Quatrevingt-Treize | Page 8

Victor Hugo
chienne de r��volution nous gagne, nous aussi.
--Une gale qu'a la France?
--Gale du tiers ��tat, reprit Boisberthelot. L'Angleterre seule peut nous tirer de l��.
--Elle nous en tirera, n'en doutez pas, capitaine.
--En attendant, c'est laid.
--Certes, des manants partout; la monarchie qui a pour g��n��ral en chef Stofflet, garde-chasse de M. de Maulevrier, n'a rien �� envier �� la r��publique qui a pour ministre Pache, fils du portier du duc de Castries. Quel vis-��-vis que cette guerre de la Vend��e: d'un c?t�� Santerre le brasseur, de l'autre Gaston le merlan!
--Mon cher La Vieuville, je fais un certain cas de ce Gaston. Il n'a point mal agi dans son commandement de Gu��m��n��e. Il a gentiment arquebus�� trois cents bleus apr��s leur avoir fait creuser leur fosse par eux-m��mes.
--A la bonne heure, mais je l'eusse fait tout aussi bien que lui.
--Pardieu, sans doute. Et moi aussi.
--Les grands actes de guerre, reprit La Vieuville, veulent de la noblesse dans qui les accomplit. Ce sont choses de chevaliers et non de perruquiers.
--Il y a pourtant dans ce tiers ��tat, r��pliqua Boisberthelot, des hommes estimables. Tenez, par exemple, cet horloger Joly. Il avait ��t�� sergent au r��giment de Flandre, il se fait chef vend��en, il commande une bande de la c?te; il a un fils, qui est r��publicain, et, pendant que le p��re sert dans les blancs, le fils sert dans les bleus. Rencontre. Bataille. Le p��re fait prisonnier son fils, et lui br?le la cervelle.
--Celui-l�� est bien, dit La Vieuville.
--Un Brutus royaliste, reprit Boisberthelot.
--Cela n'emp��che pas qu'il est insupportable d'��tre command�� par un Coquereau, un Jean-Jean, un Moulins, un Focart, un Bouju, un Chouppes!
--Mon cher chevalier, la col��re est la m��me de l'autre c?t��. Nous sommes pleins de bourgeois; ils sont pleins de nobles. Croyez-vous que les sans-culottes soient contents d'��tre command��s par le comte de Canclaux, le vicomte de Miranda, le vicomte de Beauharnais, le comte de Valence, le marquis de Custine et le duc de Biron!
--Quel gachis!
--Et le duc de Chartres!
--Fils d'Egalit��. Ah ?��, quand sera-t-il roi, celui-l��?
--Jamais.
--Il monte au tr?ne. Il est servi par ses crimes.
--Et desservi par ses vices, dit Boisberthelot.
Il y eut encore un silence, et Boisberthelot poursuivit:
--Il avait pourtant voulu se r��concilier. Il ��tait venu voir le roi. J'��tais l��, �� Versailles, quand on lui a crach�� dans le dos.
--Du haut du grand escalier?
--Oui.
--On a bien fait.
--Nous l'appelions Bourbon le Bourbeux.
--Il est chauve, il a des pustules, il est r��gicide, pouah!
Et La Vieuville ajouta:
--Moi, j'��tais �� Ouessant avec lui.
--Sur le _Saint-Esprit?_
--Oui.
--S'il e?t ob��i au signal de tenir le vent que lui faisait l'amiral d'Orvilliers, il emp��chait les anglais de passer.
--Certes.
--Est-il vrai qu'il se soit, cach�� �� fond de cale?
--Non. Mais il faut le dire tout de m��me.
Et La Vieuville ��clata de rire.
Boisberthelot reprit:
--Il y a des imb��ciles. Tenez, ce Boulaivilliers dont vous parliez, La Vieuville, je l'ai connu, je l'ai vu de pr��s. Au commencement, les paysans ��taient arm��s de piques; ne s'��tait-il pas fourr�� dans la t��te d'en faire des piquiers? Il voulait leur apprendre l'exercice de la pique-en-biais et de la pique-tra?nante-le-fer-devant. Il avait r��v�� de transformer ces sauvages en soldats de ligne. Il pr��tendait leur enseigner �� ��mousser les angles d'un carr�� et �� faire des bataillons �� centre vide. Il leur baragouinait la vieille langue militaire; pour dire un chef d'escouade, il disait, un _cap d'escadre_, ce qui ��tait l'appellation des caporaux sous Louis XIV. Il s'obstinait �� cr��er un r��giment avec tous ces braconniers; il avait des compagnies r��guli��res dont les sergents se rangeaient en rond tous les soirs, recevant le mot, et le contre-mot du sergent de la colonelle qui les disait tout bas au sergent de la lieutenance, lequel les disait �� son voisin qui les transmettait au plus proche, et ainsi d'oreille en oreille jusqu'au dernier. Il cassa un officier qui ne s'��tait pas lev�� t��te nue pour recevoir le mot d'ordre de la bouche du sergent. Vous jugez comme cela a r��ussi. Ce butor ne comprenait pas que les paysans veulent ��tre men��s �� la paysanne, et qu'on ne fait pas des hommes de caserne avec des hommes des bois. Oui, j'ai connu ce Boulainvilliers-l��.
Ils firent quelques pas, chacun songeant de son c?t��.
Puis la causerie continua.
--A propos, se confirme-t-il que Dampierre soit tu��?
--Oui, commandant.
--Devant Cond��?
--Au camp de Pamars. D'un boulet de canon.
Boisberthelot soupira.
--Le comte de Dampierre. Encore un des n?tres qui ��tait des leurs!
--Bon voyage! dit La Vieuville.
--Et Mesdames? o�� sont-elles?
--A Trieste.
--Toujours?
--Toujours.
Et La Vieuville s'��cria:
--Ah! cette r��publique! que de d��gats pour peu de chose! Quand on pense que cette r��volution est venue pour un d��ficit de quelques millions!
--Se d��fier des petits points de d��part, dit Boisberthelot.
--Tout va mal, reprit La Vieuville.
--Oui, La Rouarie est mort, Du Dresnay est idiot. Quels tristes meneurs que tous ces ��v��ques, ce Coucy, l'��v��que de la Rochelle, ce Beaupoil Saint-Aulaire, l'��v��que de Poitiers, ce Mercy, l'��v��que de
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