Pour la patrie | Page 5

Jules-Paul Tardivel
entente avec nos fr��res des autres provinces, la l��gislature de Qu��bec s'est prononc��e selon nos d��sirs. Il ne restait plus qu'elle sur notre chemin, vous le savez. Maintenant, il faut concentrer toutes nos forces et toutes nos ressources sur le parlement f��d��ral. C'est l�� que la grande et d��cisive bataille doit se livrer contre la superstition et la tyrannie des pr��tres. Si nous remportons la victoire, c'en est fait �� tout jamais du cl��ricalisme en ce pays....
--Et de notre nationalit��, et de notre langue aussi, dit celui qui avait accompagn�� le pr��sident.
--Qu'importe la nationalit��, qu'importe la langue, reprend le ma?tre, en lan?ant �� son interrupteur un regard charg�� de sombres ��clairs. Qu'importent ces affaires de sentiment si, en les sacrifiant, nous parvenons �� ��craser l'infame, �� d��raciner du sol canadien la croix des pr��tres, embl��me de la superstition, ��tendard de la tyrannie. J'ai d��j�� dit �� celui qui m'a interrompu qu'il semble parfois ��tre un Adona?te d��guis��. Je le lui r��p��te, et j'ajoute: qu'il prenne garde �� lui!
--Pourtant, ma?tre, fait un sectaire, il faut admettre que notre secr��taire, le fr��re Ducoudray, rend de nobles services �� la cause par son excellent journal la _Libre Pens��e_. S'il y a une feuille anticl��ricale dans le pays, c'est bien la _Libre Pens��e,_ n'est-ce-pas?
--Je le sais, poursuit le pr��sident, en faisant un grand effort pour se contenir. Mes paroles ont ��t�� sans doute trop vives; j'en demande pardon au fr��re Ducoudray. J'admire son talent et le z��le anticl��rical qu'il d��ploie dans la r��daction de la _Libre Pens��e_. Mais je ne puis m'emp��cher de craindre pour lui, car je sais qu'il a ��t�� ��lev�� dans la superstition....
--Il y a pourtant longtemps que j'ai bris�� avec elle, dit Ducoudray.
--Assez! fait le ma?tre. N'en parlons plus!... Je disais donc que la bataille d��cisive doit se livrer �� Ottawa. Nous avons �� choisir entre le statu quo, l'union l��gislative et la s��paration des provinces. Vous le savez, c'est l'union l��gislative que nous convoitons; c'est par elle que nous briserons l'influence des pr��tres, que nous ��toufferons la superstition, que nous r��pandrons la vraie lumi��re, que nous d��livrerons le peuple du joug infame qu'il porte depuis des si��cles. Pour r��ussir il faut de la hardiesse, sans doute; mais aussi de la prudence, une tactique savante, une strat��gie habile. Voici notre plan de campagne en deux mots: _l'union l��gislative sous le manteau du statu quo_. Nous n'arriverons pas �� l'union par le chemin direct. Les masses du peuple de cette province sont encore trop fanatis��es, trop domin��es par les pr��tres pour que nous puissions leur faire accepter l'union l��gislative si nous leur pr��sentons ouvertement notre projet. Ce serait nous exposer �� une d��faite certaine....
--Faut-il donc que la _Libre Pens��e_ change de tactique? demanda Ducoudray quelque peu intrigu��.
--Pas du tout, reprend le pr��sident. Au contraire, vous devez faire plus de tapage que jamais en faveur de l'union l��gislative. Mais vous aurez besoin de dire que vous la demandez uniquement en vue de l'��conomie et du progr��s mat��riel du pays. Gardez-vous bien de laisser ��chapper le moindre aveu touchant le v��ritable but que nous voulons atteindre par l'union l��gislative. Pendant que la _Libre Pens��e_ et son ��cole demanderont l'union l��gislative �� hauts cris, je ferai de la diplomatie. Ne soyez pas surpris si, au premier jour, je tourne ostensiblement le dos ou mouvement unioniste; si je passe armes et bagages dans le camp du _statu quo_; si je deviens l'un des chefs de ce parti. Vous, Ducoudray, vous m'attaquerez alors avec cette belle violence de langage qui vous est habituelle; vous me d��noncerez comme conservateur outr��, comme r��actionnaire. Appelez-moi cl��rical, si vous voulez. Ces attaques me vaudront la confiance des conservateurs; et cette confiance me permettra de manoeuvrer �� mon aise.
--Et que faudra-t-il dire de Lamirande et de sa bande de fanatiques? interroge Ducoudray.
--Tout ce que vous avez dit jusqu'ici, et m��me davantage, si c'est possible. Vous direz qu'ils ne demandent la s��paration que par ambition personnelle, et par fanatisme; que s'ils y r��ussissent, leur premier soin sera de r��tablir l'inquisition, de faire voter des lois pour forcer tout le monde �� assister �� la basse messe six fois la semaine, et �� la grand-messe et aux v��pres, le dimanche....
--Avec abonnement obligatoire au journal de Leverdier pour tous les p��res de famille!...
--Tr��s bien! fr��re Ducoudray, je vois que vous saisissez parfaitement mon id��e, et je suis convaincu que vous la traduirez fid��lement. En accablant les cl��ricaux et les _ultramont��s_ de ridicule, vous convaincrez les conservateurs de la n��cessit�� de se maintenir dans leur juste milieu et d'��viter les deux extr��mes, l'extr��me radical et l'extr��me catholique. C'est dans cette disposition d'esprit que je les veux pour leur faire accepter plus s?rement mes projets.
Pendant plus d'une heure encore, ces ouvriers de t��n��bres continuent ainsi leur oeuvre. Puis, ils se dispersent et s'en vont comme ils
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