Quatrevingt-Treize | Page 9

Victor Hugo
Lu?on, amant de madame de L'Eschasserie!...
--Laquelle s'appelle Servanteau, vous savez, commandant; L'Eschasserie est un nom de terre.
--Et ce faux ��v��que d'Agra, qui est cur�� de je ne sais quoi!
--De Dol. Il s'appelle Guillot de Folleville. Il est brave, du reste, et se bat.
--Des pr��tres quand il faudrait des soldats! Des ��v��ques qui ne sont pas des ��v��ques! des g��n��raux qui ne sont pas des g��n��raux!
La Vieuville interrompit Boisberthelot.
--Commandant, vous avez le Moniteur dans votre cabine?
--Oui.
--Qu'est-ce donc qu'on joue �� Paris dans ce moment-ci?
--_Ad��le et Paulin_, et la Caverne.
--Je voudrais voir ?a.
--Vous le verrez. Nous serons �� Paris dans un mois.
Boisberthelot r��fl��chit un instant et ajouta:
--Au plus tard. M. Windham l'a dit �� milord Hood.
--Mais alors, commandant, tout ne va pas si mal?
--Tout irait bien, parbleu, �� la condition que la guerre de Bretagne f?t bien conduite.
La Vieuville hocha la t��te.
--Commandant, reprit-il, d��barquerons-nous l'infanterie de marine?
--Oui, si la c?te est pour nous; non, si elle est hostile. Quelquefois il faut que la guerre enfonce les portes, quelquefois il faut qu'elle se lisse. La guerre civile doit toujours avoir dans sa poche une fausse clef. On fera le possible. Ce qui importe, c'est le chef.
Et Boisberthelot, pensif, ajouta:
--La Vieuville, que penseriez-vous du chevalier de Dieuzie?
--Du jeune?
--Oui.
--Pour commander?
--Oui.
--Que c'est encore un officier de plaine et de bataille rang��e. La broussaille ne conna?t que le paysan.
--Alors, r��signez-vous au g��n��ral Stofflet et au g��n��ral Cathelineau.
La Vieuville r��va un moment, et dit:
--Il faudrait un prince, un prince de France, un prince du sang. Un vrai prince.
--Pourquoi? Qui dit prince...
--Dit poltron. Je le sais, commandant. Niais c'est pour l'effet sur les gros yeux b��tes des gars.
--Mon cher chevalier, les princes ne veulent pas venir.
--On s'en passera.
Boisberthelot fit ce mouvement machinal qui consiste �� se presser le front avec la main, comme pour en faire sortir une id��e.
Il reprit:
--Enfin, essayons de ce g��n��ral-ci.
--C'est un grand gentilhomme.
--Croyez-vous qu'il suffira?
--Pourvu qu'il soit bon, dit La Vieuville.
--C'est-��-dire f��roce, dit Boisberthelot.
Le comte et le chevalier se regard��rent.
--Monsieur du Boisberthelot, vous avez dit le mot. F��roce. Oui, c'est l�� ce qu'il nous faut. Ceci est la guerre sans mis��ricorde. L'heure est aux sanguinaires. Les r��gicides ont coup�� la t��te �� Louis XVI, nous arracherons les quatre membres aux r��gicides. Oui, le g��n��ral n��cessaire est le g��n��ral inexorable. Dans l'Anjou et dans le haut Poitou, les chefs font les magnanimes, on patauge dans la g��n��rosit��, rien ne va. Dans le Marais et dans le pays de Retz, les chefs sont atroces, tout marche. C'est parce que Charette est f��roce qu'il tient t��te �� Parrein. Hy��ne contre hy��ne.
Boisberthelot n'eut pas le temps de r��pondre �� La Vieuville. La Vieuville eut la parole brusquement coup��e par un cri d��sesp��r��, et en m��me temps on entendit un bruit qui ne ressemblait �� aucun des bruits qu'on entend. Ce cri et ces bruits venaient du dedans du navire.
Le capitaine et le lieutenant se pr��cipit��rent vers l'entrepont, mais ne purent y entrer. Tous les canonniers remontaient ��perdus.
Une chose effrayante venait d'arriver.

IV. TORMENTUM BELLI
Une des caronades de la batterie, une pi��ce de vingt-quatre, s'��tait d��tach��e.
Ceci est le plus redoutable peut-��tre des ��v��nements de mer. Rien de plus terrible ne peut arriver �� un navire de guerre au large et en pleine marche.
Un canon qui casse son amarre devient brusquement on ne sait quelle b��te surnaturelle. C'est une machine qui se transforme en un monstre. Cette masse court sur ses roues, a des mouvements de bille de billard, penche avec le roulis, plonge avec le tangage, va, vient, s'arr��te, para?t m��diter, reprend sa course, traverse comme une fl��che le navire d'un bout �� l'autre, pirouette, se d��robe, s'��vade, se cabre, heurte, ��br��che, tue, extermine. C'est un b��lier qui bat �� sa fantaisie une muraille. Ajoutez ceci: le b��lier est de fer, la muraille est de bois. C'est l'entr��e en libert�� de la mati��re; on dirait que cet esclave ��ternel se venge; il semble que la m��chancet�� qui est dans ce que nous appelons les objets inertes sorte et ��clate tout �� coup; cela a l'air de perdre patience et de prendre une ��trange revanche obscure; rien de plus inexorable que la col��re de l'inanim��. Ce bloc forcen�� a les sauts de la panth��re, la lourdeur de l'��l��phant, l'agilit�� de la souris, l'opiniatret�� de la cogn��e, l'inattendu de la houle, les coups de coude de l'��clair, la surdit�� du s��pulcre. Il p��se dix mille, et il ricoche comme une balle d'enfant. Ce sont des tournoiements brusquement coup��s d'angles droits. Et que faire? Comment en venir �� bout? Une temp��te cesse, un cyclone passe, un vent tombe, un mat bris�� se remplace, une voie d'eau se bouche, un incendie s'��teint: mais que devenir avec cette ��norme brute de bronze? De quelle fa?on s'y prendre? Vous pouvez raisonner un dogue, ��tonner un taureau, fasciner un boa, effrayer un tigre, attendrir un lion; aucune ressource
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