Poésies Allemandes | Page 5

Friedrich Gottlieb Klopstock
nom alors est dans toutes les bouches.
Liberté, mère de tous les biens! n'est-ce pas encore en ton nom qu'ils
ont rompu de saints traités en commençant la guerre des conquêtes.
Hélas! beau rêve doré du matin, ton éclat ne m'éblouit plus; il ne m'a
laissé qu'une douleur comme celle de l'amour trompé.
Mais quelquefois dans un désert aride, il se présente tout à coup un
doux ombrage où se délasse le voyageur: telle a été pour moi Corday
l'héroïne, la femme homme.
Des juges infâmes avaient absous le monstre; elle a cassé leur jugement;
elle a fait ce qu'aimeront à raconter nos neveux le visage enflammé et
baigné de larmes d'admiration.
HERMANN ET TRUSNELDA
TRUSNELDA
Ah! le voici qui revient tout couvert de sueur, du sang des Romains et
de la poussière du combat! Jamais Hermann ne m'a paru si beau, jamais
tant de flamme n'a jailli de ses yeux!
Viens! je frémis de plaisir; donne-moi cette aigle et cette épée

victorieuse! Viens, respire plus doucement et repose-toi dans mes bras
qu tumulte de la bataille!
Viens! que j'essuie ton front couvert de sueur, et tes joues toutes
sanglantes! Comme elles brillent tes joues! Hermann! Hermann! Jamais
Trusnelda n'eut tant d'amour pour toi!
Non, pas même le jour que dans ta demeure sauvage tu me serras pour
la première fois de tes bras indomptés; je t'appartins désormais, et je
pressentis dès lors que tu serais immortel un jour.
Tu l'es maintenant: qu'Auguste, dans son palais superbe, embrasse en
vain l'autel de ses dieux!... Hermann, mon Hermann est immortel !
HERMANN
Pourquoi tresses-tu mes cheveux? Notre père est étendu mort, là, près
de nous; ah! si Auguste ne se dérobait à notre vengeance, il serait déjà
tombé, plus sanglant encore!
TRUSNELDA
Laisse-moi, mon Hermann, laisse-moi tresser ta flottante chevelure, et
la réunir en anneaux sous ta couronne... Siegmar est
maintenant chez
les dieux; il ne faut point le pleurer, mais l'y suivre!
HERMANN
CHANTÉ PAR LES BARDES
WERDOMAR,
KERDING ET DARMONT
WERDOMAR
Asseyons-nous, ô Bardes, sur ce rocher de la mousse antique et
célébrons Hermann: qu'aucun ne s'approche d'ici et ne recouvre le plus
noble fils de la patrie.
Car il gît là dans son sang, lui l'effroi secret de Rome, alors même
qu'elle entraînait sa Trusnelda captive, avec des danses guerrières et des
concerts victorieux!

Non, ne le regardez pas, vous pleureriez de le voir étendu dans son sang;
et la lyre ne doit point résonner plaintive, mais chanter la gloire de
l'immortel.
KERDING
Ma jeune chevelure est blonde encore; ce n'est que de ce jour que je
porte l'épée, de ce jour que j'ai saisi la lyre et la lance... et il faut que je
chante Hermann!
Ô pères, n'exigez pas trop d'un jeune homme: je veux essuyer mes
joues humides avec ma blonde chevelure, avant d'oser chanter le plus
noble des fils de Mana.
DARMONT
Oh! je verse des pleurs de rage; et je ne les essuierai pas: coulez,
inondez mes joues, larmes de la colère!
Vous n'êtes pas muettes; amis, écoutez leur langage: Malédiction sur
les Romains! Écoute, Héla : Que nul des traîtres qui l'ont égorgé ne
périsse dans les combats!
WERDOMAR
Voyez-vous le torrent sauvage se précipiter sur les rochers; il roule
parmi ses eaux des pins déracinés et les apporte au bûcher du héros.
Bientôt Hermann ne sera que poussière, il reposera dans un tombeau
d'argile, et à sa cendre nous joindrons l'épée sur laquelle il jura la perte
du conquérant.
Arrête, esprit du mort, toi qui vas rejoindre Siegmar, et vois comme le
coeur de ton peuple n'est rempli que de toi.
KERDING
Oh! que Trusnelda ignore que son Hermann est étendu là dans son sang!
Ne dites pas à cette noble femme, à cette mère infortunée que le père de

son Thumeliko n'est plus.
Celui qui l'apprendrait à cette femme, qui marcha un jour enchaî- née
devant le char de triomphe du vainqueur, celui-là aurait un coeur de
Romain!
DARMONT
Et quel père t'a engendré, malheureuse fille? Un Segestes, qui aiguisait
dans l'ombre le glaive de la trahison. Ne le maudissez pas... Héla déjà
l'a condamné.
WERDOMAR
Segestes est un nom qui doit être banni de vos chants; que l'oubli
descende sur lui: qu'il reploie ses lourdes ailes, et sommeille sur sa
poussière!
Les cordes qui frémissent du nom d'Hermann seraient souillées si elles
répétaient le nom du traître, même pour l'accuser.
Hermann! Hermann! Les bardes font retentir de ton nom l'écho des
forêts mystérieuses; toi, le chef des braves, le libérateur de la patrie!
Ô bataille de Winsfeld, soeur de la bataille de Cannes, je t'ai vue les
cheveux épars et sanglants, le feu de la vengeance dans les yeux,
apparaître parmi les harpes du Valhalla!
Le fils de Drusus voulait en vain effacer les traces de ton passage en
cachant dans la vallée de la
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 10
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.