Plus fort que la haine | Page 2

Léon de Tinseau
r��tablissaient les faits et d��fendaient leur ancienne compagne contre les attaques de leurs a?n��es.
--Th��r��se n'a jamais port�� l'habit religieux, disaient-elles. Son mariage s'est d��cid�� la veille du jour o�� devait avoir lieu la v��ture. Donc elle n'est pas plus d��froqu��e que nous.
--C'est bien subtil. Depuis trois ans elle ��tait enferm��e l��-bas, et tout le monde la consid��rait d��j�� comme bien et d?ment clo?tr��e. Joli couvent, d'ailleurs, si les amoureux y entrent comme au moulin!
--Mais non, ch��re madame; elle a connu M. de S��nac en ��gypte, dans un voyage...
--En ��gypte! En voici bien d'une autre! Cette jeune personne accomplissait le tour du monde pendant qu'on la croyait prostern��e dans sa cellule! C'est ce que nous appellerons faire son noviciat �� l'am��ricaine.
--H��! la pauvre petite ne voyageait pas pour son plaisir. Elle accompagnait son fr��re, malade de la poitrine, si malade qu'il en est mort, malgr�� l'��gypte...
--Et qu'il n'a pas tr��s bien surveill�� sa garde-malade. S��nac aura si fort compromis la demoiselle que le couvent la lui a laiss��e pour compte.
--Mais non, puisqu'elle est rentr��e au couvent apr��s son voyage et qu'elle y a pass�� presque deux ans.
--Bon! je vois ce que c'est. Le monsieur l'aura quelque peu enlev��e.
--Croyez-vous? La R��v��rende M��re de Chavornay, qui est une sainte, n'aurait pas mis son nom sur les billets de part. Surtout elle n'aurait pas mari�� sa ni��ce dans la chapelle de son pensionnat, en pr��sence des religieuses et des ��l��ves.
--D'accord. Et les ��poux n'ont pu trouver, �� eux deux, pour mettre sur les billets, qu'une vieille religieuse qui ne porte m��me pas leur nom? Comme parent��, c'est maigre, et cela sent l'enfant trouv�� d'une lieue.
--Ce n'est pas leur faute si Christian de Quilliane, fr��re de la mari��e, fut le dernier de sa race, et s'ils n'ont, l'un et l'autre, ni p��re ni m��re, ni fr��re, ni soeur...
Pendant huit jours, des conversations de ce genre furent ��chang��es dans une cinquantaine de salons, les plus hupp��s de Paris. Mais, si le jeune m��nage trouvait toujours des gens pour l'attaquer, plus rarement des ames charitables ��taient l�� pour le d��fendre. On l'attaquait toutefois avec une mod��ration relative, soit par un reste de cette franc-ma?onnerie aristocratique si puissante en certains pays, si relach��e dans le n?tre; soit parce qu'on ne savait sur lui que du bien, dans le peu qu'on savait. Apr��s examen, il parut ��vident qu'on aurait mauvaise grace �� ne pas ouvrir ses portes au grand large devant ces originaux, et m��me �� ne pas assister aux f��tes qu'ils allaient donner, car on d��cida aussi qu'ils en donneraient. Une chose en effet ne pouvait se discuter: c'est que l'ancien h?tel des Quilliane, devenu l'h?tel des S��nac par le testament du dernier marquis et le mariage de Th��r��se, ��tait l'une des plus magnifiques r��sidences du quai d'Orsay, la seule peut-��tre �� qui la R��volution et les embellissements de Paris n'ont enlev�� ni un arbre, ni une pierre, ni une tapisserie, ni un meuble.
En somme, la haute soci��t�� m��nageait aux S��nac des dispositions plut?t bienveillantes. Restait pour eux �� en profiter avec reconnaissance, et, voil�� pr��cis��ment ce qui ne parut pas les pr��occuper beaucoup. F��vrier s'��coula--le mariage avait eu lieu �� la Chandeleur--et les hautes baies de l'h?tel continu��rent �� laisser voir derri��re les ��troits carreaux de leurs vitres la peinture jaunie des volets ferm��s. Le car��me s'enfuit; les cloches de Paques sonn��rent; les bals s'annonc��rent partout, except�� chez les S��nac, dont le Faubourg n'entendait plus parler. Peu s'en fallut qu'on ne les r��clamat �� la police.
On avait si bien compos�� d'avance le menu de leurs d?ners et la liste de leurs invitations, que bien des gens commen?aient �� sentir un mouvement d'humeur en passant sous les fen��tres obstin��ment ferm��es. A toute force on e?t accord�� remise de quelques mois pour cause de r��parations--les appartements devaient ��tre furieusement d��labr��s--si, du moins, le jeune couple avait abattu sa tourn��e de visites. Mais ils en prenaient par trop �� leur aise, aussi bien avec les gens press��s qu'avec les gens curieux; en d'autres termes, ils se moquaient du monde.
Aussi le monde, indispos�� par cet exemple facheux d'insoumission, jugea-t-il �� propos de faire une enqu��te s��rieuse; malheureusement les t��moins manquaient, m��me ceux du mariage, car trois d'entre eux ��taient venus tout expr��s du fond de la province, et depuis longtemps avaient regagn�� leurs gentilhommi��res respectives. C'��tait �� croire que les mari��s avaient pr��vu ce qui se passerait. Dieu merci! le quatri��me t��moin habitait la capitale, mais il avait quatre-vingts ans, et le pauvre vieux, ayant pris froid au sortir de la c��r��monie, luttait sans espoir contre une bronchite, au fond d'un h?tel perdu �� l'extr��mit�� de la rue du Cherche-Midi. N��anmoins, questionn�� sans mis��ricorde entre deux ��touffements, il eut le temps de d��clarer que l'aventure n'��tait pas une l��gende, qu'Albert et Th��r��se existaient en chair et en os, qu'ils ��taient bien
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