Pour la patrie | Page 4

Jules-Paul Tardivel
La pluie tourment��e devient poussi��re; et le vent, s'engouffrant dans les chemin��es, hurle lugubrement.
--Brrr! fait celui qui a parl�� le premier. On dirait que tous les diables sont d��charn��s! Est-ce loin encore?
--Nous y serons dans un instant, dit son compagnon. Mais, pour moi, j'aime la temp��te qui brise les croix, qui renverse les ��glises, qui fait trembler les hommes. C'est le souffle du grand Pers��cut�� qui passe, Dieu de la nature! Il secouera ses cha?nes. Il triomphera. Il ��crasera son ��ternel Ennemi. Il se d��livrera lui-m��me et nous d��livrera avec lui de la tyrannie d'Adona?. Oui, j'aime tout ce qui est force, tout ce qui est rage, tout ce qui est fureur, tout ce qui renverse, tout ce qui brise, tout ce qui d��truit.
En parlant ainsi, cet homme s'est arr��t��. Son regard lev�� vers le ciel est aussi sombre que la nuit. Sa main ferm��e fait un geste de menace, et ses paroles de blasph��me sortent en sifflant entre ses dents fortement serr��es.
--Tu parles comme un vrai kadosch! fait l'autre, avec un accent l��g��rement ironique.
--Et toi, on dirait parfois que tu es un adona?te d��guis��!
Puis ils continuent leur route en silence.
Les deux compagnons arrivent bient?t �� une ruelle plus obscure encore que les rues environnantes. Ils s'y engagent furtivement, et frappent, d'une mani��re particuli��re, �� la porte d'une habitation basse dont toutes les fen��tres sont ferm��es par de solides volets. Il y a rapide ��change de mots de passe; puis la porte s'entr'ouvre et les deux ouvriers de t��n��bres se glissent plut?t qu'ils n'entrent dans la maison.
Ouvriers de t��n��bres! Oui, car c'est dans cette maison obscure que se r��unit le conseil central de la Ligue du Progr��s de la province de Qu��bec. Cette ligue n'est rien autre chose que la franc-ma?onnerie organis��e en vue des luttes politiques. Sauf le nom et certaines singeries jug��es inutiles, c'est le carbonarisme: m��me organisation, m��me but, m��mes moyens d'action.
La province de Qu��bec a march�� rapidement dans les voies du progr��s moderne depuis quarante ans. Les grands bouleversements sociaux dont la France fut le th��atre au commencement du vingti��me si��cle, ont jet�� sur nos rives un nombre consid��rable de nos cousins d'outre-mer. Parmi ces immigrants quelques bons sont venus renforcer l'��l��ment sain et vraiment catholique de notre population. Mais la France mondaine, sceptique, railleuse, impie et ath��e, la France des boulevards, des th��atres, des cabarets, des clubs et des loges, la France ennemie d��clar��e de Dieu et de son ��glise a aussi fait irruption au Canada. Depuis longtemps les th��atres sont florissants �� Qu��bec et �� Montr��al, et des troupes de com��diens font des tourn��es dans les principaux centres: Trois-Rivi��res, Saint-Hyacinthe, Joliette, Saint-Jean, Sorel, Chicoutimi, gatant les moeurs, ramollissant les caract��res. La litt��rature corruptrice qui sort de Paris comme un fleuve immonde se r��pand sur notre pays depuis plus d'un demi-si��cle. Elle a port�� ses fruits de mort. Grand nombre de coeurs ont ��t�� empoisonn��s, et de ces coeurs gat��s s'��l��ve un souffle pestilentiel qui obscurcit les intelligences. La foi baisse.
Tous le voient, tous l'admettent aujourd'hui. Il y a encore beaucoup de bon dans les campagnes, dans les masses profondes des populations rurales; mais les gens de bien sont paralys��s par l'apathie et la corruption des classes dirigeantes.
Ne nous ��tonnons donc pas de retrouver dans notre pays, au milieu du vingti��me si��cle, toutes les mis��res que la France et les autres pays de l'Europe connaissaient d��j�� au si��cle dernier.
Entrons maintenant avec les deux hommes que nous avons suivis , entrons avec eux dans cette salle brillamment ��clair��e des r��unions nocturnes de la ligue antichr��tienne. Sur les murs, on voit diff��rents embl��mes sataniques. Plusieurs fr��res causent entre eux. Le fauteuil du pr��sident est encore inoccup��.
�� l'arriv��e des deux sectaires dont nous avons entendu la conversation, tous les assistants se l��vent et s'inclinent. Celui des deux qui a blasph��m�� se rend tout droit au fauteuil, et ouvre la s��ance. C'est le ma?tre. �� la lumi��re qui inonde la salle nous voyons la figure de cet hommes aux paroles terribles. Sur ces traits, d'une r��gularit�� parfaite, sont ��crites toutes les passions, l'orgueil et la haine surtout. Son ame, qui se refl��te dans ses yeux flamboyant, est noire comme la nuit qu'il fait au dehors, violente comme la temp��te qui bouleverse en ce moment la nature. C'est la nuit et la temp��te incarn��es. Pourtant, cet homme sait se contenir. Et c'est �� cette rage contenue, �� cette rage qu'on entend gronder sans cesse comme un feu souterrain, mais qui ��clate rarement, qu'il doit son empire sur ceux qui l'entourent. Il les domine et les captive.
--Fr��res, dit la pr��sident, je vous ai r��unis ce soir pour conf��rer avec vous sur une mati��re de la plus haute importance. Personne d'entre vous n'ignore les grands ��v��nements politiques qui se sont produits depuis quelques jours. Avant-hier, grace �� nos efforts, grace �� notre
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