Pauvre petite! | Page 4

Paul Bourget
trouvais l�� toujours!... Elle semblait m��me avoir un malin plaisir �� lui parler comme en secret.
Cet hiver-l��, j'avais beaucoup entendu jaser sur Louise, mais �� quoi bon attacher une importance quelconque aux bruits mondains?
Les conversations vont leur train, elles se croisent et s'entre-croisent si bien que, souvent, dans une m��me soir��e, une m��me personne soutient, en partant, le contraire de ce qu'elle affirmait �� son arriv��e; c'est ainsi que les uns disaient: ?Avez-vous remarqu�� la baronne de X (c'��tait Louise) et dom Pedro? Ils se g��nent peu.--Mais non, r��pondaient les autres, dom Pedro ne vit plus que pour la belle Mme de B. (c'��tait Matt)!? Quelquefois on se hasardait �� me demander mon avis. Devant cette audace qui me r��voltait, je r��pondais invariablement: ?Louise est mon amie, je suis s?re d'elle comme de moi-m��me!? Et ils s'en allaient, les uns souriant, les autres me croyant.
Un soir de bal, au printemps suivant, Mathilde m'entendit faire cette m��me r��ponse; elle me reprit d'un ton moqueur:
--Oh! oh! fit-elle, vous croyez donc que dom Pedro a bien peu d'attaque, et Louise beaucoup de d��fense?
--Que voulez-vous dire, Mathilde?
--Silence, suivez-moi.
Nous ��tions chez un de ces richissimes banquiers avec lesquels toute l'Europe compte �� pr��sent. Un salon aux tentures bleu de ciel, qu'encadraient d��licieusement des dorures d'une finesse admirable, conduisait �� la salle de danse ��blouissante de lumi��re.
C'��tait, �� ce moment, un spectacle exquis; les danses ��taient fort gaies, il y avait beaucoup de jeunes gens: ces joues anim��es, ces ��paules nues, charg��es pour la plupart des pierreries les plus pr��cieuses, les rires, la musique, tout cet ensemble entra?nant for?ait, en quelque sorte, la nature la plus calme �� quelque agitation... Matt voulait me mener dans la serre sur laquelle donnait cette salle; il ��tait impossible de songer alors �� la traverser, mais on pouvait facilement la tourner en passant par un d��licieux boudoir rempli d'objets d'une grande valeur.
Rien ne peut dire le calme myst��rieux de ce vaste jardin de cristal. Des plantes exotiques r��pandues �� profusion tendaient leurs larges feuilles comme pour tamiser encore la pale lumi��re qu'on y laissait p��n��trer comme �� regret... Un petit jet d'eau cach�� dans le parterre central couvrait de son bruit les conversations intimes!... un seul couple ��tait assis, mais je ne pouvais distinguer les figures:
--Louise et dom Pedro! murmura Mathilde �� mon oreille, en me les d��signant.
Je me retournai vivement avec l'intention de lui donner, �� tout hasard, un d��menti formel... je me trouvai en face du mari de Louise:
--Vous avez donc oubli��, Madame, que vous m'aviez promis cette valse?
--Non pas, je vous cherchais!...
Et, me pr��cipitant �� son bras, je l'entra?nai dans le tourbillon, plus vite que je ne mets de temps �� l'��crire, et nous valsions, nous valsions... moi m'effor?ant de rire de tout, et lui cherchant �� formuler quelque excuse sur la mani��re brutale dont, pr��tendait-il, il m'avait entra?n��e loin de ma causerie!...
Longtemps la vision de la serre se repr��senta �� mon esprit, mais je la chassais comme on chasse un mauvais r��ve! Non, pensais-je, c'est impossible, Louise, si belle, si artiste, si intelligente! et dom Pedro si vulgaire, si... Non!
Mais alors, cette intimit�� r��elle ou feinte, pourquoi?...
III
Dom Pedro ne m'avait jamais tant d��plu que la derni��re fois que je l'avais vu. C'��tait le soir du dernier concert que Louise avait donn��; et peu de temps apr��s, les d��parts pour la campagne vinrent nous s��parer tous, au moins pour quelque temps; je tachai d'oublier cette impression.
Dans ses lettres Louise ne faisait aucune allusion au Portugais, elle me demandait seulement, avec une insistance bien plus marqu��e que de coutume, d'aller la voir. Je finis par c��der, le voyage n'��tait pas bien long; elle avait toujours chez elle d'agr��ables r��unions; je me d��cidai et me mis en route.
L'automne �� V... ��tait charmant; on y inventait parties sur parties, cavalcades pour les uns, chasses pour les autres, com��dies plus ou moins bien jou��es, etc... Louise savait int��resser tout son monde et donner �� chacun sa distraction pr��f��r��e, tandis qu'elle-m��me s'adonnait de plus en plus �� la musique. Lorsque j'arrivai le chateau ��tait plein.
Le grand salon ��tait dispos�� d'une fa?on d��licieuse; les fen��tres couvertes d'une l��g��re bu��e �� cause du froid ext��rieur,--on ��tait en novembre,--laissaient apercevoir, malgr�� le cr��puscule naissant, des arbres s��culaires formant un majestueux arceau, qui se perdait au loin dans la brume. C'est par cette avenue qu'on arrivait; aussi, quand ma voiture tourna �� l'angle du chateau pour approcher du perron, eus-je le temps d'apercevoir bon nombre de figures souriantes me souhaitant la bienvenue.
J'entrai, et me d��barrassant de mes fourrures, je r��pondis aux bonjours et aux poign��es de main; Louise m'avait embrass��e, et je lui trouvai non seulement bonne mine, mais l'air radieux:
--Quelle joie de me retrouver ici, dis-je enfin!
--Ce n'est pas malheureux, il y a assez longtemps qu'on te d��sire, r��pondit gentiment Louise; Jules surtout, il ne
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