Promenades autour dun village | Page 6

George Sand
de ?a.
--Mais je me reconnais tr��s-bien, lui dis-je; il n'y a point de pont en bas du village.
--Si fait, il y en a un maintenant. Allez devant vous.
Nous trouvames le chemin rapide, mais commode, le pont tr��s-joli et le confluent des deux torrents admirable de fra?cheur et de myst��re.
Le soleil ��tait d��j�� couch�� pour nous, il ��tait descendu derri��re les rochers qui nous faisaient face; mais, au loin, il envoyait, �� travers ses brisures, de grandes lueurs chaudes et brillantes sur les fonds d'��meraude de la gorge.
Quand on est tout au fond de cette br��che qui sert de lit �� la Creuse, l'aspect devient quelquefois r��ellement sauvage. Sauf les pointes effil��es de quelques clochers rustiques qui, de loin en loin, se dressent comme des paratonnerres sur le haut du plateau, et quelques moulins charmants ��chelonn��s le long de l'eau, avec leurs longues ��cluses en biais ou en ��peron, qui rayent la rivi��re d'une douce et fra?che cascatelle, c'est un d��sert.
Pour peu que l'on se trouve engag�� dans un de ses coudes rocailleux, assez escarp��s pour ne pas livrer passage aux troupeaux, on se croirait au sein d'une nature apre et d��sol��e. Mais, un peu plus loin, la rivi��re tourne, et la sc��ne change. Le ravin s'adoucit un instant et laisse couler des zones d'herbe fra?che et de beaux arbres, jusqu'�� de d��licieuses pelouses, o�� les pieds meurtris se reposent dans du velours. Et puis ce sont de longues flaques de sable fin et humide o�� croissent des plantes exquises, diverses esp��ces de sauges et de baumes, et ces grandes menthes aux grappes lilas, dont les mouches, les papillons et les col��opt��res semblent se disputer le nectar avec une sorte de rage.
Tout ce monde-l�� ��tait endormi pendant que le soleil s'en allait, et on ne voyait plus voler que le satyre janira, ce papillon si abondant dans toute la France, hardi et pullulant comme le moineau, dont il a la couleur brune, et qui, comme lui, se couche tard, apr��s avoir fait beaucoup de fa?ons et essay�� beaucoup de g?tes.
La Creuse occupe d��j�� un lit assez large dans ces parages; elle est presque partout sem��e de longues roches aigu?s, qu'un l��ger s��diment blanchit au temps des crues. Quelquefois ce sont des cr��tes quartzeuses, d'un vrai blanc de marbre, qui se dressent au milieu du sol primitif: on croirait pouvoir la franchir partout ais��ment en sautant de pierre en pierre; mais, vers son milieu, elle a presque toujours un canal rapide assez profond.
Chaque moulin a son petit bateau, qui peut transporter quelques individus d'une rive �� l'autre; mais rarement les propri��taires occupent les deux rives, et le besoin de communiquer entre eux se fait peu sentir aux habitants des deux plateaux, si bien que, d'un c?t�� �� l'autre du pr��cipice, on passe tr��s-bien plusieurs ann��es sans se conna?tre et sans nouer de relations, du moins dans la partie qui s'��tend de la grande ruine de Chateaubrun au point o�� nous ��tions.
Nous r��vions fort tranquillement sur les ?lots de roches du rivage, quand nous f?mes assaillis par les naturels du pays sous la forme de quatre gamins occup��s, ou plut?t nullement occup��s �� garder quatre cochons. Chacun avait le sien par rang de taille, et le dernier bambin avait la gouverne du cochon de lait.
Les cochons ��taient bien sages, les enfants l'��taient moins; ils accoururent autour de nous, criant, hurlant, gambadant et nous montrant quatre effroyables petits museaux qui semblaient ��corch��s �� vif et baign��s d'un sang noiratre, le tout dans l'��vidente intention de nous effrayer.
C'est un divertissement bien connu chez nous que ce barbouillage avec le jus des guignes noires qui pendent au-dessus des buissons et jonchent la terre �� leur maturit��.
Amyntas r��pondit �� ce d��fi par un prodige non moins terrible.
Il tira de sa poche un de ces petits cornets qui servent �� se rappeler quand on est trop ��parpill�� �� la promenade, et dont nous sommes toujours munis.
Le cri rauque de cet instrument fit merveille. Nos petits sauvages s'enfuirent �� toutes jambes, en proie �� une frayeur indicible, et le plus petit, beuglant et pleurant comme un veau, se laissa choir en criant merci. Il fallut aller le relever et le consoler.
Le d?ner fut excellent, le caf�� fort passable, l'h?tesse tr��s-obligeante et tr��s-empress��e.
La promenade du lendemain fut r��gl��e, des mesures prises pour le r��veil et le d��part. Puis nous descend?mes le village, chacun une lumi��re �� la main, pr��caution indispensable pour la premi��re fois dans ces rues difficiles; et notez que nous avions trouv�� de la bougie, sybarites que nous ��tions!
Notre rue est la plus encaiss��e et la plus enfouie du bourg, dans une coulisse de rochers; d'un c?t�� les ruines de la forteresse, de l'autre une s��rie de petites cours ouvertes, que l'on pourrait appeler des squares, ferm��s au fond par le roc qui se rel��ve brusquement, et par
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