laissait entendre que madame de Hansfeld semblait éprouver à son égard une sorte de colère mêlée d'intérêt... bizarre ressentiment qu'Iris ne s'expliquait pas, disait-elle, car elle était censée ignorer ce qui s'était passé à Florence entre M. de Brévannes et Paula. Telle était la source des secrètes espérances du mari de Berthe, espérances nées de son aveugle amour-propre et augmentées par les fausses confidences d'Iris.
Ceci posé, nous conduirons le lecteur dans la petite maison que possédait M. de Brévannes dans la rue des Martyrs, et qu'il occupait alors tout seul.
C'était le lendemain du jour où Iris lui avait remis le prétendu billet de la princesse. En le recevant, M. de Brévannes avait osé pour la première fois parler du livre noir, de son désir de le posséder pendant un moment.
Iris, après des difficultés sans nombre, avait répondu qu'il serait peut-être possible de soustraire ce livre le lendemain, pour quelques heures seulement, la princesse devant aller passer la matinée chez madame de Lormoy, tante de M. de Morville.
M. de Brévannes avait demandé à la jeune fille d'apporter le précieux mémento rue des Martyrs; il le lirait en sa présence et le lui remettrait à l'instant avec la récompense due à un tel service, récompense qu'elle promit d'accepter pour ne pas éveiller les soup?ons de M. de Brévannes.
Ce dernier attendait donc Iris dans le petit salon dont nous avons parlé.
Si l'on n'a pas oublié le caractère de M. de Brévannes, son indomptable opiniatreté, son orgueil, son acharnement à réussir dans ce qu'il entreprenait; si l'on pense que sa volonté, son obstination, sa vanité étaient mises en jeu par un amour profond, exalté, contre lequel il se débattait depuis deux ans, on concevra avec quelle violence passionnée il désirait être aimé de madame de Hansfeld, cette femme si séduisante, si enviée, si respectée.
Il était midi. M. de Brévannes attendait Iris avec une extrême impatience dans la petite maison de la rue des Martyrs.
Madame Grassot, gardienne de cette mystérieuse demeure, restait à l'étage supérieur. La jeune fille arriva; M. de Brévannes courut à sa rencontre.
Iris paraissait tremblante et effrayée. M. de Brévannes la rassura et la fit entrer dans le salon; elle tenait à la main un petit album relié en maroquin noir et fermé par une serrure d'argent. Frémissant de joie et d'impatience à la vue de ce livret, M. de Brévannes prit sur la cheminée une bague ornée d'un assez gros brillant, la passa au doigt d'Iris, malgré sa faible résistance.
--De grace, charmante Iris--lui dit-il--recevez ce faible gage de ma reconnaissance. Cette jolie main n'a pas besoin d'ornement, mais c'est un souvenir que je vous demande en grace de porter.... Vous m'avez promis de l'accepter.
--Sans doute... mais je ne sais si je dois... ce diamant....
--Qu'importe le diamant!... c'est seulement de la bague qu'il s'agit.
--Et c'est aussi la bague que j'accepte--dit Iris avec un sourire d'une tristesse hypocrite--puisque ma condition m'expose à de certaines récompenses.
--Si j'ai choisi ce diamant--reprit M. de Brévannes--c'est qu'il offre l'emblème de la pureté et de la durée de ma reconnaissance.
Et il tendit la main vers le livre noir.
--Non, non--dit Iris en paraissant encore combattue par le devoir--cela est horrible.... Je me damne pour vous.
--Mais quel mal faites-vous?... c'est tout au plus une indiscrétion... ma chère Iris; puisque votre ma?tresse est souvent injuste envers vous, c'est de votre part une petite vengeance permise... et innocente.
--Oh! je suis inexcusable, je le sens... et puis une fois que vous aurez lu ce livre... vous oublierez la pauvre Iris... vous n'aurez plus besoin d'elle.... Mais de quoi me plaindrai-je? n'aurez-vous pas d'ailleurs payé ma trahison--ajouta-t-elle avec amertume.
--Cette petite fille s'est affolée de moi--pensa M. de Brévannes--comment diable m'en débarrasserai-je? Est-ce que maintenant qu'elle a ma bague elle ne voudrait plus se dessaisir du livre?
Il reprit tout haut d'un ton pénétré:
--Vous vous trompez, Iris. D'abord, je ne me croirai jamais quitte envers vous.... Quant à vous oublier... ne le craignez pas.... Pour mon repos, je voudrais le pouvoir.... Il faut toute la gravité des choses dont j'ai à entretenir votre ma?tresse pour me distraire un peu de mon amour pour vous.... Iris, car je vous aime.... Mais ne parlons pas de cela maintenant.... De graves intérêts sont en jeu.... Comment se trouve votre ma?tresse?
--Elle est rêveuse et triste depuis qu'elle vous a accordé l'entrevue que vous demandiez si impérieusement.
--Elle m'y a forcé... J'étais si malheureux de son refus que je me suis oublié jusqu'à lui faire cette menace, que je ne regrette plus, car j'ai ainsi obtenu ce que je désirais dans son intérêt et dans le mien.... Mais elle est rêveuse et triste, dites-vous?
--Oui... quelquefois elle reste longtemps comme accablée... puis tout à coup elle se lève impétueusement et marche pendant quelque temps avec agitation.
--Et à quoi attribuez-vous ses préoccupations?
--Je ne sais....
--Ce livre que vous hésitez à me confier et que je
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