Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome III. | Page 5

Napoleon Bonaparte
vivement. Mais je sens que ces gens-là ne sont pas assez résolus
pour cela. Si cela arrivait, ils s'éparpilleraient tout bonnement en route.
J'ai envoyé, il y a trois jours, à Saffet un homme qui est depuis Jaffa
avec nous, pour avoir une conférence avec Ibrahim-Bey, et doit être de
retour demain, et, si la cavalerie qui est devant Saffet l'a empêché de
remplir sa mission, je vous l'enverrai: il sera plus à portée de la remplir
de chez vous.
BONAPARTE.

Au camp d'Acre, le 25 germinal an 7 (14 avril 1799).
Au général Marmont.
J'imagine qu'à l'heure qu'il est, citoyen général, vous aurez
approvisionné le fort de Raschid de mortiers avec de bonnes pièces à
cinq cents coups au moins.
J'ai reçu votre lettre du 8 germinal, et j'ai appris avec plaisir que le
Pluvier s'était sauvé à Alexandrie: il doit avoir douze cents quintaux de
riz à son bord; vous pouvez vous en servir pour augmenter vos
approvisionnemens.
Recrutez et complétez les quatre bataillons qui sont sous vos ordres,
ainsi que la légion nautique. Les recrues que vous nous avez envoyées
d'Alexandrie se sont sauvées à la première affaire, ont tenu bon à la
seconde., et se battent aujourd'hui tous les jours à la tranchée avec le
plus grand courage.
Le général Junot s'est couvert de gloire le 19, au combat de Nazareth;
avec trois cents hommes de la deuxième d'infanterie légère, il a battu
quatre mille hommes de cavalerie; il a pris cinq drapeaux et tué ou
blessé près de six cents hommes: c'est une des affaires brillantes de la
guerre.
Notre siège avance: nous avons une galerie de mine qui déjà dépasse la
contrescarpe, chemine sous le fossé à trente pieds sous terre, et n'est
plus qu'à dix-huit pieds du rempart.
Sur le front d'attaque, nous avons deux batteries à soixante toises, et
quatre à cent toises, pour contrebattre les flancs. Depuis quinze jours
nous ne tirons pas un seul boulet: l'ennemi tire comme un enragé; nous
nous contentons de ramasser humblement ses boulets, de les payer
vingt sous et de les entasser au parc, où il y en a déjà près de quatre
mille. Vous voyez qu'il y a de quoi faire un beau feu pendant
vingt-quatre heures, et faire une bonne brèche. J'attends, pour donner le
signal, que le mineur puisse faire sauter la contrescarpe à l'extrémité
d'une double sape, qui marche droit a une tour. Nous sommes encore à

huit toises de la contrescarpe: c'est l'histoire de deux nuits. L'ennemi
nous a tiré trois ou quatre mille bombes; il y a dans la place beaucoup
d'Anglais et d'émigrés français: vous sentez que nous brûlons d'y entrer:
il y a à parier que ce sera le 1er floréal: le siège, à défaut d'artillerie et
vu l'immense quantité de celle de l'ennemi, est une des opérations qui
caractérisent le plus la constance et la bravoure de nos troupes:
l'ennemi tire ses bombes avec une grande précision. Jusqu'à cette heure,
ce siège nous coûte soixante hommes tués et trente blessés. L'adjoint
Mailly, les adjudans-généraux Lescale et Hacigue sont du nombre des
premiers.
Le général Caffarelli, mon aide-de-camp Duroc, Eugène,
l'adjudant-général Valentin, les officiers de génie Sanson, Say et
Souhait sont du nombre des blessés; on a été obligé d'amputer le bras
du général Caffarelli: sa, blessure va bien.
Damas n'attend que la nouvelle de la prise d'Acre pour se soumettre.
Je serai dans le courant de mai de retour en Egypte: profitez des
bâtimens de transport qui partiraient, ou expédiez-en un pour donner de
nos nouvelles en France. Vous avez dû recevoir la relation de Jaffa, qui
a été imprimée.
Approvisionnez-vous, et que vos soins ne se bornent pas à Alexandrie;
songez que cela n'est rien si le fort de Raschid n'est pas en état de faire
une bonne résistance; il faut qu'il y ait un bon massif de terre, des
mortiers, des obusiers, des canons approvisionnés à six cents coups par
pièce. Après avoir fortifié votre arrondissement, vous aurez la gloire de
le défendre cet été: je vous répète ce que je vous ai dit dans ma lettre du
21 pluviose, de me faire faire une bonne carte de votre arrondissement,
en y comprenant une partie du lac Bourlos: vous savez combien cela est
nécessaire dans les opérations militaires.
Faites connaître dans votre arrondissement que j'ai revêtu le fils de
Daher, et que je l'ai reconnu le scheick de Saffet et du pachalic d'Acre.
Nous pourrions bien aujourd'hui donner un million si nous avions ici
les pièces de siége embarquées à Alexandrie.

Si les Anglais laissent la sortie un peu libre, vous pourriez envoyer un
petit bâtiment à Jaffa pour me porter de vos nouvelles et pour en
recevoir des nôtres; il faudrait qu'il fût assez petit pour pouvoir aller à
Damiette ou sur le lac Bourlos.
BONAPARTE.
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 182
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.