Plus fort que la haine | Page 3

Léon de Tinseau
et d?ment mari��s, et m��me qu'ils avaient sembl�� particuli��rement satisfaits de l'��tre. Il ajouta--et le bonhomme s'y connaissait--que, dans sa longue carri��re, il n'avait jamais rencontr�� de futur mieux fait et plus ��pris, de future plus belle, mieux habill��e et de plus grand air. Apr��s quoi il mourut.
Pendant ce temps-l��, une ancienne ��l��ve, rest��e la favorite de la R��v��rende M��re de Chavornay, finissait par apprendre de celle-ci que le jeune m��nage, au sortir de la chapelle, s'��tait rendu �� l'h?tel Quilliane et y avait pass�� vingt-quatre heures, dans le plus strict incognito, bien entendu. Cette infraction aux usages, qualifi��e par les douairi��res de mariage �� la hussarde, fut g��n��ralement blam��e. Une vieille fille, assez m?re pour avoir son franc parler, ne craignit pas de dire:
--A la place de la novice il m'aurait sembl�� que la chambre nuptiale du quai d'Orsay n'��tait pas assez distante de la cellule de l'avenue Kl��ber, et j'aurais cru commettre un sacril��ge en n'allant pas plus loin.
--Oh! mademoiselle, r��pondit le baron de Javerlhac, l'enfant terrible du Faubourg malgr�� ses soixante ans, on voit bien que vous n'avez jamais pass�� par l��! Auriez-vous donc oblig�� ces pauvres diables �� attendre qu'ils fussent dans la lune pour songer �� la terre?
--D'ailleurs, fit observer la jeune marquise de Boisboucher, parente d'Albert, j'ai eu quelques d��tails. Les ��poux n'ont m��me pas d��jeun�� en t��te �� t��te, car la respectable Mrs Crowe, l'ancienne dame de compagnie de ma nouvelle cousine, s'est mise �� table avec eux, je le sais de bonne source.
Une chose impossible �� savoir, en revanche, ��tait le lieu vers lequel S��nac et sa femme avaient pris leur vol en quittant Paris. Probablement ils se cachaient dans le vieux chateau de S��nac, demeure f��odale peu habit��e depuis longtemps et enfonc��e dans les montagnes de l'Ard��che. Allaient-ils donc y passer un si��cle, sans voir personne?--Bon moyen de se prendre en aversion! proph��tis��rent les personnes d'exp��rience.
Mais, un beau jour, on apprit que les S��nac avaient ��t�� rencontr��s en ��gypte. Sans doute, ils refaisaient, sous forme de p��lerinage amoureux, l'excursion qui leur avait si bien r��ussi deux ans plus t?t. Ce dernier trait acheva de les classer parmi les chercheurs de quintessence dont il ne faut rien attendre de bon. Pendant une semaine on ne parla point d'autre chose.
--Ils comprennent la fausset�� de leur situation, proclama la s��v��re marquise de Castelbouc, et n'osent pas se montrer avant qu'on ait oubli�� leur histoire. Mariage de novice, mariage de divorc��e: au fond les deux se ressemblent.
Avec plus de mesure, le baron de Javerlhac, qui joue volontiers le r?le de juge amateur dans les causes mondaines, r��suma les plaidoiries et pronon?a l'arr��t par contumace:
--Pl?t au ciel qu'il n'y e?t rien de plus �� reprendre aux vingt ou trente mariages qui se feront chez nous cette ann��e, qu'�� celui-l��! Ces braves gens n'ont qu'un tort, dont ils seront seuls �� souffrir. Je les devine trop diff��rents des ��tres masculins et f��minins parmi lesquels le sort les appelle �� vivre. Ils veulent ��tre meilleurs que leur ��poque, et croient pouvoir donner en tout la premi��re place au sentiment. Or, nos romanciers eux-m��mes fuient le sentiment dans leurs livres, parce que ?a ne se vend plus. Si j'��tais l'ami intime de ces deux r��veurs, je leur conseillerais de rester toute leur vie en ��gypte,--et encore c'est un peu trop pr��s d'ici. Quand ils se trouveront en face de la vie telle qu'on nous l'a faite et que nous l'avons faite, ils m'en diront des nouvelles!
Javerlhac n'��tait pas toujours si tendre envers son prochain, car la bienveillance n'��tait pas son p��ch�� mignon. L'avenir devait montrer si, malgr�� cette mansu��tude, il avait vu l'avenir trop en noir dans sa proph��tie. Tandis qu'il livrait au vent les feuilles de l'oracle, Th��r��se de S��nac ��crivait la lettre suivante �� Mrs Crowe qui venait de passer, toute seule au vieux chateau, un hiver assez diff��rent de celui du jeune m��nage:
?Le Caire, 25 avril 188...
?Ma ch��re Kathleen, savez-vous pourquoi je ne vous ai gu��re envoy�� que des bulletins de sant�� depuis mon d��part? C'est que--je suis habitu��e �� vous dire tout--notre ��quip��e d'outre-mer me causait des terreurs folles; mais vous devinez bien que ce n'est pas le voyage en lui-m��me que je craignais.
?Quelle dangereuse t��m��rit�� pour Albert, quelle folle pr��somption pour moi, cette id��e de refaire, dans la prose du bonheur atteint, le m��me voyage fait une premi��re fois dans la po��sie de l'impossible r��v��! Encore presque une enfant, je comprenais d��j�� que les ��toiles m'auraient paru bien moins belles apr��s que j'aurais pu les toucher. D'ailleurs, il me semblait qu'il ne faut pas recommencer certaines minutes particuli��rement douces de la vie. La seconde rose, cueillie au m��me rosier, ne donne pas l'ivresse de la premi��re. Le printemps n'a qu'un rossignol: celui qui nous a surpris, un beau soir, de sa s��r��nade oubli��e. Le
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