Project de restauration de Notre-Dame de Paris | Page 4

Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc
faudrait admettre que la porte rouge, c?té du nord, a été batie dans le XVe siècle. Or, cette porte est évidemment du XIVe, et du commencement. Le caractère de son architecture, et la vigueur de l'ornementation ne permettent aucun doute à cet égard. Dans cette immense cathédrale, on distingue trois grandes époques, et cependant les adjonctions qui, pendant trois siècles, sont venues se souder aux premières constructions, n'ont pas ?té à l'édifice une certaine unité, une grandeur de conception bien rares dans des monumens élevés avec tant de lenteur.
La partie la plus ancienne de l'église Notre-Dame est batie par Maurice de Sully, dans la seconde moitié du XIIe siècle; avant lui, les constructions n'étaient arrivées qu'au niveau du sol. Cet évêque employa toute sa fortune à la construction du choeur et d'une partie de la nef.
Plusieurs auteurs[4] et la tradition disent que Notre-Dame est batie sur pilotis, et cependant, en 1699, des fouilles faites à l'occasion de la construction du tour du choeur en marbre, et du ma?tre-autel, prouvèrent que cette opinion est erronée[5]. Ce qui fut encore confirmé par d'autres fouilles exécutées en 1774[6].
[Note 4: Corrozet.]
[Note 5: ?Est à noter que la fondation où sont les piliers qui portent les arcades et le mur en pourtour du choeur de l'église Notre-Dame, a dix-huit pieds de profondeur au-dessous de leurs bases qui sont enterrées six pouces plus bas que le rez-de-chaussée du pavé de la même église, posées sur la glaise ferme, sans pilotis ni plates formes, construites par le haut au-dessous du rez-de-chaussée avec trois assises de pierre de taille dure dans tout le pourtour d'une égale hauteur, et faisant retraite les unes sur les autres, posées et taillées proprement, et le surplus au-dessus de gros moellons et mortier de chaux et sable plus dur que la pierre.? (Procès-verbal de la pose du ma?tre-autel.)]
[Note 6: à cette époque (en 1774), le sieur Boulland, architecte du chapitre, fit faire, derrière le choeur, une fouille de vingt-quatre pieds de profondeur et d'une grande longueur, et se trouva à un pied au-dessous des fondations, et découvrit sous chaque pilier trois assises égales de libages en pierre de Conflans, d'une grande hauteur, parfaitement conservées et posées sur terre franche. Entre les piliers, existe une bonne ma?onnerie de moellon et de mortier.]
Maurice de Sully, qui mourut en 1196, laissa 5,000 livres pour couvrir le choeur en plomb; ainsi, à cette époque, le choeur était entièrement terminé. Après lui, les constructions furent heureusement continuées suivant les premières dispositions, pendant assez de temps pour permettre l'achèvement du vaisseau.
L'église de Maurice de Sully forme comme le noyau de la cathédrale de Paris, et il est facile encore de la distinguer malgré la richesse de la décoration dont les XIIIe et XIVe siècles sont venus l'envelopper. Ainsi que nous le prouvons plus loin, c'est aux premières années du XIIIe siècle que l'on doit faire remonter la construction de la magnifique fa?ade occidentale, celle des éperons et des galeries de la nef, ainsi que l'arrangement des grandes fenêtres, et c'est encore dans la seconde moitié de ce siècle que furent ajoutées les chapelles de la nef. Enfin les deux fa?ades des transcepts, les chapelles du choeur, et une grande partie des arcs-boutans appartiennent au XIVe siècle.
Un fait assez rare et qui peut être observé à Notre-Dame, c'est que les XVe, XVIe et XVIIe siècles n'ont rien ajouté à cette église déjà complète.
Les grosses colonnes rondes intérieures, les galeries supérieures du choeur et les grandes parties de murs élevés sur ces galeries appartiennent à la construction primitive. Alors ces murs étaient percés de fenêtres beaucoup moins longues que celles qu'on y voit aujourd'hui, quoi qu'elles aient conservé leurs colonnettes et arcs anciens. Deux de ces fenêtres à doubles biseaux se voient encore à l'entrée de la nef. Par leur élévation au-dessus des galeries, elles avaient permis la construction d'un comble d'une seule pente, dont on voit encore la trace le long du mur de la tour; les filets et les jets d'eau existent encore sur toute la face méridionale, et les deux grands éperons qui viennent maintenir les deux extrémités du transcept étaient destinés, en même temps qu'ils contrebutaient, à former les pignons de ces combles. Les grandes fenêtres que l'on y voit les éclairaient ainsi que les galerie. Cette disposition, plus simple que celle actuelle, laissait intérieurement au-dessus de l'arcature des galeries supérieures, un grand espace vide destiné peut-être à recevoir des peintures.
Le choeur conserve, au-dessous de la corniche actuelle, une large ceinture de damiers qui tiennent à la construction primitive. Quant aux arcs-boutans, ils étaient probablement comme les deux qui existent encore contre les murs du choeur, c?té du midi, couvert de dalles, ornés d'une dentelure peu saillante. Soit que les fonds aient manqué, soit que l'architecte ait, après la mort de Maurice de Sully, changé la disposition
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