Quinze Jours en Egypte | Page 7

Fernand Neuray
primitif, qui mourut en 1694, pousse
encore des rameaux verdoyants. C'est un sycomore. Vainqueur de
quatre-vingt mille Turcs à Héliopolis, Kléber y grava son nom de la
pointe de son épée. La tradition remonte au Ve siècle suivant laquelle la
Sainte Famille, ayant gagné l'Égypte après la fureur d'Hérode, se serait
reposée à son ombre. Une source aurait jailli, tout près, pour rafraîchir
l'Enfant. On montre encore la source.
Un peu plus loin, un vieux fellah, robe blanche et turban jaune,

surveille deux boeufs qui tournent comme les chevaux de nos
campagnards au manège. Contemplons une sakieh en travail. Une
longue pièce de bois est attachée au flanc de chaque animal, joignant,
de son autre extrémité, une grande roue enfoncée verticalement dans un
puits et armée de vases en terre. Ces vases vont puiser l'eau qui tombe,
à l'orifice du puits, dans, une rigole où elle bondit en chantant. Ainsi est
captée la fertilité du Nil, seigneur et providence de l'Égypte.
FOOTNOTES:
[Note 1: D'après le rapport officiel qui vient d'être publié, par notre
Ministre au Caire, sur la situation de l'Égypte, trente-six villas,
vingt-trois magasins et plusieurs maisons de rapport ont été construits
depuis le printemps de 1907.]
[Note 2: Cette ligne a été ouverte à l'exploitation dans le courant de
1908. «L'affluence des voyageurs est telle, dans l'après-midi, qu'une
partie d'entre eux seulement peut être transportée», dit le rapport du
Ministre de Belgique au Caire.]
[Note 3: D'après le rapport de notre Ministre au Caire, les contrats
seront signés à la fin de l'année courante.]

L'ÉGYPTE ET L'ANGLETERRE
On reparle dans les journaux--dans les journaux anglais et français tout
au moins--du «mouvement nationaliste égyptien». A peine rentré en
France, M. Maurice Barrès a été invité par un journaliste à dire ce qu'il
en pensait. Le gouvernement anglais vient d'autoriser le gouvernement
égyptien à mettre en liberté plusieurs fellahs détenus, depuis à peu près
deux ans, dans une des dures prisons de là-bas, pour avoir participé à
l'échauffourée qui coûta la vie à un officier anglais. Ce gentleman, en
compagnie de quelques camarades, fusillait, près d'un village du Delta,
les pigeons qui couraient dans les champs labourés. Le fellah aime
beaucoup ses pigeons. Pas de maison, dans les villages, qui n'ait son
colombier. Les officiers anglais avaient fait bonne chasse. L'un d'eux,

par surcroît, avait blessé, de quelques plombs égarés, une vieille femme
et un enfant. Les paysans s'ameutèrent et fondirent, en bande, sur les
chasseurs, qui passèrent tout de suite à l'état de gibier. Entourés,
menacés, frappés, ils purent s'échapper néanmoins, grâce à la vitesse de
leurs jambes. L'un d'eux mourut d'avoir couru trop longtemps et trop
vite. Les coupables--c'est-à-dire, naturellement, les fellahs!--furent
sévèrement punis. On en pendit quatre, préalablement fustigés.
Plusieurs autres furent condamnés aux travaux forcés; l'Angleterre
vient de leur rendre la liberté. Ses journaux ne tarissent pas sur la
magnanimité de cette action. Telle est, en raccourci, et sauf erreur sur
les détails, la célèbre affaire de Denchawaï. On ne pourrait choisir une
plus «actuelle» entrée en matière pour un article sur l'Égypte
d'aujourd'hui.
Joanne, Baedeker ou Larousse vous diront que l'Égypte, hellénisée,
après la mort d'Alexandre le Grand, et gouvernée, jusqu'à la mort de
Cléopâtre, par de successives dynasties ptolémaïques, devint province
romaine, puis suivit la loi de l'empire byzantin, qui se la laissa prendre,
au VIIe siècle, par les Arabes, supplantés eux-mêmes, au XVIe, par les
Turcs. Napoléon, vainqueur des Mameluks; des Turcs et des Anglais,
l'aurait sûrement donnée à la France si la décrépitude du Directoire
mourant ne l'avait rappelé à Paris. Mohammed-Ali, sous Louis-Philippe,
la rendit indépendante, en fait, du sultan de Constantinople, qui n'en est
plus depuis lors que le souverain nominal. Depuis les victoires de ce
grand homme d'État, l'Égypte a une dynastie héréditaire. Le khédive
n'est tenu, vis-à-vis de Constantinople, qu'au tribut et à l'hommage.
Mais le véritable souverain de l'Égypte d'aujourd'hui, c'est l'Angleterre.
Elle est censée surveiller, contrôler au nom de l'Europe le
gouvernement égyptien. En fait, elle gouverne et elle règne, sans avoir
de compte à rendre à personne, ni aux puissances, ni aux indigènes. Le
khédive, vassal du Grand Turc, est le pupille de l'Angleterre. Les folies
et les prodigalités du khédive Ismaïl, sous le règne duquel Ferdinand de
Lesseps perça l'isthme de Suez, amenèrent les puissances à intervenir
dans l'administration de l'Égypte. Les tribunaux et la Caisse de la Dette
ont encore un personnel international. Il y a moins de trente ans, la
France, admirablement servie par ses religieux, et dont la langue était

parlée partout, occupait encore, à tous les points de vue, le premier rang.
Elle contrôlait officiellement, au nom de l'Europe, de compte à demi
avec l'Angleterre, le gouvernement égyptien. Égale en droit de sa rivale
séculaire, elle avait, en fait, le pas sur elle. Comment elle perdit cette
enviable primauté? Le fait
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