que la nature a
creusé entre le lac Supérieur et les lacs Huron et Michigan.
La rivière Sainte-Marie est interceptée par des rapides dangereux, au
pied desquels s'élève, au sud, sur la rive américaine, un village appelé
Sault-Sainte-Marie, et au nord, sur la rive anglaise, un poste occupé par
la compagnie de la baie d'Hudson.
Le village est donc américain, le poste anglais.
Dans le premier, le gouvernement des États-Unis a installé une petite
garnison pour la protection de ses nationaux, qui se livrent à la traite
des pelleteries ou à l'exploitation des précieuses mines de cuivre dont
est, comme nous l'avons dit, enrichie la rive méridionale du lac
Supérieur, «primitivement appelé lac Tracy, en l'honneur de M. de
Tracy, qui fut nommé vice-roi d'Amérique par le roi de France au mois
de juin. 1665» [3]. Dans ses curieuses Lettres sur les États-Unis
d'Amérique, où, à travers quelques appréciations fausses, on trouve des
considérations du premier ordre et des descriptions fort remarquables,
le colonel Pisani, qui visita le Sault Sainte-Marie en 1856, en a fait un
tableau auquel je suis heureux d'emprunter les lignes suivantes:
[Note 3: Mémoires de J. Long.]
«La mission Sainte-Marie du Sault fut fondée en 1665 par le père
Allouez.
«A cette époque, les missionnaires, et, par eux, le gouvernement du
Canada, connaissaient déjà parfaitement et la géographie du lac et la
nomenclature des tribus qui habitaient ses rives. Ces tribus étaient
nombreuses, et la liste de leurs noms est aussi longue que baroque;
mais la population de chacune d'elles était bien peu considérable.
Trente mille sauvages, au plus, erraient entre le lac Michigan, le
Haut-Mississipi et la baie d'Hudson, et avaient pour centre social,
géographique et religieux (si ces mots peuvent s'appliquer à des
agglomérations humaines à peine sorties de l'état de nature) la race
sud-est du grand lac. C'était principalement près du rapide ou
Sault-Sainte-Marie qu'ils se réunissaient, à l'époque du printemps, pour
s'y livrer à la pêche du poisson blanc, l'une des plus abondantes qu'il y
ait au monde, et pour vendre leurs pelleteries aux traitants canadiens.
Ces peuples se rattachent à trois langues mères, les langues siouse,
algonquine et huronne. C'est le nom d'Ouattouais [4] qui revient le plus
fréquemment dans les relations des jésuites, comme désignant les tribus
de l'extrême ouest par rapport au Canada. Ainsi les missions des bords
du lac étaient appelées missions chez les Ouattouais.
[Note 4: Ce nom doit s'écrire Outaouais.--H.-E. C.]
«Le christianisme, qui est la religion des races supérieures, eut peu de
prise sur les Ouattouais. Les jésuites furent presque toujours obligés de
tolérer chez les néophytes certains restes de leurs pratiques idolâtriques,
sous lesquels on feignait de trouver un fond de foi orthodoxe. Mais si
les succès des religieux furent contestables, leurs succès politiques
furent éclatants. En moins de dix ans, les missions du
Sault-Sainte-Marie, du Saint-Esprit, de Saint-Francois-Xavier avaient
fait du nom de la France l'objet de respect et de l'affection de toutes les
tribus de l'ouest [5]. En 1670, l'intendant du Canada Talon, l'un des
administrateurs les plus capables qu'ait eus la colonie, résolut de mettre
à profit ces bonnes dispositions, et d'établir d'une manière solennelle et
officielle le protectorat de la France sur ces contrées dont il devinait
l'avenir. L'entreprise n'était pas facile. Il s'agissait, non pas de l'achat tel
ou tel territoire, comme a fait Penn sur les bonds de la Delaware,
comme le font encore aujourd'hui plus ou moins furtivement les
Américains, mais d'une sorte d'annexion politique, consentie librement
par le suffrage universal. Qu'on me passe ces mots du vocabulaire
moderne, assez étranges à l'occasion d'un acte politique du
dix-septième siècle et d'un acte politique du roi Louis XIV; mais ils
sont nécessaires pour caractériser cette conquête de la France, conquête
qui ne ressemble guère à celle de la Franche-Comté, de la Flandre et de
l'Alsace, mais qui contraste avec ces dernières encore plus par sa nature
pacifique et philanthropique que par ses proportions territoriales.
[Note 5: Exemple frappant: Quoique Québec eût été prise, en 1759, par
les Anglais et que, dès lors, nous eussions perdu toute puissance
politique sur les rives du Saint-Laurent, les Indiens ne voulurent pas
reconnaître l'empire britannique avant 1763 un de leurs chefs les plus
influents, Pontiac, dont nous publierons prochainement. L'histoire,
forma même alors le projet d'expulser, au profit des Français, la race
saxonne du continent américain. Si la France l'eût soutenu, qui sait s'il
n'eût pas réussi? Mais l'éventail de madame de Pompadour faisait la
brise et la tempête.--H.-E. C.]
«Talon choisit pour émissaire un nommé Nicolas Perrot, laïque, mais
employé longtemps au service des missionnaires. Perrot parcourut,
pendant le printemps et l'été de 1670, toutes les contrées de l'ouest. Il
ne s'arrêta, au midi, que chez les Miamis, c'est-à-dire chez les peuples
qui habitaient le pays où est bâtie, maintenant, la ville de Chicago.
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.