femme, la montrant fausse dans sa nature plus encore que dans ses actes, toujours en train de se jouer un personnage �� elle-m��me, incapable d'une ��motion vraie, mais adroite en diable �� se servir de ses moindres nuances de sentiment, comme d'une mouche que l'on se pose au coin de l'oeil, et une description physique non moins ��vocatrice. Je voyais, tandis qu'il parlait, la cr��ature fine et blonde, d'un blond d'ondine, toujours comme les cheveux du portrait de Pietro, avec des dents de jeune louve dans une bouche mince, avec un estomac d'acier sous des formes fr��les, des nerfs invincibles dans une langueur de jeune saule.
--?Quel coup d'oeil!? dis-je �� Casal comme nous sortions du fumoir; ?savez-vous qu'il aurait du talent s'il ��crivait comme il parle, ce jeune homme?...?
Raymond mit son doigt sur sa bouche:
--?C'est b��te, et bourgeois, et de dixi��me ordre....? dit-il. ?Mais la haine ce soir l'a rendu ��tonnant.... Il a ��t�� son amant dix-huit mois, �� ma connaissance.... C'est toujours dr?le, n'est-ce pas??
* * * * *
--?Casal a raison,? me disais-je en sortant de l'h?tel Mayence �� pied, et tout seul, par cette belle et froide nuit. ?C'est toujours dr?le.... H�� bien! je ne suis donc pas le seul que l'amour conduise �� la fureur. Faut-il que ce gar?on d��teste cette femme, pour en oublier ainsi les plus ��l��mentaires principes de la d��licatesse et diffamer devant dix personnes sa ma?tresse d'hier, de demain peut-��tre? Et c'est ?a l'amour!... Une haine f��roce entre deux accouplements....? Cette d��finition m'amusa. Puis j'avais d��couvert un nouveau compagnon de bagne. Cela console toujours. Bref, je marchai all��grement jusqu'au boulevard, puis de l�� vers la place Vend?me. J'entrai au cercle, esp��rant rencontrer un camarade avec qui tuer un peu de nuit avant d'aller me coucher. Personne. Il ��tait onze heures. L'id��e me vint de pousser jusqu'aux bureaux du journal le Conservateur, o�� je me croyais s?r de trouver l'homme de Paris qui dit le plus volontiers du mal des femmes, mon vieux confr��re Rodolphe Accard, le journaliste de ce temps qui a peut-��tre le plus ��crit d'articles et qui en a le moins sign��. Et quel original!... Accard a cinquante ans environ aujourd'hui. Il est sale, je dirais comme son peigne, s'il avait jamais peign�� ses cheveux embroussaill��s et sa barbe inculte. Des dents fortes �� broyer des noyaux de p��che, mais jaunes comme le culot de sa pipe; des mains �� croire qu'il en ferait de l'encre au besoin, rien qu'en les lavant; la taille d'un g��ant, une carrure de buveur de bi��re et l'oeil bleu le plus fin derri��re un lorgnon dont le cordon toujours cass�� en vingt endroits a l'air d'une petite corde �� noeuds pour bateau d'enfants. Voil�� un homme aussi sage que Michel Mayence dans ses rapports avec le sexe. Ses moeurs sont simples et franches. Il proteste lui-m��me n'avoir jamais fr��quent�� que des ?fenestri��res?. Pour s'expliquer ce go?t particulier, il faut se rendre compte que ces dames sont des personnes de l'apr��s-midi, qu'elles abondent rue Montmartre et dans le voisinage, que c'est l�� le quartier o�� sont ��tablis les bureaux de beaucoup de journaux et que ledit Accard est le journaliste maniaque, le professionnel le plus enrag��, celui qui n'a qu'une passion, qu'une id��e, qu'un vice: le Journal. Le vieux Buloz ��tait ainsi pour sa Revue. Depuis sa mort, je crois que personne n'a aim�� l'odeur de l'imprimerie comme Accard.
Vers deux heures, il arrive �� la r��daction. Remarquez qu'il est officiellement simple bulletinier. Mais ne faut-il pas lire les feuilles du matin? A quatre heures, il les conna?t toutes. Puis vient le tour des d��p��ches, puis le compte rendu des commissions et de la Chambre. A six heures, il s'enferme dans un petit bureau qu'il s'est fait attribuer et que meuble une collection du journal depuis 1840, ��poque de sa fondation, par Montalembert, s.v.p.! Il ��crit un premier article, quitte �� en ��crire un second, si l'actualit�� l'exige. Vers sept heures, il va d?ner, dans un petit restaurant,--pas loin du Conservateur,--o�� il poss��de son rond de serviette. Vers huit heures, il fait sa promenade hygi��nique,--cent pas de long en large pendant quelque cinquante minutes,--sur le trottoir du boulevard qui longe le journal. A neuf heures, il monte. Personne encore. Le directeur d?ne en ville. Le r��dacteur en chef est au th��atre. Les reporters courent les caf��s. Le secr��taire lui-m��me est en retard, ayant accept�� une invitation chez un romancier qui pr��pare le lan?age de sa prochaine ?Etude? psychologique, intuitiviste, naturaliste, symboliste, v��riste,--ou rienologiste! Alors commence, pour le vrai, le pur ouvrier en journal, une petite angoisse quotidienne. Elle lui repr��sente ce que peut ��tre, pour le cuisinier de race, le d?ner �� ne pas manquer, le mat �� donner pour le joueur d'��checs, un contre �� tromper pour l'escrimeur, une bataille �� livrer pour un g��n��ral. Toutes
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