son modèle, car elle comprend seulement
68 strophes de sept vers.
Le texte de l'Épître au dieu d'amours, que nous donnons plus loin, a été
établi d'après les mss. Bibl. Nat. fr. 835 (A1), 604 (B1) et 12779 (B2),
Musée Brit. Harl. 4431 (A2), que nous avons décrits dans la préface de
notre premier volume[13]. Un autre ms. contenant ce poème existait
dans l'ancienne bibliothèque de Bourgogne et se trouve signalé à ce
titre dans un inventaire de 1467 publié par Barrois[14] (Inventaire de
Bruges n° 1402), on ne sait ce qu'il est devenu.
II.--LE DIT DE LA ROSE
Le Dit de la Rose, daté du 14 février 1401 (anc. st.), est en quelque
sorte le couronnement de la polémique de Christine contre l'oeuvre de
Jean de Meun. Forte de l'appui de la reine Isabeau qu'elle avait dû
certainement gagner à sa cause, Christine joue maintenant le rôle d'un
défenseur attitré du sexe féminin et se met elle-même en scène dans
une réunion tenue chez le duc Louis d'Orléans. S'inspirant du généreux
exemple du maréchal Boucicaut et de la récente institution de la «Court
amoureuse[15]», elle fonde, avec l'intervention allégorique de la déesse
de Loyauté, l'Ordre de la Rose qui sera l'encouragement et la
récompense des chevaliers loyaux défenseurs de la réputation des
dames. Ce petit poème, entrecoupé de ballades gracieuses et fort bien
présentées, offre un grand mérite par son tour élégant et facile en même
temps que par la distinction et l'originalité des idées qui y sont
remarquablement exprimées. Le texte du Dit de la Rose ne se trouve
que dans les trois mss. de la famille B (Bibl. Nat. fr. 604 (B1), 12779
(B2) et ms. Morgand (B3) dont nous avons donné la description dans
notre premier volume.
III.--LE DÉBAT DE DEUX AMANTS
Après avoir vengé son sexe des injures et des calomnies dont il était
l'objet, Christine va maintenant se livrer à une étude complète de
l'amour; elle le dissèquera sous toutes ses formes et traduira les
sentiments si variables qu'il peut faire naître, en leur donnant
quelquefois pour cadres des situations réelles empruntées à la vie de la
société contemporaine. Ces compositions, inspirées par un esprit
surtout métaphysique, se nommaient alors des dits ou _ditiés d'amour_.
Ce genre, qui fut très en vogue au xve siècle, passionna au plus haut
degré l'imagination de Christine qui y trouva l'inspiration de la plupart
de ses meilleures poésies. En dehors de quelques ballades ou rondeaux
qui laissent déjà deviner une semblable tendance, le _Débat de deux
Amants_ paraît être le début d'une nouvelle série de compositions
entièrement consacrées à l'amour.
La scène de ce poème intéressant doit se placer dans l'hôtel même du
duc Louis d'Orléans. Christine retrace une des splendides fêtes qui
eurent lieu dans cette demeure magnifique, et, spectatrice attentive des
divertissements de la haute société qui s'y était donnée rendez-vous,
elle remarque en sa qualité de philosophe et de moraliste les allures
opposées de deux seigneurs: l'un, chevalier, porte en son coeur toute
l'amertume d'un amour déçu ou incompris, l'autre, un jeune écuyer, se
laisse entraîner par l'ardeur d'une vie facile et semble refléter toutes les
impressions d'un bonheur complet. De ces deux personnages Christine
va faire de l'un le censeur et de l'autre l'apologiste de l'amour; puis,
n'osant donner une solution définitive à une question aussi délicate, elle
soumet le différend à la haute appréciation de son puissant protecteur,
le duc d'Orléans.
Deux faits historiques qui se trouvent cités dans le cours du poème
permettent de lui assigner une date certaine. Christine parle aux vers
1593 et 1594 du connétable de Sancerre, et dit qu'il est encore de ce
monde; or il mourut le 6 février 1402 et était connétable depuis le 26
juillet 1397. Plus loin (vers 1627 à 1637) elle fait allusion à la défense
héroïque de la petite garnison laissée à Constantinople sous le
commandement de Jehan de Châteaumorand; cet événement eut lieu au
commencement de l'année 1400 (n. st.)» et Jehan de Châteaumorand
était de retour en France dès septembre 1402 [16]. C'est donc entre
1400 et 1402 que doit forcément se placer l'intervalle pendant lequel fut
composé le _Débat de deux Amants_.
Nous avons décrit dans la préface du tome I plusieurs mss. qui donnent,
avec d'autres oeuvres, le texte de ce poème, mais le _Débat de deux
Amants_ fut en outre plusieurs fois transcrit isolément. Un de ces
exemplaires (probablement celui même qui fut offert à Charles d'Albret,
car il contient une ballade de dédicace adressée à ce prince et publiée
dans notre tome I, p. 231) faisait partie de la Bibliothèque de
Bourgogne et est mentionné dans les inventaires des librairies de
Bruges en 1467 et de Bruxelles en 1487 [17]. C'est aujourd'hui le n°
11034 de la Bibl. royale de Belgique. Ce ms. du xve siècle
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