temps. Comment a-t-on pu en venir, avec ce sens qui est le seul de la langue du moyen age, à celui de mettre des condiments dans un mets? Voici la transition: en un texte du treizième siècle, viande assaisonnée signifie aliment cuit à point, ni trop, ni trop peu, comme qui dirait m?ri à temps. Du moment qu'assaisonner fut entré dans la cuisine, il n'en sortit plus, et de cuire à point il passa à l'acception de mettre à point pour le go?t à l'aide de certains ingrédients; sens qu'il a uniquement parmi nous.
Assassin.--Ce mot ne contient rien en soi qui indique mort ou meurtre. C'est un dérivé de haschich, cette célèbre plante enivrante. Le Vieux de la Montagne, dans le treizième siècle, enivrait avec cette plante certains de ses affidés, et, leur promettant que, s'ils mouraient pour son service, ils obtiendraient les félicités dont ils venaient de prendre un avant-go?t, il leur désignait ceux qu'il voulait frapper. On voit comment le haschich est devenu signe linguistique du meurtre et du sang.
Attacher, attaquer.--Ces mots présentent deux anomalies considérables. La première, c'est qu'ils sont étymologiquement identiques, ne différant que par la prononciation; attaquer est la prononciation picarde d'attacher. La seconde est que, tache et tacher étant les simples de nos deux verbes, les composés attacher et attaquer ne présentent pas, en apparence, dans leur signification, de relation avec leur origine. Il n'est pas mal à l'usage d'user de l'introduction irrégulière et fortuite d'une forme patoise pour attribuer deux acceptions différentes à un même mot; et même, à vrai dire, il n'est pas probable, sans cette occasion, qu'il e?t songé à trouver dans attacher le sens d'attaquer. Mais comment a-t-il trouvé le sens d'attacher dans tache et tacher, qui sont les simples de ce composé? C'est que, tandis que dans tache mourait un des sens primordiaux du mot qui est: ce qui fixe, petit clou, ce sens survivait dans attacher. Au seizième siècle, les formes attacher et attaquer s'emploient l'une pour l'autre; et Calvin dit s'attacher là où nous dirions s'attaquer. Ce qui attaque a une pointe qui pique, et le passage de l'un à l'autre sens n'est pas difficile. D'autre part, il n'est pas douteux que tache, au sens de ce qui salit, ne soit une autre face de tache au sens de ce qui fixe ou se fixe. De la sorte on a la vue des amples écarts qu'un mot subit en passant du simple au composé, avec cette particularité ici que le sens demeuré en usage dans le simple dispara?t dans le composé, et que le sens qui est propre au composé a disparu dans le simple complètement. C'est un jeu curieux à suivre.
Avouer.--Quelle relation y a-t-il entre le verbe avouer, confesser, confiteri, et le substantif avoué, officier ministériel chargé de représenter les parties devant les tribunaux? L'ancienne étymologie, qui ne consultait que les apparences superficielles, aurait dit que l'avoué était nommé ainsi parce que le plaideur lui avouait, confessait tous les faits relatifs au procès. Mais il n'en est rien; et la recherche des parties constituantes du mot ne laisse aucune place aux explications imaginaires. Avouer est formé de à et voeu; en conséquence, il signifie proprement faire voeu à quelqu'un, et c'est ainsi qu'on l'employait dans le langage de la féodalité. Le fil qui de ce sens primitif conduit à celui de confesser est subtil sans doute, mais très visible et très s?r. De faire voeu à quelqu'un, avouer n'a pas eu de peine à signifier: approuver une personne, approuver ce qu'elle a fait en notre nom. Enfin une nouvelle transition, légitime aussi, où l'on considère qu'avouer une chose c'est la reconna?tre pour sienne, mène au sens de confesser: on reconna?t pour sien ce que l'on confesse. Et l'avoué, que devient-il en cette filière? Ce substantif n'est point nouveau dans la langue, et jadis il désignait une haute fonction dans le régime féodal, fonction de celui à qui l'on se vouait et qui devenait un défenseur. L'officier ministériel d'aujourd'hui est un diminutif de l'avoué féodal; c'est celui qui prend notre défense dans nos procès.
Bondir.--Supposez que nous ayons conservé l'ancien verbe tentir (nous n'avons plus que le composé retentir), et qu'à un certain moment de son existence tentir change subitement de signification, cesse de signifier faire un grand bruit, et prenne l'acception de rejaillir, ressauter; vous aurez dans cette supposition l'histoire de bondir. Jusqu'au quatorzième siècle, il signifie uniquement retentir, résonner à grand bruit; puis tout à coup, sans qu'on aper?oive de transition, il n'est plus employé que pour exprimer le mouvement du saut; il est devenu à peu près synonyme de sauter. Nous aurons, je crois, l'explication de cet écart de signification en nous reportant au substantif bond. Ce substantif, dont on ne trouve des exemples que dans le cours du quatorzième siècle, n'a pas l'acception de
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