les mss. que nous avons
signalés dans l'introduction du tome I. (Bibl. Nat. fr. 835 (A1), 604
(B1), 12779 (B2); Musée Brit. Harl. 4431 (A2).
VI.--LE DIT DE LA PASTOURE
Christine se révèle ici dans un genre nouveau. Cette jolie pastorale fait
sans doute allusion à quelque intrigue amoureuse, comme l'auteur
prend soin de nous en avertir dès le prologue. Car nous ne pouvons
croire, comme l'a avancé M. R. Thomassy [18], que Christine ait eu
l'intention d'établir une opposition entre l'amour naïf, primitif, et
l'amour chevaleresque, afin de placer des sentiments absolument purs
en contraste avec la fureur de voluptés décrite par Jean de Meun dans
son poème allégorique. Mais il s'agit plus vraisemblablement d'une
histoire d'amour dont le héros fut quelque prince contemporain et que
Christine dut, sans doute, écrire sur commande.
C'est la pastoure qui parle et présente son aventure amoureuse comme
exemple et avertissement aux dames qui ont fait le serment de n'aimer
jamais. Elle raconte avec une naïveté charmante et une grâce exquise
ses occupations champêtres, nous énumérant les soucis de la bergère et
toutes les notions qu'elle doit acquérir pour donner des soins
intelligents à son troupeau. Christine s'inspire sans doute dans ces
citations de l'expérience de ce Jehan de Brie qui avait composé, à la
demande de Charles V, un traité bien connu [19], intitulé «le vray
regime et gouvernement des bergers et bergères» où il enseigne la
pratique de «l'Art de Bergerie». Puis la Pastoure nous fait un tableau
complet de la vie rustique d'alors avec ses jeux enfantins et ses
divertissements de toutes sortes. Après ce long exposé, d'ailleurs rempli
de détails nouveaux et intéressants, l'action commence à se dérouler.
Un jour que la pastoure, se retirant «seulette» dans les bois, gardait son
troupeau, assise au bord d'une belle fontaine, ses chants harmonieux
attirèrent jusqu'à elle un brillant chevalier et son escorte qui passaient
par la grande route voisine. Ici commence l'idylle de la pastoure, qui
aura désormais le galant chevalier pour objet constant de toutes ses
pensées. Dès lors elle se tient à l'écart de ses compagnes. Seule Lorete,
son amie fidèle, connaît son secret et cherche à la détourner d'une si
imprudente passion en lui en montrant les dangers et la trop grande
disproportion. Mais la pastoure, dominée par l'amour, s'abandonne aux
élans de son coeur, elle nous retrace avec une exquise sensibilité les
diverses émotions qu'elle ressent tour à tour, et cesse tristement sa
mélodie en implorant les prières de tous les vrais amants en faveur du
chevalier qu'elle n'a pas revu depuis longtemps, et que sa haute
vaillance a sans doute entraîné sur quelque terre lointaine.
Indépendamment des recueils mss. que nous avons signalés dans notre
tome I et qui renferment le dit de la Pastoure, ce poème se trouve
transcrit séparément dans le ms. fr. 2184 de la Bibl. Nat. C'est une
copie du xve siècle sur vélin, comprenant 45 feuillets, et reliée en
maroquin rouge au chiffre de Louis XIV sur le dos, elle provient de la
bibliothèque de Colbert (n° 5239) et a porté ensuite le n° 7993 du
catalogue de 1739. Nous lui avons assigné dans la généalogie la lettre
B4.
Un autre ms. du même genre figure au catalogue de la collection
Barrois d' «Ashburnham Place» sous le n° LXXII. Ce volume, relié en
maroquin vert, comprend 15 feuillets. Il n'est pas au nombre des mss.
de cette provenance qui ont fait retour à la Bibliothèque Nationale.
Une troisième transcription isolée du dit de la Pastoure existait aussi
dans l'ancienne bibliothèque de Bourgogne et est signalée par Barrois
dans sa _Bibl. protypographique_ aux inventaires de 1467 sous le n°
1368 et de 1487 sous le n° 2128. Nous ne savons ce qu'est devenu ce
ms.
VII.--EPITRE A EUSTACHE MOREL
Cette lettre, écrite la même année que le dit de la Pastoure, présente un
certain intérêt en ce sens qu'elle est la seule parvenue jusqu'à nous qui
permette de constater les relations de Christine avec l'un des meilleurs
poètes de son époque. Elle a pour objet la critique des moeurs
contemporaines, thème si souvent traité par Eustache Deschamps dans
le style incisif et personnel qu'on lui connaît.
La lettre de Christine, au contraire, se distingue par sa forme recherchée;
malheureusement l'abus des rimes équivoquées en rend la lecture
difficile et fatiguante, mais, aux yeux des contemporains, cette
recherche était un mérite. Eustache Deschamps y répondit par une
ballade pleine d'éloges et de compliments (voy. édit. Queux de
Saint-Hilaire, VI, p. 251).
Les deus mss. de la famille A (Bibl. Nat. fr, 605 (_A_1) et Mus. Brit.
Harl. 4431 (_A_2), que nous avons signalés dans l'introduction du tome
I, renferment seuls l'Épître à Eustache Morel.
[1] Il n'est peut-être pas sans intérêt de faire remarquer que la
Chronique du maréchal Boucicaut renferme, au chap.
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