de Saint-Chéron, près de Bàville, fontaine chantée en latin par tous les doctes et les beaux-esprits du temps, Rapin, Huet, etc., est restée connue dans le pays sous le nom de fontaine de Boileau. Le beau bouquet d'arbres qui en couronnait le bassin a été abattu il y a peu d'années. était-ce un présage? (Voir ci-après l'ép?tre en vers sur ce sujet.)]
Non, il n'est pas indispensable, pour provoquer en nous cette vive et profonde intelligence des choses naturelles, de s'en aller bien loin, au delà des mers, parcourant les contrées aimées du soleil et la patrie des citronniers, se balan?ant tout le soir dans une gondole, à Venise ou à Ba?a, aux pieds d'une Elvire ou d'une Guiccioli. Non, bien moins suffit: voyez Horace, comme il s'accommode, pour rêver, d'un petit champ, d'une petite source d'eau vive, et d'un peu de bois au-dessus, et paulùm sylvae super his foret; voyez La Fontaine, comme il aime s'asseoir et s'oublier de longues heures sous un chêne; comme il entend à merveille les bois, les eaux, les prés, les garennes et les lapins broutant le thym et la rosée, les fermes avec leurs fumées, leurs colombiers et leurs basses-cours. Et le bon Ducis, qui demeura lui-même à Auteuil, comme il aime aussi et comme il peint les petits fonds riants et les revers de coteaux! ?J'ai fait une lieue ce matin, écrit-il à l'un de ses amis, dans les plaines de bruyères, et quelquefois entre des buissons qui sont couverts de fleurs et qui chantent.? Rien de tout cela chez Boileau. Que fait-il donc à Auteuil? Il y soigne sa santé, il y traite ses amis Rapin, Bourdaloue, Bouhonrs; il y joue aux quilles; il y cause, après boire, nouvelles de cour, Académie, abbé Cotin, Charpentier ou Perrault, comme Nicole causait théologie sous les admirables ombrages de Port-Royal; il écrit à Racine de vouloir bien le rappeler au souvenir du roi et de madame de Maintenon; il lui annonce qu'il compose une ode, qu'il y hasarde des choses fort neuves, jusqu'à parler de la plume blanche que le roi a sur son chapeau; les jours de verve, il rêve et récite aux échos de ses bois cette terrible Ode sur la prise de Namùr. Ce qu'il fait de mieux, c'est assurément une ingénieuse ép?tre à Antoine: encore ce bon jardinier y est-il transformé en gouverneur du jardin; il ne plante pas, mais dirige l'if et le chèvre-feuil, et exerce sur les espaliers l'art de la Quintinie; il y avait même à Auteuil du Versailles. Cependant Boileau vieillit, ses infirmités augmentent, ses amis meurent: La Fontaine et Racine lui sont enlevés. Disons, à la louange de l'homme bon, dont en ce moment nous jugeons le talent avec une attention sévère, disons qu'il fut sensible à l'amitié plus qu'à toute autre affection. Dans une lettre, datée de 1695 et adressée à M. de Maucroix au sujet de la mort de La Fontaine, on lit ce passage, le seul touchant peut-être que présente la correspondance de Boileau: ?Il me semble, monsieur, que voilà une longue lettre. Mais quoi? le loisir que je me suis trouvé aujourd'hui à Auteuil m'a comme transporté à Reims, où je me suis imaginé que je vous entretenois dans votre jardin, et que je vous revoyois encore comme autrefois, avec tous ces chers amis que nous avons perdus, et qui ont disparu velut somnium surgentis.? Aux infirmités de l'age se joignirent encore un procès désagréable à soutenir, et le sentiment des malheurs publics. Boileau, depuis la mort de Racine, ne remit pas les pieds à Versailles; il jugeait tristement les choses et les hommes; et même, en matière de go?t, la décadence lui paraissait si rapide, qu'il allait jusqu'à regretter le temps des Bonnecorse et des Pradon. Ce qu'on a peine à concevoir, c'est qu'il vendit sur ses derniers jours sa maison d'Auteuil et qu'il vint mourir, en 1711, au clo?tre Notre-Dame, chez le chanoine Lenoir, son confesseur. Le principal motif fut la piété sans doute, comme le dit le Nécrologe de Port-Royal; mais l'économie y entra aussi pour quelque chose, car il ne ha?ssait pas l'argent[4]. La vieillesse du po?te historiographe ne fut pas moins triste et morose que celle du Monarque.
[Note 4: Cizeron-Rival, d'après Brossette, Récréations littéraires.]
On doit maintenant, ce nous semble, comprendre notre opinion sur Boileau. Ce n'est pas du tout un po?te, si l'on réserve ce titre aux êtres fortement doués d'imagination et d'ame: son Lutrin toutefois nous révèle un talent capable d'invention, et surtout des beautés pittoresques de détail. Boileau, selon nous, est un esprit sensé et fin, poli et mordant, peu fécond; d'une agréable brusquerie; religieux observateur du vrai go?t; bon écrivain en vers; d'une correction savante, d'un enjouement ingénieux; l'oracle de la cour et des lettrés d'alors; tel qu'il fallait pour plaire à la fois
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