est resté comme un des
bons morceaux de son rédacteur.
* * * * *
Un matin, un de ses amis qui se rendait à son bureau, rencontre P...
planté tout droit devant un bâtiment en construction dont les échafauds
étaient remplis de maçons, que P... avait surnommés, à cause de leur
agilité, les écureuils limousins. L'ami, pressé, échange un bonjour et
continue sa route. Le soir, en revenant de son ministère, huit heures
après sa première rencontre, il retrouve P... au même endroit, pétrifié
dans l'attitude patiente du héron qui guette sa proie.
--Encore ici!--demande-t-il étonné.--Que diable y fais-tu depuis ce
matin?
P... élève sa main en l'air, et, désignant un limousin juché
périlleusement au sommet d'une perche d'un équilibre douteux:
--J'attends qu'il tombe, répondit-il.
* * * * *
M... habite ordinairement la campagne. Chasseur comme d'Houdetot et
Blaze, qui resteront les classiques de la chasse au chien d'arrêt, il vit au
milieu d'une petite meute qui ferait l'orgueil d'un chenil princier. Sévère,
mais juste à l'égard de ses élèves, qu'il admet à l'honneur de l'intimité
domestique, M... s'est efforcé de leur inculquer les maximes les plus
élémentaires de l'art de se bien conduire en société. À cet effet, il leur a
acheté un traducteur de la Civilité puérile et honnête, dont les triples
lanières et la mèche aiguë mettent la correction à côté de la leçon,
quand celle-ci n'a pas été bien comprise. Un des chapitres auxquelles
l'intelligence et la nature canine se montrent plus volontiers rétives, est
celui qui concerne l'observation de certaines convenances qu'on
pourrait appeler digestives. Quelquefois la meute de M...,
plantureusement nourrie, exprime sa satisfaction par des interjections
qui sont parfaitement accueillies, chez ses convives, par un amphitryon
arabe, mais qui blessent nos moeurs. Quand l'un des chiens de M...
s'oublie en sa présence, le maître, ne pouvant deviner quel est celui qui
a la digestion incivile, administre une volée d'énergiques
représentations à toute la meute, qui s'échappe alors par toutes les
issues. Les animaux savent tellement ce qui les menace en pareil cas,
qu'entre eux-mêmes, au moindre bruit, ils se dispersent en hurlant.
Dernièrement, M... attendait un de ses amis pour chasser. L'ami vint au
rendez-vous.--On déjeûne copieusement; M... laisse un moment, au
dessert, son ami seul avec les chiens qui léchaient les plats.--L'ami, qui
avait des raisons pour désirer une seconde de solitude, en profite... et
même en abuse.... Aussitôt toute la meute est sur pied, et se sauve par
les fenêtres, l'oreille basse et la queue entre les jambes.
Cinq minutes après, M... rentrait dans la salle avec sa femme, et
trouvant son ami tout seul au coin de la cheminée:
--Où sont donc les chiens? demande-t-il.
--Je ne sais pas ce qui leur a pris, répondit l'ami, qui saluait la dame de
la maison.--Et il raconte naïvement leur fuite précipitée--dont il ne
comprend pas le motif.
Madame sourit dans son mouchoir,--tandis que son mari s'approche de
son hôte très-intrigué, et lui dit tout bas à l'oreille deux mots qui lui
mettent un pied de rouge sur la figure.
--Mais non, je t'assure, balbutie-t-il, en souhaitant de voir une trappe
s'entr'ouvrir sous ses pieds.
--Bah! fit M... en riant, ne te désole pas; avant la chasse, ça porte
bonheur.
* * * * *
Un Atlas et un Hercule de carrefour se disputaient au coin d'une rue. Le
dictionnaire d'injures épuisé, les adversaires, excités par la galerie,
allaient en venir aux mains. L'un d'eux, montrant à l'autre son poing
formidable, lui dit:
--Vois-tu ça? ça tue les boeufs.
--Vois-tu celui-là? dit l'autre, faisant le même mouvement offensif, ça
tue les bouchers.
* * * * *
M. L... arrive de Londres. Une dame qui ne connaît pas l'Angleterre, lui
demandait des renseignements sur ce pays.
--Comme ville, voici ce qu'est Londres: une gigantesque cheminée;
quand on se promène dans les rues et qu'on se frotte le long des murs,
on les ramone. Comme moeurs, la première personne que j'ai
rencontrée à Londres était un pauvre honteux qui n'osait pas demander
l'aumône, parce qu'il n'avait pas de gants.
* * * * *
M. R..., riche propriétaire aux colonies, venu à Paris pour y passer
quelque temps, dînait aux Provençaux en compagnie d'artistes de tous
les arts. Parmi les conviés se trouvait mademoiselle E..., de l'Opéra,
dont les naïvetés font les délices du foyer de la danse. Entre autres
choses, on parlait de l'esclavage des nègres, et M. R... était appelé à
donner son avis sur cette importante question.
--Les philanthropes trouvent excellentes des choses que nous, colons,
ne pouvons trouver telles, disait-il. Si moi, par exemple, j'affranchissais
mes nègres, je pourrais me considérer comme ruiné, et je n'ai pourtant
que deux cent esclaves.
--Comment, ruiné! interrompit mademoiselle E... avec conviction; mais
pour quarante francs vous auriez deux cents timbres.
* * * *
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