Il avait cru s'imposer une privation douloureuse, accomplir un tour de force, et il ne se sent m��me pas incommod��. Il se porte mieux qu'avant. Que ne peut-il vaincre sa faim comme sa soif! Il je?nerait, il vivrait d'air.
Il ne se souvient m��me plus de sa timbale. Longtemps elle est inutile. Puis la servante Honorine a l'id��e de l'emplir de tripoli rouge pour nettoyer les chandeliers.
La Mie de Pain
M. Lepic, s'il est d'humeur gaie, ne d��daigne pas d'amuser lui-m��me ses enfants. Il leur raconte des histoires dans les all��es du jardin, et il arrive que grand fr��re F��lix et Poil de Carotte se roulent par terre, tant ils rient. Ce matin, ils n'en peuvent plus. Mais soeur Ernestine vient leur dire que le d��jeuner est servi, et les voil�� calm��s. A chaque r��union de famille, les visages se renfrognent.
On d��jeune comme d'habitude, vite et sans souffler, et d��j�� rien n'emp��cherait de passer la table �� d'autres, si elle ��tait lou��e, quand madame Lepic dit:
--Veux-tu me donner une mie de pain, s'il te pla?t, pour finir ma compote?
A qui s'adresse-t-elle? Le plus souvent, madame Lepic se sert seule, et elle ne parle qu'au chien. Elle le renseigne sur le prix des l��gumes, et lui explique la difficult��, par le temps qui court, de nourrir avec peu d'argent six personnes et une b��te.
--Non, dit-elle �� Pyrame qui grogne d'amiti�� et bat le paillasson de sa queue, tu ne sais pas le mal que j'ai �� tenir cette maison. Tu te figures, comme les hommes, qu'une cuisini��re a tout pour rien. ?a t'est bien ��gal que le beurre augmente et que les oeufs soient inabordables.
Or, cette fois, madame Lepic fait ��v��nement. Par exception, elle s'adresse �� M. Lepic d'une mani��re directe. C'est �� lui, bien �� lui qu'elle demande une mie de pain pour finir sa compote. Nul ne peut en douter. D'abord elle le regarde.
Ensuite M. Lepic a le pain pr��s de lui. ��tonn��, il h��site, puis, du bout des doigts, il prend au creux de son assiette une mie de pain, et, s��rieux, noir, il la jette �� madame Lepic.
Farce ou drame? Qui le sait? Soeur Ernestine, humili��e pour sa m��re, a vaguement le trac. --Papa est dans un de ses bons jours, se dit grand fr��re F��lix qui galope, effr��n��, sur les batons de sa chaise.
Quant �� Poil de Carotte, herm��tique, des bousilles aux l��vres, l'oreille pleine de rumeurs et les joues gonfl��es de pommes cuites, il se contient, mais il va p��ter, si madame Lepic ne quitte �� l'instant la table, parce qu'au nez de ses fils et de sa fille on la traite comme la derni��re des derni��res.
La Trompette
M. Lepic arrive de Paris ce matin m��me. Il ouvre sa malle. Des cadeaux en sortent pour grand fr��res F��lix et soeur Ernestine, de beaux cadeaux, dont pr��cis��ment (comme c'est dr?le!) ils ont r��v�� toute la nuit. Ensuite M. Lepic, les mains derri��re son dos, regarde malignement Poil de Carotte et lui dit:
--Et toi, qu'est-ce que tu aimes le mieux: une trompette ou un pistolet?
En v��rit��, Poil de Carotte est plut?t prudent que t��m��raire. Il pr��f��rerait une trompette, parce que ?a ne part pas dans les mains; mais il a toujours entendu dire qu'un gar?on de sa taille ne peut jouer s��rieusement qu'avec des armes, des sabres, des engins de guerre. L'age lui est venu de renifler de la poudre et d'exterminer des choses. Son p��re conna?t les enfants: il a apport�� ce qu'il faut.
--J'aime mieux un pistolet, dit-il hardiment, s?r de deviner.
Il va m��me au peu loin et ajoute:
--Ce n'est plus la peine de le cacher; je le vois!
--Ah! dit monsieur Lepic embarrass��, tu aimes mieux un pistolet! tu as donc bien chang��?
Tout de suite Poil de Carotte se reprend:
--Mais non, va, non, papa, c'��tait pour rire. Sois tranquille, je les d��teste, les pistolets. Donne-moi vite ma trompette, que je te montre comme ?a m'amuse de souffler dedans.
Madame Lepic: --Alors pourquoi mens-tu? pour faire de la peine �� ton p��re, n'est-ce pas? Quand on aime les trompettes, on ne dit pas qu'on aime les pistolets et surtout on ne dit pas qu'on voit des pistolets, quand on ne voit rien. Aussi, pour t'apprendre, tu n'auras ni pistolets ni trompette. Regarde-la bien; elle a trois pompons rouge et un drapeau �� franges d'or. Tu l'as assez regard��e. Maintenant, va voir �� la cuisine si j'y suis; d��guerpis, trotte et fl?te dans tes doigts.
Tout en haut de l'armoire, sur une pile de linge blanc, roul��e dans ses trois pompons rouge et son drapeau �� franges d'or, la trompette de Poil de Carotte attend qui souffle, imprenable, invisible, muette comme celle du jugement dernier.
La M��che
Le dimanche, madame Lepic exige que ses fils aillent �� la messe. On les fait beaux et soeur Ernestine pr��side elle-m��me �� leur toilette, au risque d'��tre en
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