Peaux-rouges et Peaux-blanches | Page 2

Émile Chevalier
existence coupable et turbulente avaient stigmatis�� leurs physionomies d'un cachet ind��l��bile.
Ils avaient nom: Pierre; Andr��; Jean; Philippe; Jacques-le-Majeur; Barthelemy; Thomas; Mathieu; Thad��e; Jacques-le-Mineur; Paul. Et finalement Judas,--sobriqu��tis�� l'Ecorch��--, l'alter ego de ce Mangeux-d'Hommes, qui, par un incroyable blasph��me, se faisait appeler J��sus.
Son surnom, l'��corch�� le m��ritait de point en point.
Sept pieds de haut, droit comme un if, efflanqu��, maigre plus qu'un phthisique au troisi��me degr��, il n'avait que la peau et les os.
Mais sous cette peau, tendue comme celle d'un tambour, les os faisaient saillie partout. Et quoique longs, fusel��s, aussi gr��les que ceux d'un loup apr��s un hiver rigoureux, ils jouaient avec tant d'aisance sur leurs charni��res anguleuses, qu'on devinait ais��ment que l'ensemble constituait une charpente solide comme le bronze, ��lastique comme l'acier.
De vrai, l'��corch�� avait la souplesse et la vigueur d'un ressort. Chose ��trange, cependant! avec l'apparence d'un temp��rament fi��vreux, excitable au possible, il ��tait g��n��ralement froid, d'une irritante impassibilit��. Son costume diff��rait peu de celui des autres aventuriers: seulement la nuance du capot, plus fonc��e, tirait sur le gris de fer.
A son casque on remarquait une cocarde verte, symbole de son grade, et sans doute aussi en souvenir de l'Irlande o�� il ?avait re?u la naissance,? suivant son expression.
Judas ��tait le lieutenant de J��sus, le Mangeux-d'Hommes, commandant des Douze Ap?tres ainsi s'intitulait fi��rement la bande dont nous venons d'esquisser le tableau.
Ce titre, elle l'avait emprunt�� au lieu m��me qui lui servait de repaire: les ?les des Douze Ap?tres, situ��es dans le lac Sup��rieur, pr��s de son extr��mit�� occidentale.
C'est un archipel, couvert de sombres for��ts de pins, du haut des rochers duquel la vue embrasse un horizon immense, et assez rapproch�� de la terre ferme pour qu'un canot puisse aborder en quelques heures.
Sur la plus grande des ?les, les Fran?ais ��tablirent,--y a bien des ann��es d��j��,--un poste pour la traite des pelleteries. Appel�� La Pointe, parce qu'il s'��l��ve au bout m��me de l'?le, ce poste a conserv�� son nom, quoiqu'il soit devenu, depuis le si��cle dernier, la propri��t�� des Anglo-Saxons.
Une compagnie de commer?ants am��ricains le poss��de aujourd'hui, et y fait des ��changes consid��rables avec les Indiens du voisinage. C'est un lieu de rendez-vous annuel pour l'homme rouge et le trafiquant blanc un point de d��part pour les excursions aux vastes solitudes de l'Am��rique septentrionale.
Bien d��fendu, bien garnisonn�� maintenant, le poste de la Pointe n'avait, en 1836, que quelques employ��s, facteurs, commis, trappeurs et engag��s, pour la prot��ger contre la haine des Indiens et l'avidit�� des r?deurs du d��sert, hordes pillardes, compos��es de l'��cume de la soci��t�� civilis��e et de la lie des races sauvages ou m��tis, mais qui, sans cesse, errent sur la fronti��re, dans le but de d��trousser les chasseurs isol��s et de ravager les ��tablissements des colons assez t��m��raires pour affronter leur rapacit��.
Malgr�� le petit nombre de ses habitants, le poste de la Pointe ��tait cependant, grassement approvisionn��.
On disait que ses magasins renfermaient des fourrures pour plus de vingt mille dollars, des articles de pacotille pour une somme ��gale et des liqueurs en abondance.
Ce bruit parvint jusqu'�� un chef de bandits qui d��solait les rives du lac Sup��rieur.
Le Mangeux-d'Hommes r��solut de s'emparer de la factorerie et de s'y retrancher comme dans une citadelle.
Ce criminel dessein fut bient?t mis �� ex��cution, mais non sans pertes pour le brigand, dont la troupe se trouva, apr��s le coup fait, r��duite �� douze hommes.
De l��, l'id��e de les baptiser les Douze Ap?tres, du nom des ?les dont ils ��taient devenus ma?tres.
Les Douze Ap?tres commenc��rent par faire bombance, sans s'inqui��ter beaucoup de leur s?ret�� personnelle, car ils savaient que de longtemps on ne se hasarderait �� les relancer dans leur repaire.
Pour varier les plaisirs, ils se livraient �� de fr��quentes incursions dans le voisinage, ruinaient les habitations des trappeurs, ravissaient les jeunes Indiennes, et poussaient l'insolence jusqu'�� inqui��ter les mineurs de la presqu'?le Kiouina, ou diverses soci��t��s industrielles avaient d��j�� entrepris l'extraction du minerai de cuivre sur une grande ��chelle.
Quand les mis��rables eurent gaspill�� leur butin, ce fut pis encore. Ils os��rent s'attaquer aux autres factoreries, comme celle de Fond du Lac, et au printemps de 1831 ils intercept��rent la plupart des convois de pelleteries destin�� soit aux compagnies am��ricaines, soit m��me �� celle de la baie d'Hudson, sur territoire Britannique.
Si grande que fut l'animosit�� g��n��rale contre les Douze Ap?tres, plus grande ��tait encore la terreur qu'ils inspiraient,--leur chef surtout.
La l��gende, active, f��conde, dans ces r��gions sauvages, s'��tait saisie de lui. Elle en avait fait un ��tre surnaturel, un dieu du mal.
Le Mangeux-d'Hommes se trouvait, d'ailleurs, parfaitement �� son aise dans l'habit merveilleux dont on l'avait rev��tu.
D'une taille qui approchait celle de son lieutenant, mais d'une corpulence d��mesur��e, toutefois dou�� de proportions sym��triques et d'un visage qu'on ne pouvait s'emp��cher d'admirer, malgr�� sa grosseur ��norme. Nulle ligne, dans ses membres, qui f?t irr��guli��re; nul trait, dans sa figure, qui ne f?t
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