Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome IV. | Page 8

Napoleon Bonaparte
souverains réunis en congrès à Francfort, n'étant pas encore
terminées, nous avons pensé qu'il n'en était aucune qui fût plus
convenable que d'adresser la présente à votre A. Em., afin qu'elle en
fasse part aux deux collèges. En effet, quel organe pouvions-nous plus
naturellement choisir, que celui d'un prince à la sagesse duquel a été
confié le soin de préparer le premier statut fondamental? Nous aurions
attendu que ce statut eût été arrêté par le congrès, et nous eût été donné
en communication, s'il ne devait pas contenir des dispositions qui nous
regardent personnellement. Cela seul a dû nous porter à prendre
nous-même l'initiative pour soumettre nos sentimens et nos réflexions à
la sagesse des princes confédérés.
Lorsque nous avons accepté le titre de protecteur de la confédération du
Rhin, nous n'avons eu en vue que d'établir en droit ce qui existait de fait
depuis plusieurs siècles. En l'acceptant, nous avons contracté la double
obligation de garantir le territoire de la confédération contre les troupes
étrangères et le territoire de chaque confédéré contre les entreprises des
autres. Ces observations, toutes conservatrices, plaisent à notre coeur;
elles sont conformes à ces sentimens de bienveillance et d'amitié dont
nous n'avons cessé, dans toutes les circonstances, de donner des
preuves aux membres de la confédération. Mais là se bornent nos
devoirs envers eux. Nous n'entendons en rien nous arroger la portion de

souveraineté qu'exerçait l'empereur d'Allemagne comme suzerain. Le
gouvernement des peuples que la providence nous a confié, occupant
tous nos momens, nous ne saurions voir croître nos obligations sans en
être alarmé. Comme nous ne voulons pas qu'on puisse nous attribuer le
bien que les souverains font dans leurs états, nous ne voulons pas non
plus qu'on nous impute les maux que la vicissitude des choses
humaines peut y introduire. Les affaires intérieures de chaque état ne
nous regardent pas. Les princes de la confédération du Rhin sont les
souverains qui n'ont point de suzerain. Nous les avons reconnus comme
tels. Les discussions qu'ils pourraient avoir avec leurs sujets, ne
peuvent donc être portées à un tribunal étranger? La diète est le tribunal
politique, conservateur de la paix entre les différens souverains qui
composent la confédération. Ayant reconnu tous les autres princes qui
formaient le corps germanique, comme souverains indépendans, nous
ne pouvons reconnaître qui que ce soit comme leur suzerain. Ce ne sont
point des rapports de suzeraineté qui nous lient à la confédération, mais
des rapports de simple protection. Plus puissant que les princes
confédérés, nous voulons jouir de la supériorité de notre puissance, non
pour restreindre leurs droits de suzeraineté, mais pour leur en garantir
la plénitude.
Sur ce, nous prions Dieu, mon frère, qu'il vous ait en sa sainte et digne
garde.
NAPOLÉON.

Au palais de Saint-Cloud, le 21 septembre 1806.
A.S.M. le roi de Bavière.
Monsieur mon frère!
Il y a plus d'un mois que la Prusse arme, et il est connu de tout le
monde qu'elle arme contre la France et contre la confédération du Rhin.
Nous cherchons les motifs sans pouvoir les pénétrer. Les lettres que S.
M. prussienne nous écrit sont amicales; son ministre des affaires

étrangères a notifié, à notre envoyé extraordinaire et ministre
plénipotentiaire, qu'elle reconnaissait la confédération du Rhin, et
qu'elle n'avait rien à objecter contre les arrangemens faits dans le midi
de l'Allemagne.
Les armemens de la Prusse sont-ils le résultat d'une coalition avec la
Russie, ou seulement des intrigues des différens partis qui existent à
Berlin, et de l'irréflexion, du cabinet? Ont-ils pour objet de forcer la
Hesse, la Saxe et les villes anséatiques à contracter des liens que ces
deux dernières puissances paraissent ne pas vouloir former? La Prusse
voudrait-elle nous obliger nous-même à nous départir de la déclaration
que nous avons faite, que les villes anséatiques ne pourront entrer dans
aucune confédération particulière; déclaration fondée sur l'intérêt du
commerce de la France et du midi de l'Allemagne, et sur ce que
l'Angleterre nous a fait connaître que tout changement dans la situation
présente des villes anséatiques, serait un obstacle de plus à la paix
générale? Nous avons aussi déclaré que les princes de la confédération
germanique, qui n'étaient point compris dans la confédération du Rhin,
devaient être maîtres de ne consulter que leurs intérêts et leurs
convenances, qu'ils devaient se regarder comme parfaitement libres,
que nous ne ferions rien pour qu'ils entrassent dans la confédération du
Rhin, mais que nous ne souffririons pas que qui que ce fût les forçât de
faire ce qui serait contraire à leur volonté, à leur politique, aux intérêts
de leurs peuples. Cette déclaration si juste aurait-elle blessé le cabinet
de Berlin, et voudrait-il nous obliger à la rétracter! Entre tous ces
motifs, quel peut être le véritable? Nous ne saurions le deviner, et
l'avenir seul pourra révéler le secret d'une conduite aussi
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