Il remplacerait leurs affirmations
par des négations. Réciproquement. S'il est ridicule d'attaquer les
premiers principes, il est plus ridicule de les défendre contre ces mêmes
attaques. Je ne les défendrai pas.
Le sommeil est une récompense pour les uns, un supplice pour les
autres. Pour tous, il est une sanction.
Si la morale de Cléopâtre eût été moins courte, la face de la terre aurait
changé. Son nez n'en serait pas devenu plus long.
Les actions cachées sont les plus estimables. Lorsque j'en vois tant dans
l'histoire, elles me plaisent beaucoup. Elles n'ont pas été tout à fait
cachées. Elles ont été sues. Ce peu, par où elles ont paru, en augmente
le mérite. C'est le plus beau de n'avoir pas pu les cacher.
Le charme de la mort n'existe que pour les courageux.
L'homme est si grand, que sa grandeur parait surtout en ce qu'il ne veut
pas se connaître misérable. Un arbre ne se connaît pas grand. C'est être
grand que de se connaître grand. C'est être grand que de ne pas vouloir
se connaître misérable. Sa grandeur réfute ces misères. Grandeur d'un
roi.
Lorsque j'écris ma pensée, elle ne m'échappe pas. Cette action me fait
souvenir de ma force que j'oublie à toute heure. Je m'instruis à
proportion de ma pensée enchaînée. Je ne tends qu'à connaître la
contradiction de mon esprit avec le néant.
Le coeur de l'homme est un livre que j'ai appris à estimer.
Non imparfait, non déchu, l'homme n'est plus le grand mystère.
Je ne permets à personne, pas même à Elohim, de douter de ma
sincérité.
Nous sommes libres de faire le bien.
Le jugement est infaillible.
Nous ne sommes pas libres de faire le mal.
L'homme est le vainqueur des chimères, la nouveauté de demain, la
régularité dont gémit le chaos, le sujet de la conciliation. Il juge de
toutes choses. Il n'est pas imbécile. Il n'est pas ver de terre. C'est le
dépositaire du vrai, l'amas de certitude, la gloire, non le rebut de
l'univers. S'il s'abaisse, je le vante. S'il se vante, je le vante davantage.
Je le concilie. Il parvient à comprendre qu'il est la soeur de l'ange.
Il n'y a rien d'incompréhensible.
La pensée n'est pas moins claire que le cristal. Une religion, dont les
mensonges s'appuient sur elle, peut la troubler quelques minutes, pour
parler de ces effets qui durent longtemps. Pour parler de ces effets qui
durent peu de temps, un assassinat de huit personnes aux portes d'une
capitale, la troublera--c'est certain -jusqu'à la destruction du mal. La
pensée ne tarde pas à reprendre sa limpidité.
La poésie doit avoir pour but la vérité pratique. Elle énonce les rapports
qui existent entre les premiers principes et les vérités secondaires de la
vie. Chaque chose reste à sa place. La mission de la poésie est difficile.
Et elle ne se mêle pas aux événements de la politique, à la manière dont
on gouverne un peuple, ne fait pas allusion aux périodes historiques,
aux coups d'Etat, aux régicides, aux intrigues des cours. Elle ne parle
pas des luttes que l'homme engage, par exception, avec lui-même, avec
ses passions. Elle découvre les lois qui font vivre la politique théorique,
la paix universelle, les réfutations de Machiavel, les cornets dont se
composent les ouvrages de Proudhon, la psychologie de l'humanité. Un
poète doit être plus utile qu'aucun citoyen de sa tribu. Son oeuvre est le
code des diplomates, des législateurs, des instructeurs de la jeunesse.
Nous sommes loin des Homère, des Virgile, des Klopstock, des
Camoëns, des imaginations émancipées, des fabricateurs d'odes, des
marchands d'épigrammes contre la divinité. Revenons à Confucius, au
Boudha, à Socrate, à Jésus-Christ, moralistes qui couraient les villages
en souffrant de faim! Il faut compter désormais avec la raison, qui
n'opère que sur les facultés qui président à la catégorie des phénomènes
de la bonté pure.
Rien n'est plus naturel que de lire le _Discours de la Méthode_ après
avoir lu _Bérénice_. Rien n'est moins naturel que de lire le _Traité de
l'Induction_ de Biéchy, le _Problème du Mal_ de Naville, après avoir
lu les Feuilles d'Automne, les Contemplations. La transition se perd.
L'esprit regimbe contre la ferraille, la mystagogie. Le coeur est ahuri
devant ces pages qu'un fantoche griffonna. Cette violence l'éclaire. Il
ferme le livre. Il verse une larme à la mémoire des auteurs sauvages.
Les poètes contemporains ont abusé de leur intelligence. Les
philosophes n'ont pas abusé de la leur. Le souvenir des premiers
s'éteindra. Les derniers sont classiques.
Racine, Corneille, auraient été capables de composer les ouvrages de
Descartes, de Malebranche, de Bâcon. L'âme des premiers est une avec
celle des derniers. Lamartine, Hugo, n'auraient pas été capables de
composer le _Traité de l'Intelligence_. L'âme de son auteur n'est pas
adéquate avec celle des premiers. La fatuité leur a fait perdre les
qualités
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