re?oit son billet.
LE SECRéTAIRE.
La princesse palit.
LE MARQUIS.
Ma chère fille, qu'avez-vous donc?
LAURETTE.
Rien, rien, je suis remise.
LE MARQUIS, bas au secrétaire.
Vous concevez qu'une jeune fille...
Laurette frappe les premiers accords.
UN VALET, entrant, bas au marquis.
Son Excellence vient d'entrer dans le jardin.
LE MARQUIS.
Son Excell...! Allons à sa rencontre.
Il se lève.
LE SECRéTAIRE.
Au contraire.--Permettez-moi de vous dire deux mots.
Pendant ce temps, Laurette joue la ritournelle pianissimo.
Vous voyez que le prince ne fait avertir que vous seul de son arrivée. Que le reste de vos conviés s'éloigne. Je connais les usages, et je sais que dans toutes les cours il y a une présentation; mais rien de ce qui est fait pour tout le monde ne saurait plaire à notre jeune souverain. Veuillez m'accompagner seul auprès du prince. La jeune mariée restera, s'il vous pla?t.
LE MARQUIS.
Eh quoi! seule ici?
LE SECRéTAIRE.
J'agis d'après les ordres du prince.
LE MARQUIS.
Monsieur, je vais donner les miens en conséquence; me conformer en tout aux moindres volontés de Son Excellence est pour moi le premier, le plus sacré des devoirs. Ne dois-je pas pourtant avertir ma nièce?
LE SECRéTAIRE.
Certainement.
LE MARQUIS.
Laurette!
Il lui parle à l'oreille. Un moment après, les masques se dispersent dans les jardins et laissent le théatre libre. Le marquis et le secrétaire sortent ensemble.
LAURETTE, restée seule, tire le billet de Razetta de son sein, et lit.
?Les serments que j'ai pu te faire ne peuvent me retenir loin de toi. Mon stylet est caché sous le pied de ton clavecin. Prends-le, et frappe mon rival, si tu ne peux réussir avant onze heures sonnantes à t'échapper et à venir me retrouver au pied de ton balcon, où je t'attends. Crois que, si tu me refuses, j'entendrai sonner l'heure, et que ma mort est certaine.
?RAZETTA.?
Elle regarde autour d'elle.
Seule ici!...
Elle va prendre le stylet.
Tout est perdu: car je le connais, il est capable de tout. ? Dieu! il me semble que j'entends monter à la terrasse. Est-ce déjà le prince?--Non, tout est tranquille.
?à onze heures; si tu ne peux réussir à t'échapper. Crois que, si tu me refuses, ma mort est certaine!...?
? Razetta, Razetta! insensé, il m'en co?te cher de t'avoir aimé!
Fuirai-je?... La princesse d'Eysenach fuira-t-elle?... avec qui?... avec un joueur déjà presque ruiné? avec un homme plus redoutable seul que tous les malheurs... Si j'avertissais le prince?--? ciel! on vient.
Mais Razetta! il se tuera sans doute sous mes fenêtres...
Le prince ne peut tarder; je vois des pages avec des flambeaux traverser l'orangerie. La nuit est obscure; le vent agite ces lumières; écoutons... Quelle singulière frayeur me saisit!... Quel est l'homme qui va se présenter à moi?... Inconnus l'un à l'autre,... que va-t-il me dire?... Oserai-je lever les yeux sur lui?... Oh! je sens battre mon coeur... L'heure va si vite! onze heures seront bient?t arrivées!...
UNE VOIX, en dehors.
Son Excellence veut-elle monter cet escalier?
LAURETTE.
C'est lui! il vient.
Elle écoute.
Je ne me sens pas la force de me lever; cachons ce stylet.
Elle le met dans son sein.
Eysenach, c'est donc à la mort que tu marches?... Ah! la mienne aussi est certaine...
Elle se penche à la fenêtre.
Razetta se promène lentement sur le rivage!... Il ne peut me manquer... Allons!... Prenons cependant assez de force pour cacher ce que j'éprouve... Il le faut... Voici l'instant.
Se regardant.
Dieu, que je suis pale! mes cheveux en désordre...
Le prince entre par le fond; il a à la main un portrait; il s'avance lentement, en considérant tant?t l'original, tant?t la copie.
LE PRINCE.
Parfait.
Laurette se retourne et demeure interdite.
Et cependant comme en tout l'art est constamment au-dessous de la nature, surtout lorsqu'il cherche à l'embellir! La blancheur de cette peau pourrait s'appeler de la paleur; ici je trouve que les roses étouffent les lis.--Ces yeux sont plus vifs,--ces cheveux plus noirs.--Le plus parfait des tableaux n'est qu'une ombre: tout y est à la surface; l'immobilité glace; l'ame y manque totalement; c'est une beauté qui ne passe pas l'épiderme. D'ailleurs ce trait même à gauche...
Laurette fait quelques pas. Le prince ne cesse pas de la regarder.
Il n'importe: je suis content de Grimm; je vois qu'il ne m'a pas trompé.
Il s'assoit.
Ce petit palais est très gentil: on m'avait dit que cette pauvre fille n'avait rien. Comment donc! mais c'est un élégant que mon oncle, monsieur le... le...
à Laurette.
Votre oncle est marquis, je crois?
LAURETTE.
Oui,... monseigneur...
LE PRINCE.
Je me sens la tentation de quitter cette vieille prude d'Allemagne, et de venir m'établir ici. Ah! diable, je fais une réflexion, on est obligé d'aller à pied.--Est-ce que toutes les femmes sont aussi jolies que vous dans cette ville?
LAURETTE.
Monseigneur...
LE PRINCE.
Vous rougissez... De qui donc avez-vous peur? nous sommes seuls.
LAURETTE.
Oui,... mais...
LE PRINCE, se levant.
Est-ce que par hasard mon grand guindé de secrétaire se serait mal acquitté de sa représentation? Les compliments d'usage ont-ils été faits? Aurait-il négligé quelque chose? En ce cas, excusez-moi: je pensais que les quatre premiers actes de la comédie étaient joués, et que j'arrivais seulement pour le cinquième.
LAURETTE.
Mon tuteur...
LE PRINCE.
Vous tremblez?
Il
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