un livre de psychologie, exposer les causes en les prenant aux origines les plus lointaines, dire tous les pourquoi de tous les vouloirs et discerner toutes les r��actions de l'ame agissant sous l'impulsion des int��r��ts, des passions ou des instincts.
Les partisans de l'objectivit��, (quel vilain mot!) pr��tendant, au contraire, nous donner la repr��sentation exacte de ce qui a lieu dans la vie, ��vitent avec soin toute explication compliqu��e, toute dissertation sur les motifs, et se bornent �� faire passer sous nos yeux les personnages et les ��v��nements.
Pour eux, la psychologie doit ��tre cach��e dans le livre comme elle est cach��e en r��alit�� sous les faits dans l'existence.
Le roman con?u de cette mani��re y gagne de l'int��r��t, du mouvement dans le r��cit, de la couleur, de la vie remuante.
Donc, au lieu d'expliquer longuement l'��tat d'esprit d'un personnage, les ��crivains objectifs cherchent l'action ou le geste que cet ��tat d'ame doit faire accomplir fatalement �� cet homme dans une situation d��termin��e. Et ils le font se conduire de telle mani��re, d'un bout �� l'autre du volume, que tous ses actes, tous ses mouvements, soient le reflet de sa nature intime, de toutes ses pens��es, de toutes ses volont��s ou de toutes ses h��sitations. Ils cachent donc la psychologie au lieu de l'��taler, ils en font la carcasse de l'oeuvre, comme l'ossature invisible est la carcasse du corps humain. Le peintre qui fait notre portrait ne montre pas notre squelette.
Il me semble aussi que le roman ex��cut�� de cette fa?on y gagne en sinc��rit��. Il est d'abord plus vraisemblable, car les gens que nous voyons agir autour de nous ne nous racontent point les mobiles auxquels ils ob��issent.
Il faut ensuite tenir compte de ce que, si, �� force d'observer les hommes, nous pouvons d��terminer leur nature assez exactement pour pr��voir leur mani��re d'��tre dans presque toutes les circonstances, si nous pouvons dire avec pr��cision: ?Tel homme de tel temp��rament, dans tel cas, fera ceci?, il ne s'ensuit point que nous puissions d��terminer, une �� une, toutes les secr��tes ��volutions de sa pens��e qui n'est pas la n?tre, toutes les myst��rieuses sollicitations de ses instincts qui ne sont pas pareils aux n?tres, toutes les incitations confuses de sa nature dont les organes, les nerfs, le sang, la chair, sont diff��rents des n?tres.
Quel que soit le g��nie d'un homme faible, doux, sans passions, aimant uniquement la science et le travail, jamais il ne pourra se transporter assez compl��tement dans l'ame et dans le corps d'un gaillard exub��rant, sensuel, violent, soulev�� par tous les d��sirs et m��me par tous les vices, pour comprendre et indiquer les impulsions et les sensations les plus intimes de cet ��tre si diff��rent, alors m��me qu'il peut fort bien pr��voir et raconter tous les actes de sa vie.
En somme, celui qui fait de la psychologie pure ne peut que se substituer �� tous ses personnages dans les diff��rentes situations o�� il les place, car il lui est impossible de changer ses organes, qui sont les seuls interm��diaires entre la vie ext��rieure et nous, qui nous imposent leurs perceptions, d��terminent notre sensibilit��, cr��ent en nous une ame essentiellement diff��rente de toutes celles qui nous entourent. Notre vision, notre connaissance du monde acquise par le secours de nos sens, nos id��es sur la vie, nous ne pouvons que les transporter en partie dans tous les personnages dont nous pr��tendons d��voiler l'��tre intime et inconnu. C'est donc toujours nous que nous montrons dans le corps d'un roi, d'un assassin, d'un voleur ou d'un honn��te homme, d'une courtisane, d'une religieuse, d'une jeune fille ou d'une marchande aux halles, car nous sommes oblig��s de nous poser ainsi le probl��me: ?Si j'��tais roi, assassin, voleur, courtisane, religieuse, jeune fille ou marchande aux halles, qu'est-ce que je ferais, qu'est-ce que je penserais, comment est-ce que j'agirais?? Nous ne diversifions donc nos personnages qu'en changeant l'age, le sexe, la situation sociale et toutes les circonstances de la vie de notre moi que la nature a entour�� d'une barri��re d'organes infranchissable.
L'adresse consiste �� ne pas laisser reconna?tre ce moi par le lecteur sous tous les masques divers qui nous servent �� le cacher.
Mais si, au seul point de vue de la compl��te exactitude, la pure analyse psychologique est contestable, elle peut cependant nous donner des oeuvres d'art aussi belles que toutes les autres m��thodes de travail.
Voici, aujourd'hui, les symbolistes. Pourquoi pas? Leur r��ve d'artistes est respectable; et ils ont cela de particuli��rement int��ressant qu'ils savent et qu'ils proclament l'extr��me difficult�� de l'art.
Il faut ��tre, en effet, bien fou, bien audacieux, bien outrecuidant ou bien sot, pour ��crire encore aujourd'hui! Apr��s tant de ma?tres aux natures si vari��es, au g��nie si multiple, que reste-t-il �� faire qui n'ait ��t�� fait, que reste-t-il �� dire qui n'ait ��t�� dit? Qui peut se vanter, parmi nous, d'avoir ��crit une page, une phrase qui
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