que l'on se plaint que vous gardates tout pour vous, ne donnant qu'une bagatelle aux misérables que vous aviez séduits. Pour justifier si vous l'avez d? faire, il ne s'agit que de savoir si vous l'avez pu faire avec s?reté. Or, de pauvres gens, qui avaient si besoin de votre protection, n'étaient ni dans le cas de réclamer, ni même dans celui de conna?tre bien clairement le tort qu'on leur faisait. Ils ne pouvaient pas faire les mécontens, et se révolter contre votre autorité: en horreur à leurs compatriotes, leur retour n'e?t pas été plus sincère. Il est donc bien naturel qu'ayant ainsi trouvé quelques milliers d'écus, vous ne les ayez pas laissé échapper: c'e?t été une duperie.
Les Fran?ais, battus malgré leur or, leurs brevets, la discipline de leurs nombreux bataillons, la légèreté de leurs escadrons, l'adresse de leurs artilleurs; défaits à la Penta, à Vescovato, à Loretto, à San-Nicolao, à Borgo, à Barbaggio, à Oletta, se retranchèrent excessivement découragés. L'hiver, le moment de leur repos, fut pour vous, monsieur, celui du plus grand travail; et si vous ne p?tes triompher de l'obstination des préjugés profondément enracinés dans l'esprit du peuple, vous parv?ntes à en séduire quelques chefs, auxquels vous réuss?tes, quoique avec peine, à inculquer les bons sentimens; ce qui, joint aux trente bataillons qu'au printemps suivant M. de Vaux conduis?t avec lui, soumit la Corse au joug, obligea Paoli et les plus fanatiques à la retraite.
Une partie des patriotes étaient morts en défendant leur indépendance; l'autre avait fui une terre proscrite, désormais hideux nid des tyrans. Mais un grand nombre n'avaient d? ni mourir ni fuir: ils furent l'objet des persécutions. Des ames que l'on n'avait pu corrompre étaient d'une autre trempe: l'on ne pouvait asseoir l'empire fran?ais que sur leur anéantissement absolu. Hélas! ce plan ne fut que trop ponctuellement exécuté. Les uns périrent victimes des crimes qu'on leur supposa; les autres, trahis par l'hospitalité, par la confiance, expièrent sur l'échafaud les soupirs, les larmes surprises à leur dissimulation; un grand nombre, entassés par Narbonne-Fridzelar dans la tour de Toulon; empoisonnés par les alimens, tourmentés par leurs cha?nes; accablés par les plus indignes traitemens; ils ne vécurent quelque temps dans leurs soupirs, que pour voir la mort s'avancer à pas lents... Dieu, témoin de leur innocence, comment ne te rendis-tu pas leur vengeur!
Au milieu de ce désastre général, au sein des cris et des gémissemens de cet infortuné peuple, vous, cependant, commen?ates à jouir du fruit de vos peines: honneurs, dignités, pensions, tout vous fut prodigué. Vos prospérités se seraient encore plus rapidement accrues, lorsque la Dubarri culbuta M. de Choiseul, vous priva d'un protecteur, d'un appréciateur de vos services. Ce coup ne vous découragea pas: vous vous tournates du c?té des bureaux; vous sent?tes seulement la nécessité d'être plus assidu. Ils en furent flattés: vos services étaient si notoires! Tout vous fut accordé. Non content de l'étang de Biguglia, vous demandates une partie des terres de plusieurs communautés. Pourquoi les en vouliez-vous dépouiller, dit-on? Je demande, à mon tour, quels égards deviez-vous avoir pour une nation que vous saviez vous détester?
Votre projet favori était de partager l'?le entre dix barons. Comment! non content d'avoir aidé à forger les cha?nes où votre patrie était retenue, vous vouliez encore l'asujétir à l'absurde régime féodal! Mais je vous loue d'avoir fait aux Corses le plus de mal que vous pouviez: vous étiez dans un état de guerre avec eux; et, dans l'état de guerre, faire le mal pour son profit est un axi?me.
Mais passons sur toutes ces misères-là: arrivons au moment actuel, et finissons une lettre qui, par son épouvantable longueur, ne peut manquer de vous fatiguer.
L'état des affaires de France présageait des événemens extraordinaires. Vous en craign?tes le contre-coup en Corse. Le même délire dont nous étions possédés avant la guerre, à votre grand scandale, commen?a à ématir cet aimable peuple. Vous en compr?tes les conséquences; car, si les grands sentimens ma?trisaient l'opinion, vous ne deveniez plus qu'un tra?tre, au lieu d'un homme de bon sens. Pis encore; si les grands sentimens revenaient à agiter le sang de nos chauds compatriotes; si jamais un gouvernement national s'ensuivait; que deveniez-vous? Votre conscience alors commen?a à vous épouvanter: inquiet, affligé, vous ne vous y abandonnates pas; vous résol?tes de jouer le tout pour le tout, mais vous le f?tes en homme de tête. Vous vous mariates, pour accro?tre vos appuis. Un honnête homme qui avait, sur votre parole, donné sa soeur à votre neveu, se trouva abusé. Votre neveu, dont vous aviez englouti le patrimoine pour accro?tre un héritage qui devait être le sien, s'est trouvé réduit dans la misère avec une nombreuse famille.
Vos affaires domestiques arrangées, vous jetates un coup d'oeil sur le pays: vous le v?tes fumant du sang de ses martyrs, jonché de victimes multipliées, n'inspirer à
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