Quentin Durward | Page 6

Sir Walter Scott
avec un sourire qui laissait apercevoir des dents assez belles pour faire envie �� bien des duchesses, et elle tint la bride du cheval pendant que nous descendions de cabriolet.
--Il faut que Madelon exerce aujourd'hui le m��tier de palefrenier, dit le marquis en lui faisant un signe de t��te gracieux, en retour de la r��v��rence profonde qu'elle avait adress��e �� monseigneur. Son mari est all�� au march��; et, quant �� La Jeunesse, il a tant d'occupations, qu'il en perd presque l'esprit.--Madelon ��tait la filleule de mon ��pouse, et destin��e �� ��tre la femme de chambre de ma fille, continua le marquis pendant que nous passions sous la porte principale, dont le cintre ��tait surmont�� des armoiries mutil��es des anciens seigneurs de Haut-Lieu et �� moiti�� cach��es sous la mousse et le gramen, sans compter les branches de quelques arbrisseaux sortis des fentes du mur.
Cette derni��re phrase, qui me fit comprendre, en passant, que je voyais en lui un ��poux, un p��re, priv�� de son ��pouse et de sa fille, augmenta mon respect pour un infortun�� vieillard que tout ce qui avait rapport �� sa situation actuelle devait, sans aucun doute, entretenir dans ses r��flexions m��lancoliques. Apr��s une pause d'un instant il continua d'un ton plus gai.
--Mon pauvre La Jeunesse vous amusera, dit-il; et, soit dit en passant, il a dix ans de plus que moi (le marquis en a plus de soixante), il me rappelle un acteur du Roman comique, qui jouait lui seul dans toute une pi��ce. Il pr��tend remplir �� la fois les r?les de ma?tre-d'h?tel, de chef de cuisine, de sommelier, de valet de chambre, et de tous les domestiques �� la fois. Il me rappelle aussi quelquefois un personnage de la Bride[12] de Lammermoor. Vous devez avoir lu ce roman, car c'est l'ouvrage d'un de vos gens de lettres qu'on appelle, je crois, le chevalier Scott.
--Oui, pr��cis��ment; lui-m��me.--J'oublie toujours les mots qui commencent par cette lettre impossible[13].
Cette observation ��carta des souvenirs plus p��nibles, car j'avais �� redresser mon ami fran?ais sur deux points. Je n'eus raison qu'avec peine pour le premier; car le marquis, avec toute sa r��pugnance pour les Anglais, ayant pass�� trois mois �� Londres, pr��tendait que notre langue n'offrait aucune difficult�� qui p?t l'arr��ter un instant, et il en appela �� tous les dictionnaires, depuis le plus ancien jusqu'au plus nouveau, pour prouver que bride signifiait la bride d'un cheval. Son scepticisme sur cette question de philologie ��tait tel, que, lorsque je me hasardai �� lui dire que, dans tout le roman, il n'��tait pas une seule fois question de bride, il rejeta gravement la faute de cette incons��quence sur le malheureux auteur. J'eus ensuite la franchise de l'informer, d'apr��s des motifs que personne ne pouvait conna?tre comme moi, que l'homme de lettres, mon compatriote, dont je parlerai toujours avec le respect que m��ritent ses talens, n'��tait pas responsable des ouvrages frivoles qu'il plaisait au public de lui attribuer avec trop de g��n��rosit�� et de pr��cipitation. Surpris par l'impulsion du moment, j'aurais peut-��tre ��t�� plus loin, et confirm�� ma d��n��gation par une preuve positive, en lui disant que personne ne pouvait avoir ��crit des ouvrages dont j'��tais l'auteur; mais le marquis m'��pargna le d��sagr��ment de me trahir ainsi, en me r��pliquant, avec beaucoup de sang-froid, qu'il ��tait charm�� d'apprendre que de pareilles bagatelles n'avaient pas ��t�� ��crites par un homme de condition.
--Nous les lisons, ajouta-t-il, comme nous ��coutons les plaisanteries d��bit��es par un com��dien, ou comme nos anc��tres ��coutaient celles d'un bouffon de profession, dont ils s'amusaient, quoiqu'ils eussent ��t�� bien fach��s de les entendre sortir de la bouche d'un homme qui aurait eu de meilleurs droits pour ��tre admis dans leur soci��t��.
Cette d��claration me rappela compl��tement �� ma prudence ordinaire; et je craignis tellement de me laisser surprendre, que je n'osai pas m��me expliquer au digne aristocrate, mon ami, que l'individu qu'il avait nomm�� devait son avancement, �� ce que j'avais entendu dire, �� certains ouvrages qu'on pouvait, sans lui faire injure, comparer �� des romans en vers.
La v��rit�� est qu'ind��pendamment de quelques autres pr��jug��s injustes auxquels j'ai d��j�� fait allusion, le marquis avait contract�� une horreur m��l��e de m��pris pour toute esp��ce d'��crivains, �� l'exception peut-��tre de ceux qui composent un volume in-folio sur la jurisprudence ou la th��ologie; et il regardait l'auteur d'un roman, d'une nouvelle, d'un po��me, ou d'un ouvrage de critique, comme on regarde un reptile venimeux, c'est-��-dire avec crainte et d��go?t.--L'abus de la presse, disait-il, surtout dans ses productions, les plus l��g��res, a empoisonn�� en Europe toutes les sources de la morale, et regagne encore peu �� peu une influence nouvelle apr��s avoir ��t�� r��duite au silence par le bruit de la guerre.--Il regardait tous les ��crivains, except�� ceux du plus gros et du plus lourd calibre, comme d��vou��s �� la mauvaise cause, depuis Rousseau et Voltaire,
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