Peaux-rouges et Peaux-blanches | Page 6

Émile Chevalier
termina par un ��loge du monarque auquel ils allaient se donner et par un pompeux tableau de sa puissance. Ce discours a ��t�� conserv��, en entier, dans les Relations des J��suites: il est fort curieux en ce qu'il montre l'extr��me souplesse de l'esprit des j��suites et leur habilet�� incomparable �� adapter leur ��loquence et leurs moyens d'action au caract��re particulier des peuples qu'ils avaient �� soumettre au joug de la civilisation et de la foi.
?Il est probable que les Indiens furent fortement impressionn��s de ce discours, car, lorsque M. de Saint-Lusson, apr��s que le p��re Allouez eut fini de parler, leur demanda s'ils consentaient �� se ranger, eux, leurs descendants et leurs pays sous l'autorit�� du grand Ononthio [6], ce ne fut qu'un cri d'assentiment. Les Fran?ais y r��pondirent par les acclamations de Vive le roi! et des d��charges de mousqueterie. La c��r��monie se termina par un Te Deum.
?Cet acte est c��l��bre dans l'histoire de l'Am��rique sous le nom de Trait�� du Sault-Sainte-Marie. Il est peu de titres parmi ceux qui garantissent les possessions territoriales des nations ou des princes europ��ens qui aient une origine aussi s��rieuse, aussi authentique et aussi lib��rale que le trait�� par lequel la France a poss��d��, pendant quatre-vingt-dix ans, tout le nord-ouest des ��tats-Unis [7].
[Note 6: C'est encore ainsi que les Indiens nomment le gouverneur du Canada.--H.-E. C.]
[Note 7: L'auteur aurait d? dire ?de l'Am��rique septentrionale,? puisque le territoire de la baie d'Hudson qui fait partie de cette contr��e et qui est maintenant aux Anglais devint, par ce trait��, notre propri��t��.--H.-E. C.]
?La guerre de Sept-Ans et le trait�� qui en a ��t�� la suite nous ont d��pouill��s de ce magnifique h��ritage, mais aujourd'hui, quand un Fran?ais y p��n��tre en ��tranger, il ne peut oublier que ses anc��tres le re?urent jadis librement des mains d'une race faible et confiante; que, fid��les �� leurs engagements, ils avaient entrepris de la civiliser, et que leurs successeurs, h��ritiers de leurs devoirs comme de leurs droits, n'ont su que la d��grader, l'an��antir [8].
[Note 8: Civiliser les Indiens utopie, pr��texte de l'ambition ou du fanatisme religieux. Le sauvage est moins fait pour la civilisation que le civilis�� pour la vie sauvage. Les gens d��sint��ress��s, qui connaissent les Peaux-Rouges, loin de songer �� les civiliser, protestent contre les tentatives faites �� ce sujet. ��coutez Schoolcraft, un observateur profond, un savant ��rudit, un ��crivain consciencieux, qui passe la moiti�� de sa vie au milieu du d��sert am��ricain:
?L'Indien est poss��d�� d'un esprit de r��miniscence qui se pla?t dans des allusions au pass��. Il parle d'une sorte d'age d'or o�� tout allait mieux pour lui que maintenant, alors qu'il avait de meilleures lois, de meilleurs chefs, que les crimes ��taient plus promptement punis, que sa langue ��tait parl��e avec une puret�� plus grande, que les moeurs ��taient moins entach��es de barbarie. Mais tout cela semble passer �� travers le cerveau indien comme un r��ve, et lui fournit plut?t la source d'une sorte de r��trospection agr��able et secr��te qu'un stimulant pour l'exciter �� des efforts pr��sents ou futurs. Il languit comme un ��tre d��chu et d��sesp��r�� de se relever. Il ne para?t, pas ouvrir les yeux �� la perspective de la civilisation et de l'exaltation mentale d��roul��e devant lui, comme si cette sc��ne lui ��tait nouvelle ou attrayante. Depuis plus de deux si��cles des instructeurs (teachers) et des philanthropes lui ont peint ce tableau, mais il n'y a rien vu pour secouer sa torpeur et s'��lancer dans la carri��re de la civilisation et du perfectionnement. Il s'est plut?t ��loign�� de ce spectacle avec l'air d'une personne pour qui toutes ces choses ?nouvelles? ��taient ?vieilles?, et il a r��solument pr��f��r�� ses bois, son wigwam, son canot. --Algic Researches preliminary observations, par H.-R. Schoolcraft.
Je le r��p��te, cela n'est que trop vrai pour ceux qui ont s��rieusement ��tudi�� les races indiennes de l'Am��rique, septentrionale.--H.-E-C.]
Le Sault-Sainte-Marie a donc une importance historique, consid��rable, et dont tout Fran?ais a le droit d'��tre fier.
Les Rapides ��tant un obstacle �� la navigation, on a creus�� un canal pour obvier �� cet inconv��nient.
?Ce canal, poursuit M. Pisani, a 1,600 m��tres de long et une largeur suffisante pour que les plus gros navires y puissent flotter. La diff��rence de niveau entre ses deux extr��mit��s est de 8 m��tres 37; c'est pr��cis��ment la hauteur des Rapides, et la moiti�� de celle des eaux du lac Sup��rieur au-dessus des eaux du lac Michigan, le premier ��tant �� 193 m��tres et le second �� 482 m��tres 65 au-dessus du niveau de la mer. Deux ��cluses suffisent pour faire franchir aux batiments la diff��rence du niveau.
?Le canal n'est ouvert que depuis six ans. Avant sa construction, un chemin de fer de 1,600 m��tres de parcours longeait les Rapides et aboutissait �� deux quais de d��barquement, l'un en amont, l'autre en aval de l'obstacle �� franchir. Les marchandises apport��es par les
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