l'ensemble du ms. tel qu'il était à l'origine. D'ailleurs, si quelque doute subsistait encore après ce rapprochement pourtant bien caractéristique, il serait vite dissipé par un examen sommaire de l'écriture, de la disposition identique des quatre fragments, de l'enluminure des miniatures ou des lettres ornées, dues certainement à la même plume et au même pinceau.
M. Paulin Paris[2] avait déjà reconnu l'ancienne composition du ms. pour les fractions portant les numéros 835, 836 et 605, mais il n'a pas reconstitué la totalité du volume. M. L. Delisle a également soup?onné cette corrélation sans l'expliquer et en l'étendant plus qu'il n'est légitime, car il semble faire rentrer dans la même famille des mss. tout à fait disparates[3].
[Note 2: _Manuscrits fran?ois de la Bibl. du Roi_, V, 180, et VI, 399, 402.]
[Note 3: _Inventaire des mss. fran?ais_, I, p. 74.]
Cette division existait d'ailleurs dès le commencement du XVIe siècle, ainsi qu'il est permis de le constater par trois mentions que la même main a tracées à cette époque sur le premier feuillet de garde collé aujourd'hui à la reliure des mss. 835, 606 et 605. La première note indique les oeuvres contenues dans le fragment 835, la seconde (ms. 606) est ainsi con?ue: ?En ce livre a cent une hystoire et XLVI feuilletz escriptz, et fut reveu par frere __ le IIe jour de avril Mil V c et dix?, la troisième mention donne la même date. Il est donc probable qu'à l'origine le ms. se trouvait en cahiers simplement rattachés entre eux, mais non recouverts d'une reliure, et que pour le consulter plus facilement on le sépara bient?t en plusieurs parties qui furent reliées et inventoriées comme autant de livres différents. Le fragment 835 fut d'abord relié en velours rouge, aujourd'hui il l'est en maroquin rouge aux armes de France sur les plats, à la fleur de lis sur le dos; le ms. 836 était également recouvert de velours rouge, et aujourd'hui de veau racine au chiffre de Louis XVIII sur le dos. Quant à la reliure des autres fractions elle para?t avoir été identique, ainsi qu'il résulte des renseignements que l'on trouvera plus loin dans l'inventaire de la Bibliothèque des ducs de Bourbon.
Ces différents fragments réunis forment un superbe ms. composé des principales poésies de Christine, ne comprenant pas moins de 269 feuillets et illustré de 125 jolies miniatures.
Cette reconstitution nous permet en outre de fixer d'une fa?on précise l'époque de la confection du recueil. En effet, l'oeuvre la plus récente qui y soit insérée doit être sans aucun doute les _épitres sur le Roman de la Rose_ en tête desquelles se trouve la lettre d'envoi adressée à la reine Isabelle et datée de l'avant-veille de la Chandeleur 1407. C'est donc dans un intervalle de quatre ans, entre 1408 et 1413 (date du premier inventaire mentionnant le vol. de Christine) que notre ms. a été préparé et offert au duc de Berry. L'importance de l'ouvrage et la valeur des oeuvres qu'il renferme expliquent maintenant tout le prix que Jean de Berry devait y attacher et la générosité (200 écus) avec laquelle il sut reconna?tre l'hommage de l'auteur. Il avait du reste accueilli avec beaucoup de grace et de largesse le _Livre du Chemin de longue étude_ le 20 mars 1403, le Livre de la Mutation de Fortune en mars 1404[4], les _Faits et Bonnes moeurs de Charles V_, le 1er janvier 1405, les Sept Psaumes, le 1er janvier 1410; il re?ut encore plus tard, les _Faits d'Armes et de Chevalerie_, le 1er janvier 1413, et le Livre de la Paix le 1er janvier 1414; sa riche bibliothèque renfermait aussi un exemplaire distinct de l'_épitre d'Othéa_ et le livre de la _Cité des Dames_[5]; Christine lui avait donc offert successivement presque tous ses ouvrages.
[Note 4: Ce ms. est aujourd'hui à la Bibl. royale de La Haye, n° 701.]
[Note 5: Fonds fran?ais, n° 607.]
Le précieux ms., dont nous avons reconstitué l'ensemble, fut recueilli dans la succession du duc de Berry (inventaire de 1416), par sa fille Marie, épouse de Jean Ier duc de Bourbon; cette princesse, très versée dans l'étude des lettres, conserva de la superbe collection de son père 41 mss. qui lui furent attribués pour une somme de 2,500 liv.[6]; on estima 50 liv. l'exemplaire des oeuvres de Christine. Notre ms. prit désormais place dans la librairie que les ducs de Bourbon avaient installée dans leur chateau de Moulins, et pendant tout le XVe siècle resta entre les mains de ces princes qui se distinguèrent autant par la noblesse de leur race que par leur go?t des livres et les encouragements qu'ils aimaient à donner aux savants leurs contemporains. En 1523 lorsque Fran?ois Ier fit saisir les biens du connétable de Bourbon, on dressa l'inventaire de la librairie de Moulins. Un commissaire du roi, Pierre Antoine, en constata l'état le 19
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.