II, v. 47-92), il commen?ait cent choses à la fois. Sans compter les projets de 'quadri,' dont on ne sait pas s'ils désignaient un tableau qu'il aurait peint ou une idylle.
Voilà donc la vie, complète réellement, que mène André Chénier durant ces années de Paris. En 1787, c'est-à-dire alors qu'il a vingt-cinq ans, il est probable que la plus grande partie de ses oeuvres poétiques sont déjà exécutées. C'est alors qu'il est nommé secrétaire d'ambassade à Londres.
Il se rendit à son poste en décembre 1787 (p. 74, XIX). Il se déplut à Londres (p. 75, XX), soit qu'il se sent?t humilié dans une situation dépendante (p. 68, XIII), soit que, peu muni d'argent, il f?t réduit à faire pauvre figure au milieu d'une société aristocratique riche et volontiers dédaigneuse, soit plut?t que, comme jadis à Strasbourg, comme peut-être en Italie, il f?t pris de la nostalgie de son Paris et de ses habitudes faciles.
La littérature anglaise, malgré 'l'indulgence' que, selon Marie-Joseph, il avait pour Shakespeare, ne para?t pas lui avoir inspiré grand enthousiasme, peut-être parce que, connaissant insuffisamment l'Anglais, il lui était assez difficile de l'apprécier. Il a même sur les poètes anglais un jugement assez dur et fort injuste, à peine adouci par cette concession malgracieuse que 'quelquefois, dans leurs écrits nombreux' ils sont 'dignes d'être admirés par d'autres que par eux.' Sans doute, remarque M. Faguet, André Chénier songeait-il à Young, très en faveur à cette époque, et on aime à le supposer avec lui.
Ce séjour à Londres de trois ou quatre ans (jusqu'au milieu de 1790 ou l'été de 1791) fut d'ailleurs, surtout vers la fin, coupé de tant de voyages à Paris, qu'André Chénier finit par être plus souvent à Paris qu'à Londres.
Rentré à Paris, il y fait la connaissance de Mme Necker, de M. et Mme de Montmorin, de Mme de Sta?l, toute jeune encore. Il s'occupe plus que jamais de politique. Dès 1789 il fait partie de la _Société Trudaine_, cercle d'amis qui accueille la Révolution avec transport et devient la _Société de 1789_, puis la _Société des amis de la Constitution_. Il entre dans la politique militante par son _Avis au peuple fran?ais sur ses véritables ennemis_ inséré dans le _Journal de la Société de 1789_, le 28 ao?t 1790, pour lequel il re?ut du roi de Pologne une médaille accompagnée d'une lettre flatteuse. En avril 1791 il publie une brochure, L'Esprit de parti. Il écrit Le Jeu de Paume, où il trace à grands traits la naissance de l'Assemblée nationale et un programme politique, la première oeuvre poétique qu'il livre au public, composée dans le go?t des odes pindariques de Lebrun, mythologique, périphrastique et oratoire. Il écrit vingt et un articles (de novembre 1791 à juillet 1792) dans le Journal de Paris, rédigé par les _Amis de la Constitution_ ou Feuillants. Il publie, le 15 avril 1792, ses premiers _?ambes_, l'_Hymne sur l'entrée triomphale des Suisses révoltés du régiment de Chateauvieux_ (p. 123), la deuxième et dernière oeuvre poétique qu'il ait jamais imprimée.
Lors du procès de Louis XVI il écrit pour le malheureux roi quatre plaidoyers divers. Peu en s?reté à Paris, malade de corps et d'ame, après l'exécution du roi, il se retire à Versailles. Là, dans sa retraite de la rue de Satory (n° 69), il retourne sans doute à son _Hermès_, et, sous l'influence du sentiment tendre que lui inspire Mme Lecoulteux (Fanny) qu'il voyait à 'Luciennes,' c'est-à-dire Louveciennes, chez sa mère, Mme Pourrat, il produit ses dernières poésies amoureuses et les plus pures, comme son _Ode à Versailles_ (p. 116; voir aussi p. 75, XXII) et les élégies à Fanny. C'est là aussi qu'il écrivit son _Ode à Charlotte Corday_ (p. 118), si différente d'ailleurs d'inspiration et plus semblable à la poésie officielle du temps.
De retour chez son père, rue de Cléry, à l'automne de 1793, au plus fort de la Terreur, il se trouve le 7 mars 1794 à Auteuil, chez Mme Pastoret, née Piscatory, lorsque les commissaires chargés, en exécution d'un ordre du Comité de s?reté générale, d'arrêter cette femme, se présentent sans la trouver et l'arrêtent, lui, comme suspect. Il est mené à Saint-Lazare (la lettre d'écrou est datée du 9 mars), où il devait rester quatre mois et treize jours. En prison il se trouve en compagnie de Roucher, l'auteur des Mois_, son collaborateur au _Journal de Paris, de ses amis les Trudaine, qui vinrent bient?t l'y rejoindre, et du peintre Suvée, qui, le 29 messidor, fit le portrait du poète dans sa cellule.
C'est en prison qu'il écrit l'_Ode à Marie-Joseph_, rangé en politique dans le camp adverse, cet adieu si triste qui sonne comme une rupture, où il dit à ce frère:
...mes amis, ma famille,?Sont tous les opprimés, ceux qui versent des pleurs.
C'est en prison qu'il compose ses _?ambes_ vengeurs (pp. 124-7) et
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