n'ose plus vous demander nous l'apprendrait.
--Oh! je ne tiens pas à savoir les secrets de la princesse.... C'est pour vous être agréable, pour vous obéir que j'ai soustrait ce livre... la clef est à son fermoir, je ne l'ai pas ouvert.
--Eh bien! ouvrons-le.... Maintenant ce que vous appelez la méchante action est commis. Il ne s'agit plus que de me rendre un grand service. Hésitez-vous encore? Je sais que ne n'ai d'autre droit à cette bonté de votre part que....
--Tenez, tenez, lisez vite--dit Iris en détournant la tête et en donnant l'album à M. de Brévannes.
--Ce que je fais est infame; mais je ne puis résister à l'influence que vous avez sur moi.
--Influence d'une volonté ferme--pensa M. de Brévannes en ouvrant précipitamment le livre noir, où il lut ce qui suit, pendant qu'Iris, accoudée à la cheminée, la figure dans ses mains, et n'ayant pas l'air de voir sa dupe, l'examinait attentivement dans la glace.
* * * * *
CHAPITRE II.
PENSéES DéTACHéES.
Iris avait écrit les passages suivants d'une main en apparence émue et mal affermie, comme si les idées se fussent pressées confuses et désordonnées, dans la tête de la princesse:
?Je viens de le revoir à la Comédie-Fran?aise. Toutes mes douleurs, tous mes regrets se sont réveillés à son aspect.
?Il me poursuivra donc partout.... Jamais je n'ai éprouvé une commotion plus violente; être obligée de tout cacher aux regards pénétrants du monde, aux regards indifférents de mon mari.... Est-ce la haine, l'indignation, la colère qui m'ont ainsi bouleversée?
?Oui... n'est-ce pas de la haine, de l'indignation, de la colère que je dois ressentir contre celui qui a tué le fiancé à qui j'étais promise et que j'aimais depuis mon enfance? Ne dois-je pas exécrer celui qui m'a déshonorée par une calomnie infame?... Oh! oui... je le hais... je le hais, et pourtant!...?
Ici se trouvaient quelques mots absolument indéchiffrables; ils terminaient ce premier passage, et fournirent à M. de Brévannes le texte d'une foule de conjectures.
Ces mots et pourtant! lui semblaient surtout une réticence d'un heureux augure... il continua.
?J'étais tellement épouvantée de ma pensée de tout à l'heure, que je n'ai osé continuer--ni confier au papier.... Hélas! mon seul confident... ce qui causait mon effroi....
?Je devrais dire ma honte.... Quel ab?me que notre ame!... quels contrastes!... Oh! non, non; je hais cet homme.... Il y a dans la persistance avec laquelle il a poursuivi son dessein quelque chose d'infernal;... et si ce que je ressens à son égard diffère de la haine, c'est qu'un vague effroi se joint à cette haine. Oui, c'est cela sans doute.... Et puis il s'y joint encore une sorte de regret de voir une volonté si ferme, une opiniatreté si grande employées à mal faire, à nuire, à calomnier!
?En se vouant à de nobles desseins quels admirables résultats n'e?t-il pas obtenus!...
?Oui, je suis épouvantée quand je songe à l'habileté avec laquelle il est parvenu à s'introduire autrefois chez nous, à se rendre indispensable à nos intérêts; avec quelle dissimulation impénétrable il m'avait caché son amour... dont il ne m'a parlé qu'une seule fois; avec quelle indignation je l'ai accueilli....
?Ne devais-je pas croire, quoiqu'il m'ait dit le contraire, que les soins qu'il rendait à ma tante étaient sérieux? M'étais-je trompée? Voulais-je me tromper à cet égard?
?L'abominable calomnie dont j'ai été victime ne m'a pas même instruite de la vérité. Pauvre tante! que de chagrins elle m'a causés, sans le savoir!...
?Il n'a manqué à cet homme que de placer mieux son amour, son dévouement passionné... Sans doute, il e?t vaillamment aimé une femme libre de son coeur.... Mais pourquoi m'a-t-il aimée, moi? N'étais je pas fiancée à Rapha?l? Ne m'avait-il pas souvent entendu parler de notre prochain mariage?... Et après un premier et dernier aveu... il a recouru à la plus infame calomnie pour déshonorer celle à qui une fois, une seule fois, il avait parlé d'amour....
?Il me semble que je suis soulagée en épanchant ainsi les pensées qui me sont si douloureuses.... Oui, cela m'aide à lire dans mon coeur....
?Hélas! j'étais déjà si malheureuse! avais-je besoin de ce surcro?t de chagrins?... Oh! soyez maudit vous qui m'avez presque forcée à un mariage sans amour... en tuant mon fiancé... que j'aimais tendrement....
?Oui; je l'aimais d'un attachement d'enfance qui s'était changé avec les années en un sentiment plus vif que l'amitié, mais plus calme que l'amour....
?Quelle est ma vie maintenant? Horrible... horrible... avec toutes les apparences du bonheur.. si la richesse est le bonheur.... A jamais encha?née à un homme qui bien souvent, hélas! me fait regretter le sort de Rapha?l.
Pauvre Rapha?l! mourir si jeune!... Hélas! en provoquant M. de Brévannes, il cédait à un élan de juste et courageux désespoir.... Et pourtant son meurtrier a, de son c?té, non sans raison, invoqué le droit de légitime défense....
?Il n'importe, Rapha?l au moins ne souffre plus; moi je souffre chaque jour; chaque
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.