Peaux-rouges et Peaux-blanches | Page 3

Émile Chevalier
d'une puret�� antique. Si son air ��tait dur, imp��rieux, le plus souvent il savait l'adoucir, l'empreindre de bienveillance, de tendresse, d'un charme infini, quand il le voulait.
Et sa voix! une voix de Stentor, qui s'entendait �� plus d'un mille, qui portait l'effroi partout o�� elle retentissait, cette voix il la rendait suave, harmonieuse, enchanteresse �� ses heures d'amour. Elle ��mouvait les hommes, elle enivrait les femmes.
Une chose pourtant d��tonnait dans l'aspect de cet ��tre superbe, ce roi-d��mon de l'humanit��.
Son costume.
Costume rouge qui lui pr��tait les dehors d'un bourreau, toque, plume, tunique de chasse, ceinture, culottes, bottes, tout ��tait rouge, rouge comme le sang.
Ce qu'on racontait de lui, de ses prouesses, je d��penserais un volume �� le redire.
Deux mots emprunt��s aux rapports des trappeurs suffiront pour donner une id��e de ce qu'il valait �� leurs yeux: d'un coup de poing il avait assomm�� un bison, il suivait un cheval �� la course, logeait �� deux cents m��tres de distance une balle dans l'oeil d'un daim, et �� un mille d'intervalle son oreille pouvait discerner, sur la prairie, le pas d'un homme de celui d'une femme.
Nous sommes loin de nous porter garant pour ces r��cits et nombre d'autres plus extraordinaires dont le Mangeux-d'Hommes ��tait alors le h��ros; mais tel on le repr��sentait, et tel nous ne pouvions nous emp��cher de le montrer.
--Par le Christ, mon fr��re a?n��, je vous ��gorgerai tous comme des chevreaux, tas de racailles que vous ��tes! s'��cria-t-il, lorsque ses gens l'eurent, �� grand'peine, terrass�� et d��sarm��.
Assur��ment, r��pondit l'��corch�� d'un ton paisible; mais quand nous aurons fait une prise que je sais.
--Toi, je te d��fends de parler!
--Et, cependant, je parlerai, capitaine, car j'avais une bonne nouvelle �� vous annoncer...
Tais-toi! fit le Mangeux-d'Hommes, roulant autour de lui des regards furieux.
--Si je me taisais, vous seriez bien attrap��.
Le capitaine s'��tait relev��, toujours tenu par ses hommes qui cherchaient �� le calmer.
--D'abord, poursuivit son lieutenant, j'��tais entr�� dans votre chambre pour vous dire qu'on attend, �� la pointe Kiouina, un navire, avec une lourde cargaison exp��di��e aux mineurs.
--- Et c'est pour cela que tu m'as manqu�� de respect!
--J'en laisse juges nos compagnons. Un article du R��glement des Ap?tres porte...
--Je me moque des articles du R��glement!
--Porte, r��p��ta flegmatiquement l'��corch��, que tous nous vous devons respect et soumission dans les affaires du service...
--C'est vrai! dirent les bandits.
--Mais, continua Judas, cet article ajoute que, hors du service, nous jouissons des m��mes droits que vous.
--C'est encore vrai, appuy��rent les auditeurs.
--Or, ajouta le lieutenant, vous m'avez ordonn�� de vous verser �� boire: j'ai refus��; c'��tait mon droit.
--Oui, oui.
--Lachez-moi commanda, le Mangeux-d'Hommes.
--A une condition.
--Laquelle?
--Vous m'��couterez jusqu'�� la fin.
--On t'��coutera, fils de...
--Pas d'injures.
--Bien; va! fit le capitaine en s'asseyant, les bras crois��s sur le bord de la table.
--Je disais donc, reprit l'��corch��, qu'en nous pressant un peu, nous ferons une capture magnifique, qui remontera notre garde-manger, notre cave, et nous procurera...
--Encore une de tes id��es folles!
--Vous verrez, le navire attendu �� la pointe Kiouina vient pour ravitailler les gens des mines.
--Tu l'as d��j�� dit! grommela le Mangeux-d'Hommes. Mais le moyen de s'en emparer?
--Le moyen! il n'est pas difficile.
--Nous ne sommes que treize. Ils sont deux cents aux mines! sans cela, depuis longtemps, je serais ma?tre des tr��sors...
--Suivez mes avis, capitaine, et ils seront �� nous... avant un mois.
--Hum! hum tu es un beau diseur
--Et un bon faiseur, quand je m'y mets
--Toi! fit le chef avec un geste de m��pris.
L'��corch�� ne parut pas faire attention �� ce mouvement.
--Vous saurez, dit-il, qu'ils sont peu nombreux �� bord du navire, une quinzaine seulement. Nous n'en ferons pas deux bouch��es.
--D'o�� tiens-tu ces renseignements?
--Je les tiens de Jacques-le-Mineur, qui arrive du Sault-Sainte-Marie, ou il a vu appareiller le batiment.
--Ah! ah! fit le capitaine, en se tournant vers l'homme que son lieutenant venait de d��signer.
--Oui, affirma celui-ci. J'��tais all��, d'apr��s vos ordres, au Sault-Sainte-Marie, pour chercher les lettres de New-York...
--Je sais; passe.
--Et j'ai remarque qu'on affr��tait un bateau pour Kiouina.
--Mais il est peut-��tre d��j�� arriv�� �� sa destination!
--Du tout. Il devait mettre �� la voile huit jours apr��s mon d��part.
--En es-tu s?r?
--Comme de raison, capitaine; j'ai pris, l��-dessus, toutes mes informations.
--C'est qu'il y a loin d'ici Kiouina.
--Deux fois quarante-huit heures de navigation, au plus, fit l'��corch��. Et notez que nous commen?ons �� je?ner. Le cellier se vide et les saloirs aussi. Quant �� la chasse ou �� la p��che, nous n'en sommes pas friands!
--Tout cela est bel et bon, mais comment s'emparer de ce bateau? murmura le Mangeux-d'Hommes.
--En faisant diligence, nous le surprendrons, �� la faveur de la nuit, dans quelque baie. Il para?t, d'ailleurs, qu'il a, �� son bord, un jeune Fran?ais, un ing��nieur, qui pourrait joliment nous servir si nous entreprenions l'exploitation des mines, dit le lieutenant avec un sourire d'intelligence �� son chef.
--Par le Christ, mon fr��re a?n��, j'adopte le projet, dit ce dernier en se levant. Mais si tu nous m��nes
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