Poignet-dacier | Page 5

Émile Chevalier
plus abondantes pendant l'��t�� de 1882, menait-on joyeuse vie �� la factorerie, vers la fin de l'automne de cette m��me ann��e.
Chaque soir, apr��s les rudes travaux de la journ��e, m��l��s aux Indiens, les braves trappeurs contaient des histoires merveilleuses, chantaient des chansons plus qu'��grillardes, et buvaient force whiskey, �� la sant�� de leurs belles.
Il fallait entendre r��sonner les ��chos de la grand'salle! et la voir donc! Quel spectacle! quel tohu-bohu! quel p��le-m��le de costumes, de physionomies, de races h��t��rog��nes!
P��n��trons-y. Il est sept heures de relev��e. La flamme jaillit par torrents dans les deux chemin��es cyclop��ennes qui se font face des deux c?t��s de la pi��ce et l'��clairent. Que vous semble de ces costumes de peaux, de ces mines ��tranges, de ces armes barbares? Le vent souffle avec rage au dehors. Il y fait un froid mortel, et la neige tombe en bord��e. Mais qu'importe? chacun ici a le sourire aux l��vres. Qui se croirait jamais �� quinze cents lieues des ��tablissements civilis��s?
Voici pourtant une de nos connaissances, James Mac Carthy, l'avocat de Qu��bec. Il a endoss�� le v��tement de chasseur septentrional: casque de peau de loup marin, tunique en cuir de daim, doubl��e de peau de cygne et orn��e de pimpantes broderies en rassade, mitas et mocassins en m��me mati��re.
Il cause chaleureusement avec un chef indien, Kit-chi-ou-a-pous, le Grand-Li��vre, sagamo illustre dans la tribu des Chippiouais.
C'est un homme d'une taille g��ante. Il mesure pr��s de sept pieds. Son profil offre de l'analogie avec celui d'un b��lier. Son front est fuyant, son nez busqu��, ses yeux rapproch��s et inclin��s comme ceux de la race mongole. Deux plumes d'aigle, symbole de sa puissance, sont pass��es en croix dans l'unique touffe de cheveux qu'il ��tale au sommet de la t��te. De longs anneaux d'argent pendent de ses oreilles et cliquettent contre ses ��paules. Sur sa poitrine est fi��rement ��tal�� un collier compos�� de griffes d'ours et de dents de morse.
Une peau de boeuf musqu�� l'enveloppe des pieds �� la t��te.
Mais ce qui rend surtout remarquable ce personnage, ce sont cinq bandes, larges d'un demi-pouce, l'une rouge, l'autre bleue, la troisi��me jaune d'or, la quatri��me verte, la cinqui��me blanche, qui se partagent horizontalement sa face, tandis qu'une sixi��me, noire comme l'��b��ne, descend perpendiculairement de son front jusque sous Se menton.
Kit-chi-ou-a-pous fume avec une lenteur calcul��e son poagan, ou calumet, au fourneau en pierre rouge, repr��sentant une figure bizarre,--sans doute quelque vague souvenir traditionnel de l'art des Asiatiques,--et au long tuyau enguirland�� de plumes omnicolores.
Mac Carthy le presse de questions, mais le chef se contente de r��pondre, de temps en temps, entre deux bouff��es de tabac, par une phrase br��ve et sentencieuse, qui irrite davantage encore l'impatience du jeune homme.
--Tu dis, mon fr��re, qu'il y a une distance bien grande entre ce fort et la rivi��re des Mines, s'��crie James.
--La distance d'une saison d'hiver �� l'autre.
--Et la route est p��nible!
--P��nible pour un coeur faible.
--Mais, est-il vrai qu'on y trouve de l'or!
--Les yeux de Kit-chi-ou-a-pous n'y ont point vu de ce sable jaune dont parle mon fr��re.
--On m'a racont�� qu'il y en avait en quantit��.
--Si mon fr��re sait mieux que Kit-chi-ou-a-pous, pourquoi l'interroge-t-il? r��pliqua s��chement le sagamo.
--Voudrais-tu m'y conduire? r��pliqua Mac Carthy.
Le Chippiouais secoua la t��te.
--Je te ferai, continua James, tel pr��sent de poudre, de balles, d'eau-de-feu que tu me demanderas.
Une lueur fauve raya les noires pupilles du sagamo, mais il r��pondit avec son impassibilit�� accoutum��e:
--L'homme demi-blanc a la langue crochue.
--Veux-tu un gage de ma parole!
--Non, je r��fl��chirai aux propositions de mon fr��re.
--Alors, je puis compter sur toi pour aller �� ces mines?
--Si j'accepte les pr��sents de mon fr��re, je le conduirai jusqu'au grand lac d'eau sal��e; mais je ne promets pas de lui montrer ce qu'il demande, car ce qu'il demande n'est plus.
Mac Carthy fit un geste d'incr��dulit��.
Mais le Grand-Li��vre, cessant de p��tuner, dit d'un ton mesur�� et grave:
--Que mon fr��re ��coute, afin que jamais il n'accuse Kit-chi-ou-a-pous de l'avoir faussement d��tourn�� de son sentier.
--J'ouvre mon oreille �� ton discours.
--Il y a bien des hivers, dit le sauvage, les cavernes de pierre jaune que d��sire mon fr��re existaient. Notre race ��tait riche, puissante alors. Elle poss��dait des armes terribles, redout��es des ennemis. Et ces armes avaient la couleur et l'��clat des rayons du soleil. Une grande sorci��re avait indiqu�� aux Peaux-Rouges l'endroit o�� gisait la mati��re pour les fabriquer. Elle ��tait belle pour tous, bonne pour eux. Aussi ils l'aimaient, la v��n��raient. Par malheur, les Visages-Pales vinrent dans le pays. Ils rencontr��rent la magicienne et lui demand��rent o�� ��taient les cavernes. Elle r��pondit qu'elle les y conduirait, s'ils promettaient de la respecter. Ils le promirent. Mais, en route, les mis��rables lui firent violence. Elle r��solut de se venger. C'est pourquoi, lorsqu'ils voulurent partir, apr��s s'��tre charg��s de pierre jaune, elle refusa de les accompagner, en disant qu'elle demeurerait dans la mine jusqu'�� ce que la
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