retard pour la sienne. Elle choisit les cravates, lime les ongles, distribue les paroissiens et donne le plus gros �� Poil de Carotte. Mais surtout elle pommade ses fr��res.
C'est une rage qu'elle a. Si Poil de Carotte, comme un Jean Fillou, se laisse faire, grand fr��re F��lix pr��vient sa soeur qu'il finira par se facher aussi elle triche:
--Cette fois, dit-elle, je me suis oubli��e, je ne l'ai pas fait expr��s, et je te jure qu'�� partir de dimanche prochain, tu n'en aura plus.
Et toujours elle r��ussit �� lui en mettre un doigt.
--Il arrivera malheur, dit grand fr��re F��lix.
Ce matin, roul�� dans sa serviette, la t��te basse, comme soeur Ernestine ruse encore, il ne s'aper?oit de rien.
--L��, dit-elle, je t'ob��is, tu ne bougonneras point, regarde le pot ferm�� sur la chemin��e. Suis-je gentille? D'ailleurs je n'ai aucun m��rite. Il faudrait du ciment pour Poil de Carotte, mais avec toi, la pommade est inutile. Tes cheveux frisent et bouffent tout seuls. Ta t��te ressemble �� un chou-fleur et cette raie durera jusqu'�� la nuit.
--Je te remercie, dit grand fr��re F��lix.
Il se l��ve sans d��fiance. Il n��glige de v��rifier comme d'ordinaire, en passant sa main sur ses cheveux.
Soeur Ernestine ach��ve de l'habiller, le pomponne et lui met de gants de filoselle blanche.
--?a y est? dit grand fr��re F��lix.
--Tu brilles comme un prince, dit soeur Ernestine, il ne te manque que ta casquette. Va la chercher dans l'armoire.
Mais grand fr��re F��lix se trompe. Il passe devant l'armoire. Il court au buffet, l'ouvre, empoigne une carafe pleine d'eau et la vide sur sa t��te, avec tranquillit��.
--Je t'avais pr��venue, ma soeur, dit-il. Je n'aime pas qu'on se moque de moi. Tu es encore trop petite pour rouler un vieux de la vieille. Si jamais tu recommences, j'irai noyer ta pommade dans la rivi��re.
Ses cheveux aplatis, son costume du dimanche ruisselant, et tout tremp��, il attend qu'on le change ou que le soleil le s��che, au choix: ?a luit est ��gal.
--Quel type! se dit Poil de Carotte, immobile d'admiration. Il ne craint personne, et si j'essayais de l'imiter, on rirait bien. Mieux vaut laisser croire que je ne d��teste pas la pommade.
Mais tandis que Poil de Carotte se r��signe d'un coeur habitu��, ses cheveux le vengent �� son insu.
Couch�� de force, quelque temps, sous la pommade, ils font les morts; puis ils se d��gourdissent, et par une invisible pouss��e bossellent leur l��ger moule luisant, le fendillent, le cr��vent.
On dirait un chaume qui d��g��le. Et bient?t la premi��re m��che se dresse en l'air, droite, libre.
Le Bain
Comme quatre heures vont bient?t sonner, Poil de Carotte, f��brile, r��veille M. Lepic et grand fr��re F��lix qui dorment sous les noisetiers du jardin.
--Partons-nous? dit-il.
Grand fr��re F��lix: Allons-y, porte les cale?ons?
Monsieur Lepic: Il doit faire encore trop chaud.
Grand fr��re F��lix: Moi, j'aime mieux quand il y a du soleil.
Poil de Carotte: Et tu serras mieux, papa, au bord de l'eau qu'ici. Tu te coucheras sur l'herbe.
Monsieur Lepic: Marchez devant, et doucement, de peur d'attraper la mort.
Mais Poil de Carotte mod��re son allure �� grand peine et se sent des fourmis dans les pieds. Il porte sur l'��paule son cale?on s��v��re et sans dessin et le cale?on rouge et bleu de grand fr��re F��lix. La figure anim��e, il bavarde, il chante pour lui seul et il saute apr��s les branches. Il nage dans l'air et il dit �� grand fr��re F��lix:
--Crois-tu qu'elle sera bonne, hein? Ce qu'on va gigoter!
--Un malin! r��pond grand fr��re F��lix, d��daigneux et fix��.
En effet, Poil de Carotte se calme tout �� coup.
Il vient d'enjamber, le premier, avec l��g��ret��, un petit mur de pierres s��ches, et la rivi��re brusquement apparue coule devant lui. L'instant est pass�� de rire.
De reflets glac��s miroitent sur l'eau enchant��e. Elle clapote comme des dents claquent et exhale une odeur fade.
Il s'agit d'entrer l�� dedans, d'y s��journer et de s'y occuper, tandis que M. Lepic comptera sur sa montre le nombre de minutes r��glementaires. Poil de Carotte frissonne. Une fois de plus son courage, qu'il excitait pour le faire durer, lui manque au bon moment, et la vue de l'eau, attirante de loin, le met en d��tresse.
Poil de Carotte commence de se d��shabiller, �� l'��cart. Il veut moins cacher sa maigreur et ses pieds, que trembler seul, sans honte.
Il ?te ses v��tements un �� un et les plies avec soin sur l'herbe. Il noue ses cordons de souliers et n'en finit plus de les d��nouer. Il met son cale?on, enl��ve sa chemise courte et, comme il transpire, pareil au sucre de pomme qui poisse dans sa ceinture de papier, il attend encore un peu.
D��j�� grand fr��re F��lix a pris possession de la rivi��re et la saccage en ma?tre. Il la bat �� tour de bras, la frappe du talon, la fait ��cumer, et, terrible, au milieu, chasse vers les bords le troupeau des vagues courrouc��es.
--Tu n'y penses

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