèdent quelquefois en propriété, ne perdroient rien à cette disposition: ils loueroient des affranchis; & l'on ne peut douter que, puisque les Nègres esclaves se louent pour rapporter l'argent qu'ils gagnent à leurs Ma?tres, on ne les louat encore bien plus facilement pour ces travaux & mouvemens, dans l'état de liberté, & lorsque le profit leur appartiendroit en entier. On n'auroit plus d'esclaves pour ces sortes de travaux; ceux qui en ont actuellement les revendroient aux Colons cultivateurs; on réduiroit le nombre des journaliers libres au strict nécessaire; & on ouvriroit par-là une ressource honnête à la race des affranchis Mulatres & Métis.
Ce Ma?on, ce Charpentier, qui (parvenus par le travail de leurs mains & leur industrie à posséder un, deux, ou plusieurs esclaves dont ils forment leurs Atteliers) s'enrichissent & deviennent ensuite d'indolens sybarites, & les égaux de ceux qui n'agueres les tenoient à leurs gages, se retireroient s'ils se trouvoient assez riches, ou loueroient à titre de journaliers des ouvriers pour les assister.
On ne verroit plus, comme par le passé, des ouvriers blancs devenir aussi puissamment riches dans un petit nombre d'années; mais avec des gains moins rapides ils conserveroient mieux leur activité & leur industrie. Il se formeroit des ouvriers excellens parmi les Nègres & gens de couleur; il s'établiroit dans les Villes plusieurs familles aisées d'Artisans & gens de tous métiers; & la population ne pourroit qu'y gagner.
La faculté laissée, à ceux qui ne seroient pas assez riches, de donner la liberté à leurs esclaves domestiques & ouvriers, ou de les revendre aux Habitans cultivateurs, ou de les appliquer eux-mêmes à la culture, empêcheroit que personne ne p?t rien perdre à cette disposition.

TROISIèME MOYEN.
_Affranchissement des Mulatres_.
Si (comme on l'a dit, au moyen précédent) il ne faut des esclaves que dans les habitations, il est bien reconnu que les Mulatres & Métis ne sont jamais, ou presque jamais, des esclaves attachés à la culture: il faudra non-seulement par cette raison, mais encore dans des vues d'une saine politique & d'une juste administration, affranchir toute la race (du moins celle à na?tre) des Mulatres & Métis.
Une des causes qui s'opposent essentiellement à l'accroissement de la population des Noirs dans nos Colonies, c'est le libertinage effréné d'où na?t cette race batarde & vicieuse, déclarée esclave par cet axiome: partus sequitur ventrem.
C'est bien encore ici que la législation des Colonies offre une de ces incohérences si nécessairement résultantes de leur institution: car le Législateur n'ayant eu intention de vouer à l'esclavage que la race noire à cheveux crépus, celle qui sort directement de la c?te d'Afrique, a déclaré libres les Nègres à cheveux longs, & autres Indiens, il a affranchis tous les Mulatres & sang-mêlés provenans de race Indienne; il auroit du, en suivant les mêmes principes, reconno?tre comme libres les Mulatres proprement dits qui sont démontrés physiquement être issus d'un pere libre, quoique la mere soit esclave.
Il arrive, par les dispositions actuelles de cette loi, que l'enfant batard d'une femme Indienne avec un Nègre esclave est déclaré libre, tandis que celui d'un Blanc avec une Négresse est toujours esclave, lorsque sa mère l'est. Il convient de faire cesser cette contradiction: en le faisant on changeroit la maniere d'être toujours vicieuse des Mulatres & Métis dans leur état actuel: car cette caste (qui joint presque généralement aux vices de son origine l'insolence & la paresse occasionnés par une sotte vanité qu'ils tirent de leur issue d'un Blanc) est par-tout peu propre à remplir les devoirs ordinaires des esclaves; & sur-tout aux travaux d'habitations, étant mêlés avec les Noirs. Les inconvéniens de leur institution, leur manque d'éducation, de principes & de moeurs, leur abrutissement & leur libertinage presque sans exception, font que bien rarement on y trouve des sujets utiles, même lorsqu'ils sont parvenus à l'état de liberté.
En déclarant libres les Mulatres à na?tre à l'avenir, le Législateur préviendra par-là en grande partie, le libertinage dont on se plaint; tout Habitant propriétaire d'esclaves, évitera par tous les moyens en son pouvoir que ses femmes esclaves aient fréquentation avec des Blancs, dans la crainte de voir na?tre des enfans qui ne devront plus lui appartenir: il cherchera à encourager les mariages entre Noirs & à augmenter & favoriser sa propre population. Plus de tranquillité & de bon ordre dans les ménages Nègres concourra très-sensiblement à ce but désirable; & si, par suite nécessaire des passions & de la foiblesse humaine, il y a encore, après ce parti pris, des fréquentations de Blancs avec des Négresses, les cas deviendront beaucoup plus rares, les enfans qui en proviendront, devenant par leur état de batards libres, les enfans de l'état, seront instruits & élevés par les soins de l'Administration, à défaut de ceux de leurs pères naturels: ils donneront pour la plupart des sujets aux divers métiers & talens utiles,
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