Promenades et intérieurs | Page 7

Francois Coppée
les cieux,?Aucun n'est éclatant et pur comme ses yeux;?Et l'antilope errant sous le taillis humide?N'a pas ce long regard lumineux et timide.?Ah! devant tant de grace et de charme innocent,?Le poète qui veut décrire est impuissant;?Mais l'amant peut du moins s'écrier: ?Sois bénie,?? faculté sublime à l'égal du génie,?Mémoire, qui me rends son sourire et sa voix,?Et qui fais qu'exilé loin d'elle, je la vois!?
Réponse
?Mais je l'ai vu si peu!? disiez-vous l'autre jour. --?Et moi, vous ai-je vue en effet davantage??En un moment mon coeur s'est donné sans partage.?Ne pouvez-vous ainsi m'aimer à votre tour??Pour monter d'un coup d'aile au sommet de la tour,?Pour emplir de clartés l'horizon noir d'orage,?Et pour nous enchanter de son puissant mirage,?Quel temps faut-il à l'aigle, à l'éclair, à l'amour??Je vous ai vue à peine, et vous m'êtes ravie!?Mais à vous mériter je consacre ma vie?Et du sombre avenir j'accepte le défi.?Pour s'aimer faut-il donc tellement se conna?tre,?Puisque, pour allumer le feu qui me pénètre,?Chère ame, un seul regard de vos yeux a suffi?
à un ange gardien
Mon rêve, par l'amour redevenu chrétien,?T'évoque à ses c?tés, ? doux ange gardien,?Divin et pur esprit, compagnon invisible?Qui veilles sur cette ame innocente et paisible!?N'est-ce pas, beau soldat des phalanges de Dieu,?Qui, pour la protéger, fais toujours, en tout lieu,?Sur l'adorable enfant planer ton ombre ailée,?Que ta chaste personne est moins immaculée,?Que ton regard, reflet des immenses azurs,?Et que le feu qui brille à ton front, sont moins purs,?Dans leur sublime essence au paradis conquise,?Que le coeur virginal de cette enfant exquise??? toi qui de la voir as toujours la douceur,?Bel ange, n'est-ce pas qu'elle est comme ta soeur??? céleste témoin qui sais que sa pensée?Par une humble prière au matin commencée?Dans ses rêves du soir est plus na?ve encor,?N'est-ce pas qu'en voyant s'abaisser ses cils d'or?Sur ses yeux ingénus comme ceux des gazelles,?Tu t'étonnes parfois qu'elle n'ait pas des ailes?
Romance
Quand vous me montrez une rose?Qui s'épanouit sous l'azur,?Pourquoi suis-je alors plus morose??Quand vous me montrez une rose,?C'est que je pense à son front pur.?Quand vous me montrez une étoile,?Pourquoi les pleurs, comme un brouillard,?Sur mes yeux jettent-ils leur voile??Quand vous me montrez une étoile,?C'est que je pense à son regard.?Quand vous me montrez l'hirondelle?Qui part jusqu'au prochain avril,?Pourquoi mon ame se meurt-elle?Quand vous me montrez l'hirondelle,?C'est que je pense à mon exil.
Lettre
Non, ce n'est pas en vous ?un idéal? que j'aime,?C'est vous tout simplement, mon enfant, c'est vous-même.?Telle Dieu vous a faite, et telle je vous veux.?Et rien ne m'éblouit, ni l'or de vos cheveux,?Ni le feu sombre et doux de vos larges prunelles,?Bien que ma passion ait pris sa source en elles.?Comme moi, vous devez avoir plus d'un défaut;?Pourtant c'est vous que j'aime et c'est vous qu'il me faut. Je ne poursuis pas là de chimère impossible;?Non, non! Mais seulement, si vous êtes sensible?Au sentiment profond, pur, fidèle et sacré,?Que j'ai con?u pour vous et que je garderai,?Et si nous triomphons de ce qui nous sépare,?Le rêve, chère enfant, où mon esprit s'égare,?C'est d'avoir à toujours chérir et protéger?Vous comme vous voilà, vous sans y rien changer.?Je vous sais le coeur bon, vous n'êtes point coquette;?Mais je ne voudrais pas que vous fussiez parfaite,?Et le chagrin qu'un jour vous me pourrez donner,?J'y tiens pour la douceur de vous le pardonner.?Je veux joindre, si j'ai le bonheur que j'espère,?à l'ardeur de l'amant l'indulgence du père?Et devenir plus doux quand vous me ferez mal.?Voyez, je ne mets pas en vous ?un idéal?,?Et de l'humanité je connais la faiblesse;?Mais je vous crois assez de coeur et de noblesse?Pour espérer que, grace à mon effort constant,?Vous m'aimerez un peu, moi qui vous aime tant!
Février
Hélas! dis-tu, la froide neige?Recouvre le sol et les eaux;?Si le bon Dieu ne les protège,?Le printemps n'aura plus d'oiseaux!?Rassure-toi, tendre peureuse;?Les doux chanteurs n'ont point péri.?Sous plus d'une racine creuse?Ils ont un chaud et s?r abri.?Là, se serrant l'un contre l'autre?Et blottis dans l'asile obscur,?Pleins d'un espoir pareil au n?tre,?Ils attendent l'Avril futur;?Et, malgré la bise qui passe?Et leur jette en vain ses frissons,?Ils répètent à voix très basse?Leurs plus amoureuses chansons.?Ainsi, ma mignonne adorée,?Mon coeur où rien ne remuait,?Avant de t'avoir rencontrée,?Comme un sépulcre était muet;?Mais quand ton cher regard y tombe,?Aussi pur qu'un premier beau jour,?Tu fais jaillir de cette tombe?Tout un essaim de chants d'amour.
Avril
Lorsqu'un homme n'a pas d'amour,?Rien du printemps ne l'intéresse;?Il voit même sans allégresse,?Hirondelles, votre retour;?Et, devant vos troupes légères?Qui traversent le ciel du soir,?Il songe que d'aucun espoir?Vous n'êtes pour lui messagères.?Chez moi ce spleen a trop duré,?Et quand je voyais dans les nues?Les hirondelles revenues,?Chaque printemps, j'ai bien pleuré.?Mais, depuis que toute ma vie?A subi ton charme subtil,?Mignonne, aux promesses d'Avril?Je m'abandonne et me confie.?Depuis qu'un regard bien-aimé?A fait refleurir tout mon être,?Je vous attends à ma fenêtre,?Chères voyageuses de Mai.?Venez, venez vite, hirondelles,?Repeupler l'azur calme et doux,?Car mon
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