Project de restauration de Notre-Dame de Paris | Page 5

Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc
première, les galeries supérieures n'ont pas été terminées.
Des arcs doubleaux, engagés dans les murs qui les ferment aujourd'hui, feraient penser que ces galeries devaient être doubles comme les bas-c?tés; quoi qu'il en soit, elles ont été bouchées provisoirement, et avec assez peu de soin, lorsque dans le XIIIe siècle les travaux furent repris avec une grande activité.
Du reste, il y a cela de remarquable dans cette première construction de l'église Notre-Dame, depuis 1161 jusqu'en 1196, mort de Maurice, que pendant cette période on peut suivre une des transitions les plus curieuses de l'art chrétien.
Le choeur, par lequel l'évêque fondateur commen?a son oeuvre, est encore empreint du caractère roman, et la nef construite à la fin de sa vie, ou peu de temps après sa mort, est déjà soumise au go?t gothique.
Un fait intéressant nous donne la date de la construction de la belle fa?ade occidentale.
Leboeuf nous apprend que c'est en 1218 que l'on abattit la vieille église St-étienne, qui gênait la construction de la partie méridionale de la nouvelle basilique, et que le bas-relief du tympan de la porte Ste-Anne, sur la fa?ade de Notre-Dame, provient de cette vieille église, ainsi que les statues qui décoraient le parvis de cette porte avant 1793[7].
[Note 7: Ces statues, données par Montfaucon dans la monarchie fran?aise, comme celles des rois de France, étaient, ainsi que le disent très bien Leboeuf et Corrozet, celles des rois de Juda.]
L'année de la démolition de l'église Saint-étienne, et le replacement des sculptures qui la décoraient, à la porte Sainte-Anne, nous donnent la date positive de la construction de la fa?ade occidentale de Notre-Dame, ce qui du reste s'accorde parfaitement avec le caractère architectonique de cette fa?ade. Malheureusement, des statues si curieuses, qui ornaient cette porte, il ne reste plus que celle de Saint-Marcel, restaurée maladroitement en 1818.
Nous pouvons donc regarder la fa?ade occidentale de la cathédrale de Paris comme batie dans la première moitié du XIIIe siècle; son style est plein de grandeur et d'unité; la similitude des profils qui la décorent depuis le bas jusqu'au sommet des Tours, ne peut pas laisser douter qu'elle n'ait été construite d'un seul jet, et sans interruption. Cependant les tours restèrent inachevées, les flèches en pierre qui devaient les terminer, et dont on voit parfaitement la naissance dans la construction intérieure, ne furent pas élevées.
Le style particulier à cette fa?ade se retrouve encore dans la grande corniche qui pourtourne l'édifice, et dans les éperons de la nef.
La flêche en bois, revêtue de plomb, qui s'élevait sur le comble au milieu du transcept, devait être aussi, d'après les dessins et gravures qui seuls peuvent nous en donner une idée, de l'époque de la fa?ade, ainsi que toute la charpente du grand comble. Un chapiteau fort curieux, taillé dans le poin?on qui existe encore au centre de la souche de cette flèche, suffit pour fixer d'une manière précise l'époque de sa construction, ainsi celle de la charpente, évidemment du XIIIe siècle. Cette flêche, qui contenait six cloches, fut détruite en 1793.
C'est après la construction de la fa?ade occidentale, et vers le milieu du XIIIe siècle que des modifications graves furent apportées à la basilique de Maurice de Sully. Les fenêtres de la nef et du choeur, dont nous avons déjà parlé, furent alors élargies et allongées jusque sur l'arcature des galeries, et des meneaux furent placés dans ces fenêtres avec assez peu de go?t. Cette nouvelle disposition eut cela de facheux, qu'elle fit substituer aux combles simples qui couvraient les galeries des terrasses avec doubles cheneaux, qui entretiennent une humidité constante sur les vo?tes.
Là commencent déjà les mutilations innombrables que Notre-Dame a subies depuis, car ces grandes fenêtres ogivales, non concentriques avec les anciennes, outre qu'elles ne sont pas en proportion avec tout ce qui les entoure, sont une cause de ruine pour l'édifice, et à laquelle il est difficile d'apporter un remède efficace.
Soit que les portails des transcepts n'aient pas été achevés ou même construits par Maurice de Sully, soit que leur décoration ne f?t plus dans le go?t du XIIIe siècle, soit que les fenêtres de la nef et du choeur ayant déjà été agrandies, fissent para?tre trop petits les jours du transcept, c'est en 1257, sous le règne de Saint-Louis, que Regnault de Corbeil, évêque de Paris, fit élever ou refaire par ma?tre Jean de Chelles le portail méridional du transcept, ainsi que le constate l'inscription curieuse que l'on y voit encore, malgré toutes les mutilations qu'elle subit chaque jour[8]. Tout le premier système d'architecture fut modifié, et des roses furent substituées aux fenêtres.
[Note 8: ANNO. DOMINI. MCCLVII. MENSE. FEBRVARIO. IDUS. SECUNDO. HOC. FUIT. INCEPTUM. CHRISTI. GENITRICIS. HONORE. KALLENSI. LATHOMO. VIVENTE. JOHANNE. MAGISTRO.]
Jusqu'en 1270, les bas c?tés de la cathédrale n'étaient pas ornés de chapelles, cette disposition plus simple et plus grandiose fut abandonnée à cette époque. Jean de
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